Intervention de Jacques Bompard

Réunion du 21 janvier 2015 à 10h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Bompard :

Cette proposition de loi est une belle initiative. Elle propose de poser des principes d'intérêt général dans une société qui pèche, à l'évidence, dans la défense du bien commun. Elle propose de sortir de la logique du caveat emptor, selon laquelle il revient au seul acheteur d'être vigilant, en rappelant aux entreprises, comme à tous les autres acteurs de la société, qu'à côté de chaque droit existent des devoirs afférents, et cela est vrai des droits économiques comme des autres.

L'exposé des motifs le précise à raison : cette proposition de loi serait une occasion de réduire le dumping social qui encourage les délocalisations. Elle permettrait donc, d'une certaine manière, de protéger notre économie. Puisque nous avons délaissé beaucoup des droits fondamentaux d'une nation au profit d'instances bruxelloises ou mondialistes, toute possibilité de protectionnisme, même par les normes, est à saluer.

J'ajoute qu'il s'agit d'une proposition de loi de bon sens. Elle prend en effet en compte la dissolution des responsabilités dans une économie mondialisée où les comportements, les incitations, les groupes de pression ont cherché avec assiduité à rompre l'ensemble des lois qui devaient protéger les acteurs de notre société.

Je vais même jusqu'à croire que les rédacteurs de cette proposition de loi ont laissé une chance aux entreprises d'agir elles-mêmes plutôt que de vouloir les astreindre à un cadre rigide. Voilà donc le si sain principe de subsidiarité respecté jusque dans les textes de loi écologistes ! Un cadre légal qui exige une responsabilisation instaure une régulation sans tomber dans l'étatisme. Je crois en effet que le monde économique se responsabilisera lorsque nous cesserons de fantasmer une autorégulation qui n'a eu pour conséquences que le retour à la prédation mercantile et le recours à l'importation de travailleurs.

Il me semble cependant que deux pistes de travail devraient être explorées.

La première concerne les migrations internationales. Les multinationales aiment en effet à jouer des vagues migratoires pour réduire leurs coûts, et faire primer la valeur sur les droits fondamentaux des peuples. C'est un phénomène que je dénonce en France depuis longtemps, mais la chape de plomb du politiquement correct nous interdit souvent d'aller plus avant. Peut-être quelques visites au Proche-Orient ou au Qatar permettraient-elles d'altérer les points de vue et d'admettre que des millions de travailleurs se déplacent aujourd'hui par le monde, sans que leurs droits ne soient respectés et sans qu'en réalité aucun autre choix ne leur soit proposé ? Cela conduit à des drames humains, familiaux et économiques. Il me semble que la vigilance des sociétés donneuses d'ordre devrait être exigée à ce sujet.

Une seconde piste concerne le sujet éthique de la définition de l'homme. Si cette proposition de loi est un bien indéniable, elle se concentre sur les personnes morales que sont les multinationales et sur leurs structures attenantes. Or c'est bien en cherchant à « marchandiser » les parcours de vie humains que les mondialistes sont parvenus à leurs fins. La financiarisation a réduit l'homme à l'état de matériel cristallisant non plus un don et une vocation, mais bien des possibilités d'exploitation économique. La pression expliquant la réussite personnelle par l'accomplissement de la carrière professionnelle a détruit beaucoup des cadres naturels de la société tels que la vie familiale, le rapport au corps ou les structures traditionnelles.

Il serait donc important de préciser que les sociétés donneuses d'ordre doivent être poursuivies quand elles imposent des changements heurtant le cadre de vie des individus qui doivent travailler pour elle. On connaît, en effet, de trop nombreux cas de stérilisations forcées ou de propagande n'ayant d'autre but que d'accroître la productivité des travailleurs embauchés par les filiales de société multinationales. Le cosmopolitisme financier et commercial détruit les conditions de vie et de transmission des peuples. Cette proposition de loi est un bon pas pour contraindre son avancée.

Je conclus en citant le propos d'un philosophe de gauche, M. Jean-Claude Michéa, qui montre l'urgence d'en revenir au localisme, à l'enracinement, et au bon sens de toute urgence : « c'est ce qui explique que le temps joue de plus en plus, à présent, contre la liberté et le bonheur réels des individus et des peuples. Le contraire exact, en somme, de la thèse défendue par les fanatiques de la religion du progrès. »

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