Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 25 novembre 2014 à 17h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur :

Je regrette de ne pouvoir rester pour l'examen des amendements, contrairement à ce que j'ai plaisir à faire d'habitude, en raison d'autres contraintes liées à l'actualité.

Le projet de loi que j'ai l'honneur de présenter aujourd'hui devant votre Commission a pour objet de renouer avec une politique qui a contribué à donner au long de l'histoire de la force à la République. Lorsqu'on est Français, que l'on appartient à la patrie des droits de l'homme, accorder le statut de réfugié politique, ce n'est pas seulement appliquer la convention de Genève de 1951 ou transposer des directives européennes. L'asile fait partie des valeurs fondamentales de la République, de celles – telles que la laïcité, l'égalité de tous devant la loi, le droit à la sécurité ou le droit à l'éducation – que la République ne saurait à aucun moment abdiquer sans se renier elle-même.

Être républicain, c'est en effet défendre certains principes fondamentaux par-delà les contingences du moment. C'est reconnaître et affirmer l'universalité des valeurs que je viens de rappeler, qui transcendent les cultures et les époques. Elles seront toujours la boussole de la République et celle du ministère de l'Intérieur.

Voilà pourquoi, avant d'en venir aux dispositions que contient ce projet de loi, je voudrais rappeler brièvement l'histoire de l'asile en France – une histoire intimement liée à celle de la République. Bien avant la convention de Genève, la France avait en effet déjà reconnu la nécessité du droit d'asile, proposant une définition dont chacun constate encore aujourd'hui la très grande modernité. C'est la Révolution française qui en établit les fondements, puisque, comme vous le savez, la Déclaration de 1789 reconnaît, parmi les Droits de l'homme et du citoyen, la résistance à l'oppression. La Constitution de 1793 proclame quant à elle que le peuple français « donne asile aux étrangers bannis de leur patrie pour la cause de la liberté, et il le refuse aux tyrans ». Plus près de nous, le Préambule de la Constitution de 1946 consacre pleinement le droit à l'asile pour tous les combattants de la liberté et lui donne sa place dans notre bloc de constitutionnalité. Depuis plus de deux siècles, l'asile représente donc une part importante de l'identité républicaine de la France. Sa consécration par le droit européen et international est une reconnaissance du message singulier que notre pays adresse au monde.

Parce que le droit d'asile est constitutif de notre identité républicaine, il faut avoir le courage d'en analyser les dysfonctionnements et d'y apporter des réponses. Tel est l'objet du projet de loi. Ces réponses doivent être guidées par un seul objectif : donner à ceux qui sont victimes de la barbarie ou de l'injustice, à ceux qui sont persécutés en raison de leurs croyances, de leurs opinions ou de leur orientation sexuelle, accueil et protection sur le territoire de la République.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement, qui connaissait l'ampleur des dysfonctionnements affectant notre système, a lancé en juillet 2013 une concertation nationale sur l'asile. Celle-ci a rassemblé l'ensemble des acteurs concernés : l'État ; les collectivités locales – car, même si elles ne sont pas directement compétentes, leur expertise de terrain est indispensable à toute réforme – ; les associations, auxquelles la France – et c'est là une singularité de notre modèle qu'il faut préserver – a toujours réservé une place essentielle ; évidemment le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR), l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) et la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Je citerai aussi deux élus, dont j'entends ici saluer le travail : votre collègue Jean-Louis Touraine et la sénatrice Valérie Létard. Ces parlementaires ont démontré que l'on pouvait dépasser les querelles partisanes pour rechercher ensemble, sur un sujet aussi fondamental, des réponses efficaces, et ainsi trouver le chemin de l'apaisement.

Cette rigueur de l'analyse a également animé vos collègues Jeanine Dubié et Arnaud Richard, qui ont rendu en juin dernier un rapport très complet, au nom du Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques, sur l'accueil des demandeurs d'asile et dont le présent projet de loi reprend beaucoup des préconisations.

Dans un style un peu différent, votre collègue Éric Ciotti a également pointé les mêmes dysfonctionnements du système de l'asile en France dans son avis sur le projet de loi de finances pour 2015.

Quels sont donc les constats qui résultent de tous ces diagnostics ? Les dysfonctionnements de l'asile sont au nombre de trois.

