Intervention de Christiane Taubira

Séance en hémicycle du 28 octobre 2014 à 15h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 - projet de loi de finances pour 2015 — Justice

Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice :

C’est donc à ces personnes que l’outrage a été fait. Des actes de réparation ont été engagés : en 1981 d’abord, puis en 1984, et enfin de façon moins importante en 2005. Il a été reconnu qu’une injustice avait été commise et il a notamment été prévu que les périodes de chômage involontaire seraient prises en compte dans le calcul des droits à la retraite et des indemnités.

Ce que nous proposons aujourd’hui, c’est en premier lieu d’inscrire dans la loi le caractère discriminatoire et abusif des actes commis à l’encontre de ces mineurs. C’est un acte symbolique : la reconnaissance de l’injustice commise par la force publique, c’est-à-dire par la puissance publique, à leur encontre.

L’amendement tend en outre à octroyer aux personnes concernées – nous en avons identifié trente et une pour l’instant – ou, en cas de décès, à leurs ayants droit, une allocation forfaitaire de 30 000 euros, ainsi qu’une allocation spécifique de 5 000 euros pour leurs enfants. Ceux-ci n’ont pu en effet bénéficier du dispositif des bourses des mines qui existait à l’époque. Il convient d’ailleurs de rappeler que ces grèves ont donné lieu à un très beau mouvement de solidarité puisque, bien qu’elles aient concerné les seules mines du Nord et du Pas-de-Calais, les mineurs et leurs familles ont été accueillis dans des familles à Paris et dans d’autres régions. Mais les enfants des mineurs donc ont été pénalisés, et nous prévoyons par cet amendement de leur attribuer une allocation spécifique de 5 000 euros en plus de l’allocation forfaitaire de 30 000 euros pour les mineurs licenciés. Enfin, ils auront la possibilité de faire valoir, sur la base d’éléments précis, les préjudices qu’ils auront subis concernant les prestations de chauffage et de logement.

Une autre question extrêmement sensible et douloureuse était le rétablissement de ces mineurs dans leurs grades militaires et leurs distinctions, dont ils avaient été déchus. J’ai donc sollicité le ministre de la défense, qui y a consenti. Cette disposition est elle aussi incluse dans l’amendement.

Je veux pour finir saluer les parlementaires qui se sont fortement engagés sur cette question, sur laquelle nous travaillons depuis maintenant près d’un an. Merci donc à Guy Delcourt, Nicolas Bays et Marc Dolez, qui ont été à nos côtés pour faire avancer cette belle cause.

Pardon si mon propos n’a pas toujours été cohérent, mais l’émotion que j’éprouve est très forte. C’est l’occasion pour moi de m’incliner devant le courage et la force morale de ces hommes et de ces femmes, leurs compagnes, et de remédier aux préjudices subis par leurs enfants. Il était nécessaire d’essayer de réparer cette injustice, même si elle est en soi irréparable. Ces trois gestes, l’allocation forfaitaire, l’allocation spécifique et le rétablissement dans les grades, honorent, je le crois, la puissance publique. En tout cas, ils honorent le gouvernement auquel j’appartiens, et j’en suis particulièrement fière.

Le ministère de la justice y prendra sa part, puisque nous contribuerons dans un premier temps à hauteur de 700 000 euros à abonder le budget de l’Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs, ce qui permettra de procéder à des réparations certes symboliques, mais qui disent l’estime, le respect et la gratitude de notre génération et du Gouvernement.

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