Intervention de Jean-Pierre Barbier

Séance en hémicycle du 24 novembre 2014 à 16h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Barbier :

Après le gel des retraites et la non-revalorisation le 1eroctobre, vous vous servez à nouveau des pensions de retraite comme d’une variable d’ajustement budgétaire.

S’agissant de l’industrie pharmaceutique, le médicament supporte, année après année, la plupart des restrictions, avec encore 1 milliard d’euros d’économies pour 2015. User du rabot de manière systématique ne favorise ni l’innovation, à laquelle Mme la ministre affirme pourtant être très attachée, ni l’investissement, ni l’emploi, bien sûr.

Les efforts demandés à l’ensemble des acteurs de la chaîne du médicament restent particulièrement lourds : plus de 50 %, alors que le médicament ne représente que 15 % des dépenses. C’est tout aussi inéquitable que symptomatique de l’incapacité du Gouvernement à sortir d’une vision de court terme.

En comparaison, l’hôpital pèse pour 45 % des dépenses mais on ne lui réclame que 15 % des économies, prisonnière qu’est la ministre de sa conception hospitalo-centrée du système de santé.

La réforme de l’hôpital public est un tel tabou que vous préférez proposer une modeste réduction des dépenses de l’hôpital, de 520 millions d’euros, en mutualisant les systèmes d’information ou les achats, plutôt que de parler de la réforme carte hospitalière.

S’agissant des familles, enfin, vous continuez à les maltraiter alors que la politique familiale est considérée dans notre pays comme une réussite.

Vous avez souhaité moduler les allocations familiales en fonction des revenus et revenir sur la modification apportée par nos collègues sénateurs. Par cette mesure, introduite bon gré mal gré puisque tout cela s’est fait par voie d’amendement et sans réelle discussion en commission, vous avez choisi de remettre en cause notre politique familiale.

Vous remettez en question le principe d’universalité, cette règle fondatrice de notre pacte républicain, selon laquelle chacun cotise en fonction de ses revenus et a accès aux mêmes droits dans les mêmes conditions.

Avec cette modulation des allocations familiales, vous pourriez créer un précédent susceptible de s’appliquer plus tard dans d’autres domaines, notamment à un certain nombre de remboursements. Dès lors, vous risquez de pousser certains, qui constatent qu’ils contribuent beaucoup et reçoivent peu, à se mettre en quête d’autres systèmes assurantiels. J’y vois un vrai danger pour notre protection sociale telle qu’elle est organisée actuellement.

De plus, votre mesure comporte un autre risque majeur : vous ouvrez la porte à des modulations plus importantes à l’avenir. Lorsque vous aurez besoin de davantage d’argent, ce qui ne saurait malheureusement tarder, il vous suffira de baisser un peu plus le plafond que vous avez fixé et de vous attaquer une nouvelle fois à votre cible favorite, les classes moyennes, que vous ne manquerez pas de qualifier de riches.

Vous préférez, par facilité et renoncement, poursuivre votre politique du rabot et de la taxation. Vous préférez les petits colmatages de brèches sans véritables réformes de fond.

Je salue tout de même l’éclair de sagesse dont vous avez fait preuve en commission en maintenant l’article 8 ter tel qu’il a été voté par les sénateurs, qui fait passer de 0,75 euro à 1,50 euro l’exonération générale sur les cotisations sociales payées par tous les particuliers employeurs.

Une telle mesure est de nature à favoriser l’emploi, à faire reculer l’emploi non déclaré, et donc à augmenter les cotisations versées à la Sécurité sociale. Je vous rappelle que, malheureusement, à cause des précédentes mesures, le volume des heures déclarées dans le secteur de l’emploi à domicile avait reculé de 6 % en 2013, soit l’équivalent de 16 500 emplois détruits. C’est une petite lumière noyée dans les ténèbres de ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale.

Pour conclure, par vos mesures, vous maintenez notre Sécurité sociale en soins palliatifs alors qu’elle a besoin de réformes structurelles. C’est dommage.

Au terme de la procédure parlementaire, j’ai le sentiment que ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale est une occasion manquée. Nous aurions aimé soutenir le texte issu du Sénat mais, malheureusement, nos discussions en commission ne nous laissent aucun espoir : aucune écoute mais beaucoup de communication et d’improvisation sur un texte qui n’a aucune ambition, aucune vision à long terme et, surtout, ne contient aucune proposition novatrice.

De plus, bien qu’ils aient beaucoup travaillé, nos collègues sénateurs n’ont pas pu modifier, dans le temps qui leur était imparti, les grands équilibres budgétaires de ce texte, fondés, nous l’avons souligné, sur des prévisions que nous jugeons insincères.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, j’ai l’honneur de vous demander d’adopter cette motion de rejet.

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