Intervention de Dominique Potier

Réunion du 21 janvier 2015 à 10h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Potier :

Monsieur le président, je vous remercie de m'accueillir pour participer au débat de votre commission. Je me félicite que cette proposition de loi ait pu naître dans notre assemblée, où non moins de quatre groupes politiques l'ont déposée conjointement. Avec Philippe Noguès, Danielle Auroi et une quinzaine d'autres parlementaires de tous horizons et de toutes sensibilités, je n'ai jamais désespéré qu'elle puisse recueillir des appuis au-delà des rangs de la gauche, en intéressant des républicains et des démocrates qui partagent notre passion pour « l'économie France », mais qui veulent en faire un acteur d'une mondialisation juste et respectueuse des droits humains.

Je pense que ce texte, ou sa version renouvelée, doit pouvoir les rassembler, dans l'esprit du « 11 janvier ». Portée par quatre groupes, la proposition a vocation à réunir toute l'Assemblée nationale. Elle fut d'ailleurs élaborée avec les organisations syndicales, mais aussi avec des représentants du patronat, qui ne forme pas contre elle un bloc unanimement hostile. Les organisations non gouvernementales de diverses sensibilités se sont elles-mêmes efforcées d'harmoniser leurs positions, telles qu'Amnesty International ou le Comité catholique contre la faim et pour le développement, organisations affiliées à des fédérations internationales.

Nous posons le débat dans des termes dépassés. Les grandes entreprises le savent : tant le risque couru par leur réputation, que le risque de management induit par une éventuelle absence de motivation de leurs employés, ou encore les risques commercial et juridique, sont bien supérieurs à l'effort de sécurité juridique proposé par le présent texte. Une fraction du patronat veut continuer à pratiquer un libéralisme sans foi ni loi. Mais toute une autre partie, déjà confrontée à ces problèmes, ou voulant utiliser la responsabilité sociale et environnementale au profit d'une compétitivité accrue, est plutôt favorable à une évolution législative, même si elle ne prend pas la forme exacte de la proposition de loi dans son libellé actuel.

Travailler sur cette proposition de loi, c'est travailler sur une nouvelle génération de droits dans la mondialisation. Quant au soutien exprimé par notre collègue Jacques Bompard, je crains qu'il ne repose sur un malentendu. Car nous ne partageons ni les mêmes valeurs ni la même approche. Nous ne renions ni l'entreprise ni la mondialisation, mais nous voulons inscrire, comme l'a déclaré Thierry Mandon, le principe de loyauté dans la dynamique de l'entreprise et de la mondialisation. Nous ne sommes pas contre la mondialisation ; nous sommes partisans du principe de loyauté au sein de cette mondialisation.

À la superpuissance des multinationales, il faut opposer un principe de responsabilité pour éviter de fabriquer demain des victimes à l'autre bout du monde. J'ai recueilli des témoignages directs au cours de nombreuses auditions. Les contempteurs de cette proposition de loi invoquent des principes qui font trop vite fi des victimes de l'effondrement du Rana Plaza ou de la catastrophe de Bhopal, drames connus cachant d'autres drames invisibles. À M. Bompard, je voudrais dire que nous ne défendons pas des principes nationaux, mais les principes de la République française, fondée sur la valeur universelle des droits de l'homme.

Si, par malheur, cette proposition devait être repoussée, ce ne pourrait être, à mon sens, qu'au prix de l'élaboration d'une version rassemblant non seulement les quatre groupes politiques qui en étaient à l'origine, mais encore tous les partisans d'une mondialisation à visage humain.

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