La première des carences de notre système réside dans la lenteur et le manque d'efficacité du processus d'examen des demandes d'asile, confronté à une forte hausse du nombre des demandeurs, qui a presque doublé entre 2007 et 2013. Huit mois, en moyenne, de traitement d'un dossier devant l'OFPRA, huit mois également devant la CNDA, voilà quelle était la situation lorsque Manuel Valls a lancé la concertation sur l'asile. À ces délais s'ajoutent les temps de présentation des requêtes devant chacune de ces institutions, mais aussi le temps d'enregistrement de la demande d'asile. Il faut enfin tenir compte des délais de dialogue et d'échange d'information entre l'ensemble des institutions concernées – préfecture, OFPRA, OFII, CNDA, associations. À cause du cumul de ces délais, le traitement d'une procédure normale peut facilement excéder 24 mois.

Une telle lenteur entraîne évidemment des conséquences très lourdes pour ces femmes et ces hommes venus demander l'asile en France et qui restent parfois plusieurs années sans connaître l'issue de leur demande. Je pense bien sûr aussi au personnel des préfectures, des communes, des associations, de l'OFPRA et de la CNDA, qui ne sont plus en situation d'aider efficacement les demandeurs qui s'adressent à eux. Comme Éric Ciotti l'a souligné, une telle lenteur engendre également des conséquences sur le plan budgétaire si on laisse – comme entre 2007 et 2012 – le système s'engorger sans réagir le moins du monde.

La deuxième carence est pointée par tous les rapports : notre système de l'asile est trop inégalitaire. Certains demandeurs, hébergés en centre d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA), bénéficient d'un suivi administratif, social et juridique approprié, dont tout le monde loue la qualité. D'autres, en revanche, trouvent place dans des hébergements d'urgence – certains provisoires, d'autres un peu plus pérennes – avec un suivi de moindre qualité. D'autres, enfin, survivent tant bien que mal dans des campements de fortune, où la précarité et la vulnérabilité sont grandes. Cette situation n'est pas tolérable. Elle n'est pas digne de notre République. Elle n'est pas à la hauteur de ce que nous souhaitons offrir à l'ensemble des demandeurs d'asile. Une telle situation favorise en outre les concentrations de demandeurs sur les mêmes territoires, ce qui, dans certaines villes, provoque des situations très problématiques. Enfin, pour toutes ces raisons, nos conditions d'accueil ne sont tout simplement pas conformes au droit européen.

La troisième carence constitue comme un paradoxe. Malgré tout le temps passé sur chaque demande d'asile, nous ne parvenons pas à satisfaire aux prescriptions de la législation de l'Union européenne ou de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH). C'est ainsi le cas pour les demandeurs d'asile en procédure prioritaire, qui n'ont pas accès à un recours suspensif avant la mise en oeuvre de l'éventuel éloignement. C'est également le cas concernant la détection précoce des vulnérabilités. C'est enfin le cas au sujet de l'assistance et du conseil dont les demandeurs peuvent bénéficier devant l'OFPRA.

Ce diagnostic est sévère, j'en ai bien conscience, mais il est malheureusement réaliste. Et je tiens à redire ici avec force qu'il serait injuste d'imputer la cause des dysfonctionnements que je viens de décrire aux demandeurs d'asile eux-mêmes, ou bien à ceux qui, à l'OFPRA, à la CNDA, à l'OFII, dans les préfectures ou les associations, ont pour mission d'instruire leurs demandes et de les accompagner. La seule et unique cause de ces dysfonctionnements, c'est de ne pas avoir pris la mesure de l'ampleur des manquements, au point d'avoir laissé notre système d'asile dériver sans prendre les mesures qui s'imposaient.

Une fois le diagnostic établi, vient le deuxième temps de la réforme. C'est le moment dans lequel nous nous trouvons aujourd'hui : le temps de la loi.

Le projet de loi soumis à votre examen est ambitieux : il entend à la fois transposer dans notre législation nos obligations européennes, trois directives – la directive « Qualification », la directive « Procédure » et la directive « Accueil » –, tout en corrigeant les dysfonctionnements que j'ai évoqués. Pour réussir, nous devons concilier trois impératifs.

Le premier impératif – je l'ai dit – concerne la durée de nos procédures, que nous devons absolument réduire. Comme vous l'avez compris, l'ambition du Gouvernement est de conforter la politique de l'asile en faisant un projet de loi qui prenne toute la mesure de la situation des demandeurs d'asile. Pour améliorer celle-ci, il y a un préalable incontournable : la réduction des délais. Comme ministre de l'Intérieur, comme ministre de l'asile, je ne souhaite pas qu'un demandeur d'asile soit laissé dans l'incertitude durant vingt-quatre mois. C'est ma conception de la République.

Pour ce faire, il faut d'abord accélérer les délais d'examen devant l'OFPRA comme devant la CNDA.

