Intervention de Jean-Pierre Jouyet

Réunion du 14 novembre 2012 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Jean-Pierre Jouyet, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations :

Le président Emmanuelli a rappelé que nous étions un partenaire historique d'Oséo, dont nous détenons 27 %. Aujourd'hui, le fonds d'épargne est la principale source de financement d'Oséo. La Caisse des dépôts est donc le partenaire naturel de l'État pour créer et piloter le nouvel outil que sera la BPI. Le projet gouvernemental rejoint le diagnostic posé par la Caisse des dépôts, qui impliquerait de donner une plus grande cohérence aux différents dispositifs existants et offrir plus de lisibilité aux entreprises. À travers la gouvernance propre à la Caisse des dépôts, c'est également la représentation nationale qui aura un poids particulier dans l'utilisation de ce nouvel outil.

La Caisse des dépôts s'apprête à investir environ la moitié de ses fonds propres dans ce projet. Il est donc très structurant pour l'établissement public qui doit intervenir dans le respect de ses intérêts patrimoniaux et comme protecteur de l'épargne des Français, notamment de l'épargne populaire. Le rôle de la Caisse des dépôts dans ce projet, dans sa phase initiale comme dans sa gouvernance future, doit être cohérent avec ces enjeux.

La loi qui porte création de la BPI est un acte fondateur. La BPI, ce sont des principes simples et lisibles : il s'agit d'un outil destiné à accompagner le développement des entreprises, principalement des PME et des entreprises de taille intermédiaire. Elle interviendra à cet égard sous forme de financements, subventions, avances remboursables et prêts, de garanties, d'investissement en fonds propres, aux côtés des partenaires privés, afin de créer un effet d'entraînement. Elle inclura également une activité en faveur de l'économie sociale et solidaire et de soutien à l'exportation. Un guichet unique serait créé en région afin de faciliter les démarches des entreprises et les régions seraient associées à la définition des grandes orientations. Enfin, comme l'a rappelé le Président de la République, ce sera un outil majeur de la transition énergétique.

Cette banque sera créée en regroupant des outils existants pour mieux coordonner leur action au niveau national et au niveau régional, et leur donner plus d'efficacité. À sa création seront apportés Oséo – détenu par l'État pour 63 % et par la Caisse des dépôts pour 27 %, les banques devant conserver leur participation directe sur les 10 % restants –, le FSI – 51 % appartenant à la Caisse des dépôts, 49 % à l'État –, et CDC Entreprises, qui est une société de gestion détenue à 100 % par la Caisse des dépôts. Des apports complémentaires dont la nature n'est pas encore arrêtée permettront de renforcer l'action de la BPI dans l'économie sociale et solidaire, dans le soutien à l'innovation et dans le soutien à l'exportation, ce dernier aspect relevant davantage des pouvoirs publics et de l'État.

Il ne s'agit donc pas d'une simple juxtaposition des outils. Le travail qui sera confié au futur directeur général de la BPI, en lien avec l'État et la Caisse, devra viser à assurer une coordination optimale entre ces structures et à augmenter l'efficacité des dispositifs existants au meilleur coût, à simplifier les interventions à l'égard des entreprises en créant un guichet unique au niveau régional, à faire de la BPI l'interlocuteur de référence pour le développement des entreprises au niveau local et national, notamment pour les régions, un partenaire crédible et efficace des acteurs privés du financement des entreprises, au premier rang desquels les banques de la place et les acteurs privés du financement en fonds propres, que ce soient ceux qui aident au capital-risque ou les business angels. La BPI inscrira donc son action dans une logique de cofinancement et de co-investissement.

Il faudra ensuite intégrer dans une même structure une composante de prêts et une autre d'interventions en fonds propres. Les activités de prêt et d'investissement seront séparées dans deux branches distinctes, à gouvernance propre. Ainsi, la BPI serait constituée d'une structure de tête détenant deux filiales opérationnelles principales. L'une, constituée à partir d'Oséo, sera dédiée aux financements, aux garanties et au soutien de l'innovation. L'autre sera consacrée aux investissements en fonds propres : elle regrouperait a minima les actifs et les équipes du FSI et de CDC Entreprises. Les décisions d'intervention seront prises au sein de chacune de ces deux filiales dans des conditions de droit commun, après avis des comités d'investissement ou d'engagement, qui existeront tant au niveau de la structure faîtière qu'au niveau des filiales et des régions.

