Intervention de Claude Sturni

Séance en hémicycle du 18 novembre 2014 à 21h30
Délimitation des régions et modification du calendrier électoral — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClaude Sturni :

Après l’examen du projet de loi par nos collègues sénateurs, nous devons faire ici oeuvre utile et mener des actions efficaces pour notre pays et nos concitoyens. Notre priorité est donc de contribuer à donner du sens aux territoires et aux régions, leur impulser une dynamique et, ce faisant – vous le pensez tous certainement – de lutter contre la crise et de favoriser la création d’emplois.

Du point de vue de l’organisation des territoires, des perspectives des collectivités territoriales, des populations, des entreprises, quels seront les effets de ce redécoupage des régions ? Je crains que, aujourd’hui encore, nous ne soyons pas en mesure de les évaluer. Il n’existe toujours pas d’étude d’impact sérieuse, et nous cherchons encore des objectifs chiffrés et étayés, qui pourraient justifier l’urgence de cette réforme, ou ne serait-ce que la priorité à lui donner.

On se souvient, bien sûr, cela a été évoqué tout à l’heure, de chiffres pour le moins hypothétiques, non étayés, voire totalement farfelus, concernant les économies attendues, mais on attend encore qu’on ose enfin afficher un chiffrage des coûts liés à la mise en oeuvre de cette réforme.

M. le rapporteur a déclaré tout à l’heure que les nouvelles régions seraient les moteurs du développement. Voilà une bien belle déclaration ! Mais pour les nouvelles régions fusionnées, la réalité sera plutôt celles de moteurs à l’arrêt. Cette réforme entraînera en effet nécessairement un gel de l’activité des régions fusionnées et, de ce fait, un déséquilibre entre celles qui vont subir un changement de périmètre, et celles qui pourront continuer à travailler dans leur périmètre antérieur.

En effet, comment ne pas voir que, avant de pouvoir investir sur leur nouveau territoire, les nouveaux élus devront apprendre à se connaître, apprendre à connaître leur nouveau périmètre géographique, apprendre les joies d’une nouvelle gouvernance ? Harmoniser et redéfinir des modalités d’intervention, mettre en oeuvre de nouvelles compétences, créer des éléments de vision partagée, de projets et de planification des services, et pour élaborer les indispensables schémas de développement, tout cela prendra du temps et coûtera de l’argent.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, autant de temps perdu pour la réalisation des investissements d’infrastructures, indispensables pour nos territoires et leurs habitants. J’insiste sur cette France à deux vitesses, cette inégalité entre les régions que cette réforme va induire, certaines régions se trouvant immobilisées quand d’autres, l’Île-de-France par exemple, chère à M. le rapporteur, pourront continuer à développer des projets, et à se projeter sur le potentiel lié aux futurs transferts de compétences, que nous creuserons bientôt dans le projet de loi NOTRe.

Aussi, mes chers collègues, au-delà de l’impatience de nos compatriotes, au-delà de l’exaspération de tous ceux qui veulent voir avancer les projets sur nos territoires, le plus grave sans doute est le risque d’accentuer encore les difficultés conjoncturelles que connaissent les entreprises dépendantes de la commande publique. En effet, cette réforme allongera de manière interminable les délais pour elles, quand elle ne sera pas source d’une totale incertitude quant à la conclusion de marchés pourtant vitaux pour nombre d’entre elles, qu’elles soient de niveau local ou national. Avec votre projet de loi, monsieur le ministre, nous pouvons prédire de bien mauvaises nouvelles aux secteurs du transport ou du BTP, par exemple.

J’ajouterai que la précipitation, l’absence de consensus et de concertation constituent un réel déni de démocratie. Cela est intolérable. Je tiens à souligner que nos collègues sénateurs, élus en septembre dernier, à un moment où ce texte était donc connu, ont été particulièrement à l’écoute des grands électeurs et des territoires. Ils ont ainsi, à l’issue de leur élection, pu travailler en toute intelligence sur ce projet. Je dois dire que nous avons été heureusement surpris que les deux tiers d’entre eux aient pu se retrouver sur un texte et surtout une carte qui me paraît, à bien des égards, bien plus intéressante que celle adoptée ici en première lecture. Leur proposition, fruit d’une concertation, a donc toute légitimité. Je m’interroge, à l’inverse, sur la légitimité des éléments d’analyse qui ont amené notre commission des lois à réduire le travail des sénateurs à néant.

Ne pas écouter les élus issus de la proximité avec nos concitoyens, les priver d’apporter leur vision à ce texte majeur, c’est tout simplement décrédibiliser à la fois les élus de ces territoires mais aussi le travail parlementaire. Nul besoin d’être devin pour imaginer qu’une telle décrédibilisation, combinée, dans bon nombre des territoires, à la frustration et l’incompréhension de nos concitoyens devant cette réforme, est de nature à faire progresser les votes extrémistes lors des prochains scrutins.

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