Intervention de Sébastien Pietrasanta

Réunion du 3 décembre 2014 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Pietrasanta, rapporteur :

Faisant application du deuxième alinéa de l'article 141 de notre Règlement, les députés du groupe Écologiste ont déposé, le 25 novembre dernier, une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête relative aux « missions et modalités du maintien de l'ordre républicain dans un contexte de respect des libertés publiques et du droit de manifestation ». Aux termes de l'article 140 de ce même Règlement, il revient à notre Commission de se prononcer sur la recevabilité juridique de la proposition de résolution et sur l'opportunité de la création d'une telle commission d'enquête.

Vous le savez, la création d'une commission d'enquête est soumise à plusieurs conditions de recevabilité, actuellement au nombre de trois. En premier lieu, la proposition de résolution doit déterminer avec précision soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services ou entreprises publics dont la commission doit examiner la gestion. Cet impératif est satisfait : en effet, il reviendra à la commission d'enquête de se pencher sur la gestion du maintien de l'ordre par les agents du service public de la sécurité, les policiers et les gendarmes.

En deuxième lieu, la commission d'enquête ne peut avoir le même objet qu'une commission d'enquête ou qu'une mission ayant bénéficié des mêmes pouvoirs, dès lors que celles-ci auraient conclu leurs travaux moins de douze mois auparavant. Ce critère est, lui aussi, satisfait par la proposition de résolution.

En troisième et dernier lieu, la proposition de résolution ne peut être mise en discussion si des poursuites judiciaires portant sur les mêmes faits ont été engagées. Interrogée par le Président de l'Assemblée nationale conformément au premier alinéa de l'article 139 de notre Règlement, Mme Christiane Taubira, garde des Sceaux, ministre de la Justice, lui a fait savoir que le périmètre de la commission d'enquête envisagée « ne semblait pas recouvrir celui des procédures en cours ouvertes à la suite de différentes manifestations ». Bien entendu, la commission d'enquête devra néanmoins veiller, comme l'a rappelé la garde des Sceaux, à ne pas faire porter ses investigations sur « des aspects relevant de la compétence exclusive de l'institution judiciaire ».

Du point de vue juridique, la proposition de création de cette commission d'enquête est donc recevable.

Je souhaiterais à présent dire quelques mots de son opportunité.

La présente proposition de résolution ne peut qu'être mise en relation avec la mort tragique de Rémi Fraisse le 26 octobre dernier, lors d'affrontements entre les opposants à la construction du barrage de Sivens et les forces de gendarmerie mobile. Les auteurs y font eux-mêmes référence dans l'exposé des motifs. Je rappelle que la commission d'enquête ne pourra faire porter ses investigations sur ces faits qui font l'objet d'une information judiciaire.

Rappelons également que notre assemblée a créé, le 22 octobre dernier, une mission d'information sur les forces mobiles de sécurité dont les travaux portaient notamment sur le maintien de l'ordre. Tirant les conséquences de la demande du groupe Écologiste, ses rapporteurs, MM. Jean-Jacques Urvoas et Jean-Frédéric Poisson, y ont mis fin dans le but de ne pas multiplier les travaux concurrents sur un même sujet.

Je m'interroge ainsi sur la véritable motivation du groupe Écologiste, souvent en première ligne pour critiquer des lois ou des commissions d'enquête fondées sur un événement particulier ou sur un drame. Je n'ose croire que leur demande puisse être fondée sur des préoccupations politiques ou médiatiques. La politisation du débat ne respecte au demeurant ni la mémoire des morts, ni la sérénité des travaux parlementaires.

Je suis convaincu que notre doctrine du maintien de l'ordre est conforme aux principes républicains et que les conditions d'emploi de la force publique sont précises et proportionnées à la menace. L'enquête administrative sur les événements de Sivens qui nous a été présentée hier n'a d'ailleurs établi aucun manquement aux règles juridiques et déontologiques.

Cela étant dit, je vous propose d'adopter la proposition de résolution. Notre Commission appliquera ainsi par anticipation la modification de notre Règlement, adoptée la semaine dernière, qui supprime la possibilité de s'opposer à la création d'une commission d'enquête dans le cadre du « droit de tirage ».

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