L'OFPRA sera doté en 2015 de personnels supplémentaires, tandis qu'une profonde réforme interne a d'ores et déjà été engagée, qui lui a déjà permis en 2014, avant même d'avoir obtenu de nouveaux effectifs, d'accroître de 15 % le nombre de décisions rendues. Ces moyens supplémentaires doivent permettre à l'OFPRA de revenir, dans le courant de l'année 2016, à une situation de flux limitant la durée moyenne d'examen d'une demande d'asile à trois mois en moyenne.

La CNDA va, quant à elle, bénéficier d'un renfort de magistrats pour réformer et adapter ses procédures à la demande d'asile. Les demandes en procédure accélérée devront être examinées en moins de cinq semaines par un juge unique. Les demandes en procédure normale devront être examinées en moins de cinq mois par une formation collégiale. Cet effort sera possible grâce, d'une part, à l'adaptation des formations de jugement de la CNDA et, d'autre part, à la simplification de certaines règles devant la cour, notamment celles qui concernent l'aide juridictionnelle. Ces délais n'ont pas été définis au hasard, ni de façon arbitraire, mais ont été discutés avec la CNDA à partir de son fonctionnement actuel et en réfléchissant avec elle aux moyens de résoudre les difficultés.

Nous devons ensuite simplifier nos procédures. Les délais d'enregistrement des demandes d'asile sont beaucoup trop longs : ils devront être ramenés à moins d'une semaine, grâce à une réforme en profondeur du premier accueil du demandeur et à la création de guichets uniques de l'accueil du demandeur d'asile, regroupant sur un même site les agents de l'OFII et des préfectures. Cette simplification impliquera également de charger l'OFII du versement de l'allocation pour demandeurs d'asile. Cet aspect de la réforme ne trouve, certes, qu'un écho discret dans le projet de loi car il ne relève guère de dispositions législatives, mais mes services, notamment les préfectures, sont à pied d'oeuvre pour mener à bien, en lien avec les partenaires associatifs de l'asile, ce vaste chantier.

Enfin, la réduction des délais repose sur la capacité de notre système à distinguer en temps réel, selon des critères objectifs, la demande qui requiert un examen approfondi et celle qui – parce que la réponse semble évidente – peut être traitée plus vite. L'OFPRA sait traiter rapidement des demandes qui sont manifestement fondées. Inutile, par exemple, de passer des mois et des mois à discuter de la situation des Syriens ou des minorités chrétiennes d'Irak : le statut de réfugié ou la protection subsidiaire doivent leur être acquis. Par ailleurs, d'autres demandes, nous devons en avoir conscience, en ce qu'elles n'ont pas de fondement sérieux, n'appellent pas davantage un examen prolongé.

C'est pour cette raison que la réforme que je propose modifie en profondeur les placements en procédure prioritaire, qui devient la procédure accélérée. Ces placements seront décidés en dernière instance par l'OFPRA et non plus par la préfecture, même si cette dernière pourra effectuer un premier tri en fonction de critères étrangers au contenu de la demande. C'est également la raison pour laquelle cette réforme permettra à l'OFPRA de déclarer certaines demandes irrecevables ou de les clôturer lorsque le demandeur ne coopère pas suffisamment avec l'office.

L'objectif est clair : réduire les délais de 24 mois à 9 mois. C'était l'objectif du candidat François Hollande à la présidence de la République ; ce projet de loi permet de l'atteindre. L'enjeu de l'examen parlementaire est de ne pas complexifier davantage la procédure, ce qui mettrait en péril la mise en oeuvre de cet objectif.

Le deuxième impératif auquel nous devons répondre concerne l'accueil, que nous devons améliorer.

Nous devons d'abord développer les places en CADA. Ce gouvernement a créé 4 000 places supplémentaires en deux ans. En fonction de l'efficacité de la réforme, les projections budgétaires permettent d'envisager à budget constant l'ouverture de 5 000 places supplémentaires, par création nette ou transformation de certaines places d'hébergement d'urgence. J'entends souvent dire que le Gouvernement n'aurait pas les moyens de son ambition. Ce n'est pas vrai ! L'État finance actuellement 50 000 places d'hébergement. Il y a, en incluant les réexamens, 66 000 demandes d'asile par an. Si l'examen de la demande d'asile durait effectivement neuf mois, nos capacités d'hébergement financées par le programme 303 seraient suffisantes pour assurer un hébergement à tous les demandeurs d'asile qui le souhaitent. Bien sûr, tous les hébergements ne sont pas de même qualité. Certains hébergements d'urgence – parfois à l'hôtel – sont de piètre qualité ; les CADA sont, eux, de bien meilleure facture. Mais sait-on qu'un hébergement d'urgence coûte autant pour l'État qu'un CADA ? Là encore, à budget constant, nous avons la possibilité de développer l'hébergement en CADA au détriment de l'hébergement d'urgence. Celui-ci sera sans doute toujours nécessaire, mais, à terme, l'objectif de la réforme est bien de faire du CADA la norme et de l'hébergement d'urgence l'exception. Il n'est pas besoin pour cela de moyens budgétaires supplémentaires, mais bien d'une réforme efficace.