En termes de moyens d'intervention, cette banque sera dotée des actifs aujourd'hui portés par le FSI – environ 15 milliards d'euros – et par Oséo – 25 milliards d'euros. Les travaux actuellement en cours entre l'État et la Caisse des dépôts devraient permettre de valoriser ces actifs dans les semaines qui viennent. Ces actifs génèrent des résultats qui permettront d'amplifier progressivement les moyens d'intervention de la BPI. De même, l'augmentation de capital non libéré de 3,6 milliards d'euros du FSI lui reviendra naturellement, ce qui constituera une réserve de numéraire disponible à court terme, mobilisable en particulier dans le cadre du programme France investissement 2020.

Elle pourra également avoir recours à l'endettement pour assurer le financement de ces missions, que ce soit auprès des banques, sur les marchés ou auprès du fonds d'épargne, à hauteur de 10 milliards d'euros, comme l'a annoncé le ministre de l'Économie et des finances. Il existe donc des moyens multiples d'amplifier la force de frappe des entités actuelles qui auront été apportées. Le recours à l'endettement devra rester raisonnable et s'inscrire, comme nous l'avons vu tout à l'heure, dans le cadre prudentiel que nous avons défini, notamment en ce qui concerne les participations et les interventions en capital.

La BPI sera détenue à 50 % par un établissement public industriel et commercial – EPIC – et à 50 % par la Caisse des dépôts, sur la base d'un contrôle conjoint équilibré, qui conduit à une mise en équivalence dans les comptes de ces deux actionnaires. Le président sera nommé sur proposition de la Caisse des dépôts, et le directeur général sur proposition de l'État. L'État et la Caisse des dépôts seront représentés au conseil d'administration selon un strict équilibre.

J'ai bien noté, monsieur le président, monsieur le rapporteur général, que vous aviez déposé, avec le président de la commission des Lois, une proposition de loi organique visant à soumettre la nomination du président et du directeur général à l'aval des commissions des Finances de l'Assemblée nationale et du Sénat. Je vois là un signe positif : le Parlement exerce ses prérogatives à l'égard de cette nouvelle entité.

La gouvernance des filiales est en cours de discussion. La Caisse des dépôts souhaite avoir la prééminence sur la gouvernance de la filiale d'investissement. Je pourrai revenir pour répondre à vos questions à ce sujet.

Nous devrons également voir quelle sera la philosophie d'action de la BPI à l'égard des autorités de la concurrence, notamment communautaires, pour écarter tout soupçon d'aide systématique d'État sur les investissements, et pour nous comporter en investisseurs avisés à l'égard des entreprises elles-mêmes. Il est difficile, pour une petite entreprise ou une entreprise de taille intermédiaire, de prendre la décision d'ouvrir son capital : la Caisse des dépôts a une image de tiers de confiance, ce qui est un élément facilitateur indispensable.

Les régions auront une place centrale dans le dispositif, conformément à l'accord du 12 septembre 2012 entre l'État et les régions. Au niveau national, elles seront représentées au conseil d'administration et c'est un président de conseil régional qui présidera le comité national d'orientation. Au niveau local, les régions présideront les comités régionaux d'orientation et pourront conclure des accords de coopération avec le groupe BPI, et notamment créer des plates-formes communes d'accueil des entreprises pour leurs besoins de financement en matière de prêts, de garanties ou de fonds propres. Les comités régionaux d'orientation de la BPI auront un rôle essentiel pour apporter une vision de terrain aux instances nationales de la BPI comme à ses différents métiers.

La Caisse des dépôts doit rester vigilante par rapport aux impacts sociaux du projet et être très attentive aux questions relatives au personnel, notamment en matière de mobilité et d'oeuvres sociales. Nous veillerons aussi à assurer l'équilibre entre l'État et la Caisse des dépôts dans la gouvernance de la BPI, qui doit être cristallisée dans un pacte d'actionnaires. Nous demanderons que certaines décisions de la compétence du conseil d'administration, qui requièrent le vote favorable des membres nommés sur proposition de la Caisse et des membres de l'État, puissent porter sur l'approbation du budget, la désignation et la révocation des principaux dirigeants, les investissements ou les désinvestissements majeurs, et toute décision qui affecterait le modèle prudentiel. Enfin, le modèle prudentiel appliqué à la BPI doit être cohérent avec les spécificités de la Caisse des dépôts et consignations.

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