Intervention de Daniel Gibbes

Séance en hémicycle du 30 octobre 2014 à 21h30
Modernisation et simplification du droit dans les domaines de la justice et des affaires intérieures — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Gibbes :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, mes chers collègues, s’il est question de choc de simplification, ce texte est loin du but, en tout cas s’agissant de sa procédure d’examen.

Comme vient de l’évoquer mon collègue Guy Geoffroy, il y a de bonnes choses dans ce texte. Mais les débats parlementaires et le désaccord par lequel s’est soldé l’examen du texte en commission mixte paritaire prouvent, s’il en est besoin, que si nous ne pouvons que souscrire à l’objectif poursuivi par ce projet de loi de simplification de notre droit, ce texte demeure particulièrement complexe à appréhender, tant sur la forme que sur le fond.

Permettez-moi de concentrer mon intervention sur l’article 3 du projet de loi, relatif à l’habilitation donnée au Gouvernement pour simplifier par ordonnances le droit des contrats et des obligations.

Cet article a été supprimé par le Sénat en première lecture – la Haute assemblée considérant avec sagesse qu’il n’était pas sérieux que le législateur se dessaisisse totalement en matière de droit des contrats et des obligations – avant de faire l’objet d’un véritable imbroglio en commission des lois de l’Assemblée, puis en séance publique, pour enfin faire purement et simplement échouer la CMP.

Le droit des contrats, partie majeure du droit des obligations, constitue le coeur de notre code civil, et cette question relève donc de la plus haute importance, que ce soit en termes de cohésion sociale ou d’économie.

Madame la ministre, vous connaissez les objections que suscite une telle réforme au sein de notre groupe. Ces objections touchent à la fois à la forme, au fond et à la méthode employée.

Sur la forme, il nous apparaît particulièrement préjudiciable qu’une réforme aussi fondamentale puisse être opérée par voie d’ordonnance, autrement dit en se passant d’un nécessaire débat contradictoire et public, sur des questions certes techniques, mais qui relèvent de choix de société fondamentaux qui vont engager durablement la vie des affaires.

Sur le fond, un certain nombre de points suscitent des réserves et devraient faire l’objet de nécessaires concertations avec les acteurs du monde économique et les praticiens du droit, qui ont été nombreux à nous alerter. Plusieurs éminents spécialistes de droit public et privé, dont je partage les analyses, s’accordent à conclure que le projet comporte des dispositions qui présentent deux inconvénients majeurs : d’une part un éclatement de notions juridiques importantes ; d’autre part un risque d’intrusion du juge dans l’économie du contrat.

Enfin, s’agissant de la méthode employée, il convient une nouvelle fois de s’interroger sur l’opportunité d’une réforme de grande envergure dans un domaine où l’urgence est plus que discutable. En effet, le gros du contentieux est suscité par la responsabilité civile délictuelle plus que par le droit des contrats. Vouloir protéger la partie faible au contrat – comme l’évoque la ministre – ne répond pas, à mon avis, à une quelconque urgence, dans le sens où cette partie faible est d’ores et déjà très largement protégée par des branches entières du droit : droit de la consommation, droit social, droit des baux d’habitation, droit privé de la construction pour ne retenir que ces exemples.

Au final, je reste convaincu qu’il n’existe à l’heure actuelle aucun motif sérieux à réformer à la va-vite, et surtout sans débat contradictoire et public, cette partie du code civil. D’autant plus que je pense pouvoir dire que nous serions tous tombés d’accord, Assemblée nationale et Sénat, si vous nous aviez laissés légiférer. C’est dommage.

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