Intervention de Noël Mamère

Réunion du 2 décembre 2014 à 16h45
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNoël Mamère :

Je m'abstiendrai de toute polémique avec mes collègues. Mon général, il nous a été difficile de lire votre rapport, qui nous a été remis cet après-midi. L'un d'entre nous vous a demandé comment éviter que de telles situations ne se reproduisent. Ce n'est pas à un général de gendarmerie de répondre à cette question, mais au législateur, qui doit réformer les enquêtes d'utilité publique et les procédures d'aménagement du territoire, en y associant davantage les citoyens. Ceux-ci rejettent les projets sur lesquels on ne les a pas assez consultés, comme celui de Center Parcs à Roybon, dans l'Isère.

Il n'est pas question, pour l'écologiste que je suis, de remettre en cause le rôle des forces de l'ordre, garantes de l'ordre républicain. Cependant, j'ai du mal à cautionner ce que vous avez dit sur le changement de mentalité qui serait intervenu au cours de l'année 2014. J'ai passé la journée du 20 octobre sur le territoire occupé par ceux que l'on nomme les « zadistes ». Les Français, qui ont appris récemment le sens de ce mot, savent que ceux qui sont installés sur le site de Sivens ou de Notre-Dame-des-Landes ne sont, dans leur grande majorité, ni des casseurs ni des voyous ni des « écoterroristes », mais des jeunes gens attachés à certaines valeurs.

Sur le terrain, j'ai constaté une tension extrême. Des jeunes ont expliqué qu'ils avaient été « visités » à douze reprises par les forces de l'ordre, qui les avaient molestés et avaient brûlé toutes leurs affaires, preuve que le harcèlement n'était pas à sens unique. Le soir, Mme Duflot et moi-même avons rencontré le préfet. Du fait de notre présence, celui-ci a enfin reçu Ben Lefetey, porte-parole des opposants, qui lui demandait vainement un rendez-vous depuis le 1er septembre. Cinq jours avant le drame, il était bien tard pour fixer la ligne à tenir avec ceux qui étaient chargés d'encadrer les manifestations !

Je me contenterai de trois questions. Le 25 octobre, pourquoi les forces de l'ordre étaient-elles présentes sur un terrain privé, alors que, dans notre République, c'est sur le domaine public que s'exerce le maintien de l'ordre ? Quelle autorité civile a procédé aux sommations, puisque ni le préfet ni le commandant de groupement n'étaient sur place ? Enfin, Le Monde, généralement considéré comme un journal sérieux, a publié le procès-verbal d'un gendarme qui disait avoir reçu des consignes d'extrême sévérité. Avez-vous vérifié que de ces consignes avaient été données, sachant que les autorités administratives et politiques n'ont jamais fait état que de consignes d'apaisement ?

La mort de Rémi Fraisse est un drame hors du commun. Le dernier décès, dans un combat du même type, est celui non de Malik Oussekine mais de Vital Michalon, en 1977, sur le futur site de la centrale de Creys-Malville. Il serait irresponsable, voire dangereux, de jeter de l'huile sur le feu en identifiant à des « écoterroristes » les défenseurs d'une certaine forme d'aménagement du territoire, du développement durable et de la protection de la biodiversité.

Dans ce genre d'événement, il existe toujours une minorité de casseurs, dont nous avons dénoncé la présence dès la première heure. Ils étaient également présents à la Manif pour tous, en janvier dernier, mais nul ne les accusait de terrorisme. Des collègues, usant d'une image plus que douteuse, nous ont expliqué, à l'époque, que les forces de l'ordre avaient osé « gazer des enfants ». Sachons raison garder !

Notre pays doit réformer les méthodes d'enquête d'utilité publique et de consultation sur l'aménagement du territoire. Il doit se demander, parce que c'est nécessaire – il ne s'agit pas d'une attaque contre les forces de l'ordre – de quel type d'armes celles-ci doivent disposer. La plupart des pays voisins du nôtre ne recourent pas aux grenades offensives, contenant du TNT, qui ont été utilisées pendant la guerre de 1914-1918. Nous devons aussi nous interroger sur l'usage de tasers ou de flashballs. Peut-être créerons-nous demain une commission d'enquête qui pourra se pencher sur le sujet.

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