Nous devons ensuite en finir avec les allocations éclatées dont bénéficient les demandeurs d'asile. L'allocation temporaire d'attente (ATA) et l'allocation mensuelle de subsistance seront fondues en une allocation unique, versée par l'OFII, qui prendra en compte la situation familiale de chaque demandeur. Enfin, nous allons – et c'est un point indissociable des deux précédents – mettre en place un véritable hébergement directif. Beaucoup d'entre vous le savent : la situation de l'accueil des demandeurs d'asile peut être localement difficile à gérer lorsque trop de demandeurs convergent en même temps vers un même point du territoire. Deux régions aujourd'hui concentrent les deux tiers des demandes : ce n'est pas acceptable. Orienter l'accueil, ce n'est certainement pas assigner les demandeurs d'asile à résidence, encore moins les enfermer dans des lieux, comme j'ai pu lire ici ou là. En revanche, c'est faire en sorte, grâce à la loi, que le versement d'une allocation dépende de la sollicitation, puis de l'acceptation d'un hébergement. On demande l'asile à la République. Celle-ci doit donc avoir la liberté d'héberger les demandeurs d'asile sur l'ensemble de son territoire. Bien sûr, l'attribution des places en CADA se fera au vu des besoins des demandeurs, notamment de leur situation familiale et de leur état de santé. En outre, si un demandeur d'asile ne souhaite pas bénéficier des conditions d'accueil prévues par la République, il aura droit à un examen de sa demande d'asile dans les mêmes conditions qu'un autre demandeur. Il n'aura simplement pas droit à l'hébergement et aux allocations prévues. Chacun sera ainsi mis face à ses responsabilités.

Le dernier impératif auquel nous devons faire face concerne les droits des demandeurs, que nous devons renforcer. Ma conviction est que lorsque l'on renforce les droits de personnes persécutées, on honore et accomplit en réalité le message républicain ; on renforce la République.

On honore la République lorsqu'on permet à tous les demandeurs d'asile dont la demande est recevable d'accéder à un recours suspensif. Il faut mesurer le changement qui résulte de ce projet de loi à cet égard. Si la loi limite, et c'est heureux, les possibilités de réexamen d'une même demande, car il faut bien qu'à un moment l'examen s'achève, elle offre à tout demandeur d'asile dont la demande est recevable un accès au juge. Avant, 35 % des demandeurs, tous ceux qui n'étaient pas placés en procédure normale, pouvaient être éloignés sans que le juge de l'asile ne se soit prononcé.

On honore aussi la République lorsque l'on permet à un demandeur d'asile de bénéficier, à l'OFPRA, d'un conseil de son choix. On honore encore la République lorsqu'on accorde à tous les demandeurs qui le souhaitent le bénéfice de l'aide juridictionnelle de plein droit.

On honore toujours la République lorsqu'on permet au demandeur d'asile en situation de vulnérabilité – je pense bien sûr notamment aux mineurs – de bénéficier d'un examen et d'une prise en charge adaptés à leur situation.

On conforte aussi la République en permettant à tous les demandeurs d'asile, en procédure normale comme en procédure accélérée, de bénéficier d'un droit au maintien sur le territoire pendant l'examen de leur demande. Cette notion nouvelle de droit au maintien a déclenché des inquiétudes – et, je crois, certains amendements. Je veux ici les dissiper. Le choix de ce terme a été commandé par la nécessité de distinguer clairement entre le demandeur d'asile, dont la situation est forcément temporaire, incertaine, et le réfugié ou le protégé subsidiaire, qui a lui pleinement droit au séjour et au travail sur le territoire. Mais parler de « droit au maintien » pour les demandeurs ne diminue en rien les droits dont ils bénéficient. Au contraire, cela veut dire, par exemple, leur permettre d'accéder à la couverture maladie universelle (CMU), à un hébergement en CADA et à une protection contre les éloignements, tant que leur recours n'a pas été rejeté. C'est très différent de la situation actuelle, dans laquelle seuls les demandeurs d'asile en procédure normale bénéficient de ces protections.

