Intervention de Pierre-Alain Muet

Réunion du 17 décembre 2014 à 11h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Alain Muet :

Cette audition est extrêmement bienvenue dans la situation gravissime que nous connaissons : je crois en effet, comme M. Duval, que la France n'est pas l'homme malade de l'Europe. En revanche, l'Europe est le continent malade d'une économie mondiale qui est, elle, sortie de la crise. Au mois d'août, un éditorial du New York Times pointait du doigt le marasme européen, y voyant le résultat des « politiques erronées que les dirigeants européens s'obstinent à poursuivre, en dépit de toutes les preuves qu'il s'agit de mauvais remèdes ». Ces mauvais remèdes, ce sont des politiques qui sont pertinentes quand on est seul à les conduire, mais qui peuvent devenir catastrophiques quand tout le monde s'y met. Taillez dans les dépenses publiques : si vous êtes seul à le faire, cela réduira votre déficit, parce que la croissance sera soutenue par vos partenaires. Baissez le coût du travail : si vous êtes seul à le faire, cela rétablira l'équilibre de votre commerce extérieur si vos partenaires ne font pas la même chose, même si leur vie en sera compliquée. Mais, quand tout le monde taille dans les dépenses publiques et baisse le coût du travail, on perd sur tous les tableaux : l'effet dépressif est tel que l'on perd en recettes ce que l'on a cru gagner en réduction de dépenses. C'est toute l'histoire européenne de ces trois dernières années. Et, si tout le monde réduit le coût du travail, les conséquences sur la compétitivité s'annulent. Au total, les prix baissent, et c'est la déflation.

Comment sortir de cette situation que l'Europe n'a encore connu qu'une seule fois dans de telles proportions – dans les années 1930 ? Des politiques non coopératives – où chacun croit améliorer sa situation propre, sans se rendre compte qu'il complique celle des autres, pour arriver au total à des résultats qui s'annulent – ont déjà été menées, plus récemment : M. Pisani-Ferry comme M. Duval s'en souviennent certainement, cela a fait partie des débats des années 1980.

Aujourd'hui, M. Duval l'a dit : l'Europe dispose d'un excédent extérieur de 240 milliards d'euros. Les autres pays nous reprochent d'ailleurs de peser sur la croissance mondiale, par une demande intérieure trop faible, par des excédents extérieurs trop élevés. Quelle politique mener ? Bien sûr, on peut investir les 315 milliards du plan Juncker. Je rappelle toutefois que nous avions, en 2012, voté 120 milliards d'investissements dont je ne sais pas trop ce qu'ils sont devenus... En tout cas, cela paraît insuffisant.

Quel est, à votre sens, le bon rythme de réduction des déficits structurels ? On peut toujours dire que l'Europe a besoin de changer de politique, mais la France et l'Allemagne représentent déjà la moitié de la zone euro : on peut bien plaider pour que l'Europe agisse, mais elle ne fera finalement que ce que font les pays qui la composent.

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