Intervention de Michel Piron

Séance en hémicycle du 20 novembre 2014 à 9h30
Délimitation des régions et modification du calendrier électoral — Article 3

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Piron :

Chers collègues, je vous ai écoutés sans vous interrompre. Je souhaiterais, à mon tour, pouvoir poursuivre sans être interrompu, si vous le voulez bien.

J’en viens à la majorité requise pour exercer ce droit d’option. J’apprécie, à Rome en particulier, un certain nombre d’oeuvres baroques, et vous savez que l’une des grandes spécialités de cet art réside dans le trompe-l’oeil. Et très franchement, le dispositif conçu par le Sénat me paraît relever du trompe-l’oeil. Comment en serait-il autrement d’un dispositif en vertu duquel, d’un côté, la région d’accueil devrait donner son accord à la majorité des trois cinquièmes, tandis que de l’autre côté, la région de départ devrait manifester son désaccord à la même majorité, ce qui revient, ni plus ni moins, à exiger une majorité d’un côté et à donner la prime à une minorité de l’autre ? Je voudrais donc éliminer également, si vous le voulez bien, cette possibilité.

S’agissant plus précisément du sujet de la majorité qualifiée, première observation : il s’agit bien d’une majorité et non d’un droit de veto, comme certains, dans des amalgames juridico-politiques quelque peu douteux ou approximatifs, ont pu le laisser entendre. C’est un droit d’option à la majorité qualifiée, donc supérieure à la majorité relative, mais il ne s’agit bien toujours que d’une majorité, pas d’une unanimité : sauf erreur de ma part, on est donc loin du droit de veto.

Deuxièmement, pourquoi se pose aujourd’hui la question de la majorité qualifiée ? Comment est-elle apparue ? Elle a notamment fait florès, vous le savez, dans le droit de l’intercommunalité. Mon collègue a d’ailleurs évoqué tout à l’heure à juste titre la construction des intercommunalités, qui sont également un rapprochement, en quelque sorte, de collectivités territoriales préexistantes. Or, quelle est la règle pour les intercommunalités ? Pour une délibération qui n’est pas ordinaire ou courante, portant par exemple sur les compétences ou, mieux encore, sur le périmètre d’une intercommunalité, la décision doit être prise aux deux tiers des communes représentant au moins la moitié de la population ou à la moitié des communes représentant au moins les deux tiers de la population. Telle est la règle de la majorité qualifiée pour les intercommunalités.

Pour les régions, quand il s’agit de modifier un périmètre, ce qui, me semble-t-il, n’est pas une délibération courante, par parallélisme, une majorité qualifiée doit être requise. Cela est absolument nécessaire, à moins de considérer les régions comme moins importantes que les intercommunalités, ou l’espace régional comme moins important que l’espace intercommunal, ce qui ne serait pas cohérent. De toute évidence, si l’on confère un droit d’option, celui-ci doit s’exercer dans le cadre d’une majorité qualifiée.

À cet égard, je me suis efforcé, dans un amendement que je ne prendrai pas la peine de défendre ensuite outre mesure puisque je le fais ici, de trouver une formule équivalente à celle du droit d’option pour les intercommunalités. Ce droit d’option exigerait des délibérations concordantes adoptées soit à la majorité des deux tiers dans chacun des conseils régionaux de la région d’origine et de la région d’accueil et à la majorité simple dans plus de la moitié des conseils départementaux de chacune des régions, soit à la majorité simple de chacun des conseils régionaux de la région d’origine et de la région d’accueil et de plus des deux tiers des conseils départementaux dans chacune de ces régions. J’ai déposé cet amendement dans un souci de parallélisme des modes de délibération.

Cela étant dit, si le droit d’option était maintenu avec la règle de la majorité des trois cinquièmes, je m’en satisferai et retirerai alors mon amendement. Je souhaitais simplement rappeler qu’ici on ne réinvente pas l’eau chaude, que l’on s’en tient aux principes qui fondent l’existence même des majorités qualifiées car, je le répète, avec le droit d’option, il ne peut s’agit d’une délibération ordinaire.

Pour conclure, j’aimerais rappeler, et cela a été dit tout à l’heure, que pour les intercommunalités, la majorité qualifiée vise à assurer un minimum de stabilité et de visibilité aux politiques d’investissement, qui sont, par définition, des politiques de long terme. On n’investit pas, ou rarement, pour une durée de cinq ou six ans, c’est-à-dire celle d’un mandat, à plus forte raison dans une région ; on investit pour des périodes bien plus longues. Si l’on veut concilier la possibilité d’ajustement, ce que je peux comprendre, et une certaine stabilité, il me paraît évident qu’une décision d’une telle importance doit être prise à la majorité qualifiée.

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