Cette différence a des implications concrètes : beaucoup d'entre vous s'inquiètent de ce que la notion de pays d'origine sûre est maintenue dans le projet de loi. Mais il ne faut pas perdre de vue que le demandeur ressortissant d'un pays sûr bénéficiera des mêmes droits que le demandeur d'asile en procédure normale. Il aura accès au CADA, à l'allocation, et pourra se maintenir sur le territoire jusqu'au terme de son recours. Enfin, si sa demande est fondée, l'OFPRA pourra décider de le placer en procédure normale. Rien de commun avec la situation actuelle.

L'accélération des délais et l'augmentation des droits des demandeurs sont deux objectifs qui se renforcent mutuellement : tel est l'esprit de la réforme.

Il y aura, bien sûr, un troisième temps de la réforme : celui de la mise en oeuvre. Notre réforme est globale, structurelle : il ne suffira pas de voter des dispositions, même ambitieuses, pour transformer la demande d'asile en France. Mais je peux vous l'assurer : chacune des institutions est aujourd'hui prête à sauter le pas et à mettre efficacement en oeuvre cette réforme. Les préfectures bénéficient d'une mission d'appui pour moderniser l'accueil des demandeurs d'asile avec le concours du secrétariat général pour la modernisation de l'action publique (SGMAP). L'OFPRA a déjà obtenu des résultats et va poursuivre son traitement vigilant et adapté des dossiers des demandeurs d'asile. Les missions de l'OFII sont progressivement redéfinies pour coïncider avec les exigences affirmées par la loi, dans le cadre du contrat d'objectif et de performance. Bien sûr, tout ne sera pas simple ; il y aura d'inévitables inquiétudes, comme à chaque fois que l'on change les habitudes. Le dialogue et la concertation avec l'ensemble des acteurs concernés, qui continueront tout au long de l'année 2015, devront nous permettre de rassurer les personnels, qui ont tous à coeur l'amélioration de notre politique d'asile.

Pour réussir l'examen parlementaire de ce projet de loi, j'ai toute confiance dans l'action de la rapporteure Sandrine Mazetier, que je veux remercier pour l'importance du travail qu'elle a accompli, et le concours de nombreux députés – je pense à Pascale Crozon, Alain Tourret, Jeanine Dubié, Sergio Coronado et Arnaud Richard. Je crois que nous pouvons nous rassembler et que sur ce projet de loi tout le monde peut descendre à l'arrêt « République ». Je sais, madame la rapporteure, que vous souhaitez que ce texte soit enrichi et clarifié pour que, notamment, les cas de clôture de la demande ne soient pas détournés de leur objet, que l'hébergement directif ne soit pas perçu comme étant équivalent à une assignation à résidence et que les droits des femmes soient pleinement reconnus. J'insiste sur ce point : lorsqu'on parle de l'asile, on parle du droit des femmes. On oublie trop souvent que la persécution frappe en particulier celles-ci. Et je suis fier d'être le ministre de l'asile qui protège 3 500 fillettes contre l'excision. Je sais que, sur ces points comme sur d'autres, la commission des Lois pourra, en suivant l'analyse précise, méticuleuse de la rapporteure, enrichir ce texte. Je souhaite que les femmes victimes dans le monde soient protégées : c'est ce que permettra plus efficacement ce projet de loi.

Je veux pour finir dire un mot d'un sujet qui préoccupe certains d'entre vous : l'apatridie. Ce n'est pas l'objet de ce texte, mais des parlementaires s'en sont saisis pour déposer des amendements sur cette question, notamment dans le cadre de la commission des Affaires étrangères saisie pour avis. Le sujet me semble toutefois très différent de la demande d'asile et relativement complexe. Les implications juridiques sont bien dissemblables. Je souhaite donc, sur ce sujet, réserver la position du Gouvernement pour aujourd'hui et vous remercie de nous laisser le temps d'examiner ce point avec le sérieux qu'il mérite lors du débat en séance publique.

Mesdames et messieurs les députés, sur un sujet aussi sérieux que l'asile, nous devons tous assumer nos responsabilités : cette réforme est indispensable pour rendre le droit d'asile fort en France, lui redonner sa vocation historique et le mettre en conformité avec les valeurs de la République. Je sais qu'un même esprit réformateur vous anime et que vous préférerez vous aussi une réforme qui marche, qui améliore concrètement le sort des demandeurs d'asile, plutôt que la posture, afin de rendre à l'asile sa véritable place : au coeur de notre pacte républicain.

Je vous remercie tous pour la contribution que vous avez déjà apportée à cette réflexion, notamment à travers les excellents rapports parlementaires présentés et je forme le voeu que la discussion sur ce texte nous permette d'aller au fond des choses et d'aborder ensemble tous les sujets.

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