Intervention de Michel Sapin

Réunion du 12 novembre 2014 à 11h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Michel Sapin, ministre des Finances et des comptes publics :

Madame la rapporteure générale, je me permets de vous rappeler que la Commission européenne a, en vertu des traités, la possibilité, avant la fin du mois d'octobre, de cibler les projets de plan budgétaire qui lui paraissent manifestement « en dehors des clous » – j'emploie à dessein cette expression familière – et de demander leur révision. Durant cette phase, qui s'est achevée le 29 octobre dernier, la Commission a demandé des explications à une huitaine de pays sur dix-huit – ce qui représente une proportion non négligeable d'entre eux –, dont la France, qui a répondu par une réduction supplémentaire de son déficit à hauteur de 3,6 milliards d'euros, son déficit structurel devant ainsi diminuer de plus de 0,5 point de PIB en 2015 par rapport à 2014. Une telle diminution entre dans le cadre tant des flexibilités prévues que du respect des règles européennes.

La phase dans laquelle nous nous situons désormais est celle, normale, de l'examen de l'ensemble des plans budgétaires par la Commission. Cet examen permet à celle-ci de formuler un avis sur ces plans et de faire des recommandations à chacun des pays – c'est le plus important. C'est dans le cadre de cette phase que nous oeuvrons aujourd'hui pour que la Commission prenne en compte dans ses recommandations la situation générale de la zone euro, caractérisée par une trop faible croissance et par une trop faible inflation – la France se situant en la matière dans la moyenne des pays de la zone euro. L'Allemagne elle-même a déjà fait l'objet de recommandations quant à l'utilisation des possibilités que lui offre son contexte budgétaire, plus favorable que le nôtre.

Nous menons actuellement une bataille décisive pour adapter le rythme de la réduction des déficits à la situation de la zone euro. En effet, si la Banque centrale européenne (BCE) a, de son côté, déjà apporté de bonnes réponses aux questions qui se posaient dans le cadre de sa politique monétaire, celle-ci ne saurait répondre en totalité aux questions qui se posent, notamment en matière de politique budgétaire. Outre le débat sur les réformes structurelles, il convient de ne pas oublier celui relatif au plan d'investissement européen, qui peut être la bonne manière de soutenir la demande à court terme tout en conduisant une politique de financement d'infrastructures essentielles à la croissance potentielle de l'Europe. Tous ces débats doivent permettre à la Commission européenne de conduire, dans son dialogue avec chacun des États, une politique adaptée à la situation actuelle. Cette politique est décisive pour éviter à la zone euro d'entrer dans un long tunnel de trop faible croissance et de trop faible inflation, qui serait préjudiciable aux plans économique, social et budgétaire.

Tout a été dit sur la situation budgétaire de la France dès l'été dernier : dans le cadre d'une opération vérité, j'ai confirmé dès le début du mois de septembre et au mois d'octobre mes déclarations de la mi-août. Nous avons annoncé le niveau exact du déficit public français. Ce PLFR ne contient donc aucun chiffre nouveau, et aucune donnée nouvelle ne vient corriger celles qui ont été présentées lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2015. Vous pouvez affirmer à juste titre que le déficit est plus élevé que prévu dans la loi de finances initiale pour 2014 : le chiffre est le même que celui que j'avais annoncé le 13 août dernier, à la suite des nouvelles prévisions de l'INSEE, dont le Président de la République et le Gouvernement ont souhaité tirer immédiatement toutes les conséquences. Il convenait, en effet, de construire le budget de 2015 sur les bases les plus proches de la réalité, ou du moins sur les dernières prévisions. Il n'y a donc pas 4 milliards d'euros de déficit supplémentaires, comme j'ai pu le lire ou l'entendre ici ou là : je le répète, vous disposez des mêmes chiffres depuis la mi-août.

Je remercie tous ceux qui, à droite comme à gauche, ont souligné que la dépense publique est globalement tenue. Christian Eckert répondra aux questions précises qui ont été posées sur le sujet.

Par ailleurs – je le répète également –, pour pouvoir procéder à la fusion de la PPE et du RSA en 2016, il convient de décider dès aujourd'hui que la PPE ne s'appliquera plus à compter de 2016. Les revenus de l'année 2014 seront évidemment pris en compte pour les versements effectués en 2015, contrairement à ceux de 2015 qui n'ouvriront pas de droits en 2016. La suppression de la PPE au titre des revenus perçus en 2015 est donc le premier acte obligatoire d'une réforme d'ensemble. Je prends l'engagement devant vous que, lorsque le débat sur cette suppression viendra en séance publique, le Gouvernement sera à même de présenter les grandes lignes du dispositif qui sera mis en place à compter du 1er janvier 2016 et qui reposera sur la fusion de la PPE et du RSA-activité : le Parlement pourra ainsi prendre sa décision en toute connaissance de cause – je rappelle qu'il est déjà éclairé par le rapport de M. Christophe Sirugue sur la réforme des dispositifs de soutien aux revenus modestes et par celui du groupe de travail sur la fiscalité des ménages.

Monsieur Carré, je prends acte de votre soutien à la proposition de rendre non déductibles, d'une part, la taxe de risque systémique, qui est actuellement acquittée par les banques et qui, comme M. de Courson l'a rappelé, est appelée à disparaître progressivement, et, d'autre part, la contribution au Fonds de résolution bancaire unique : cette mesure, conforme à celle qui a déjà été adoptée par les autres pays, est à la fois raisonnable et nécessaire.

Oui, nous avons étudié les conséquences de l'application de la non-déductibilité appliquée à la taxe annuelle sur les bureaux : elle coûtera quelque 100 millions d'euros aux entreprises installées en Île-de-France.

Je vous remercie d'avoir tous convergé sur la question de la lutte contre la fraude à la TVA.

Il conviendra d'harmoniser les dispositions contenues dans le PLF pour 2015 et dans le PLFR, s'agissant notamment de la non-déductibilité des versements au fonds de résolution bancaire unique ou des mesures inscrites dans le PLFR qui visent à lutter contre l'optimisation de la relation « mère-fille », qui est un des outils d'optimisation fiscale les plus utilisés. Je tiens beaucoup à la montée en puissance progressive de cet arsenal.

Si nous avons pu réaliser d'énormes progrès en France dans la lutte contre la fraude fiscale, c'est en raison des progrès équivalents réalisés en la matière dans le monde – je pense notamment à l'échange automatique d'informations, chacun dans son coin ne pouvant pas grand-chose. De même, la lutte contre l'optimisation fiscale ne sera efficace en France que si elle réalise des progrès aux plans européen et mondial. Vous avez fait allusion au sommet de Brisbane des 15 et 16 novembre prochains : l'OCDE a fait quinze propositions, dont sept pourront être adoptées dès cette date par le G20, ce qui permettra à l'ensemble des principaux pays de la planète de lutter ensemble, donc plus efficacement, contre l'optimisation. L'efficacité commande en effet d'articuler la lutte menée au plan national avec celle menée au plan mondial : il y aurait plus d'inconvénients que de bénéfices à se singulariser. Il convient de porter le message et, lorsque c'est possible, de montrer l'exemple, tout en faisant avancer la lutte au niveau mondial pour en finir avec l'optimisation fiscale, particulièrement inconvenante, de ces grandes sociétés qui réalisent des bénéfices considérables sans jamais payer d'impôts. Le problème vient moins, du reste, du fait qu'elles ne paient pas d'impôts en France que du fait qu'elles n'en paient nulle part, l'ensemble de leurs bénéfices étant transférés vers des pays où elles n'exercent aucune activité. Il est nécessaire de lutter ensemble contre ce phénomène.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion