Intervention de Jean-Marie Le Guen

Réunion du 24 octobre 2012 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Marie Le Guen, rapporteur pour avis :

Je ne rappellerai que brièvement les chiffres. Ceux-ci relèvent davantage du rôle des rapporteurs spéciaux de la commission des finances. Les dotations de l'ensemble de la mission « Ecologie, développement et aménagement durables » diminuent de 4,4% pour les autorisations d'engagement, passant de 8,777 milliards d'euros ouverts en loi de finances initiale pour 2012 à 8,385 demandés pour 2013, et de 3,76% en crédits de paiement, passant de 8,704 à 8,379 milliards d'euros. L'essentiel de l'effort porte sur les dépenses de personnel du titre 2 et celles d'intervention du titre 6.

Je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission.

D'abord, la politique de l'écologie et du développement durable, avec naturellement à l'arrière-plan la question énergétique, s'inscrit dans le cadre d'une véritable stratégie nationale. La perspective en a été présentée par le Président de la République lors de la conférence environnementale, le 14 septembre dernier. Il s'agit de commencer la transition énergétique avec notamment les énergies renouvelables et l'amélioration de l'efficacité énergétique, en particulier dans le logement, ainsi que d'assurer la protection des milieux et de la biodiversité.

S'agissant de l'énergie, l'année 2013 sera marquée par le débat national sur la transition énergétique organisé selon les grandes questions annoncés par la feuille de route : les modalités de l'efficacité et de la sobriété énergétique, la trajectoire pour atteindre le bouquet énergétique annoncé en 2025, les scénarios à plus long terme (2030 et 2050), le choix en matière de renouvelable et la stratégie industrielle et commerciale, les coûts de la transition énergétique et leur financement.

Ensuite, en matière de développement durable, l'Union européenne déploie une stratégie qui se veut complète et qui rencontre un succès certain, notamment en matière de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. Grâce aux actions engagées en la matière, notamment au système européen de quota d'émission et, dans les dernières années, au paquet énergie climat et aux textes associés, on constate que dans la lutte contre le changement climatique, l'Europe se veut exemplaire et qu'elle est d'ailleurs le « bon élève ». D'une part, la proportion des sources d'énergie renouvelables hors hydroélectricité est de 5% pour l'ensemble de l'Union européenne, contre 1% pour la Chine et 2% pour les Etats-Unis, l'Inde et le Japon. L'Allemagne est très en pointe avec 8% de même que l'Espagne avec 9%.

D'autre part, les émissions de gaz à effet de serre sont en diminution de 11%, et même pour les 15 anciens Etats membres, de 14,5%, en 2011, par rapport à la référence de 1990. Le seul point un peu faible est en raison du poids de l'acquis, le volume des émissions par tête, qui reste plus élevé que le reste du monde, avec 8 tonnes par habitant et par an environ, mais représente moins de la moitié des émissions américaines. Ce critère est d'ailleurs avancé par des pays comme la Chine dans les négociations.

Enfin, le développement durable fait l'objet de manière maintenant continue de négociations internationales essentielles. Je rappellerai les trois plus importantes.

Il s'agit d'une part du processus de Rio. La conférence dite Rio + 20 a adopté un document visant à orienter l'action de la communauté internationale, avec notamment des avancées institutionnelles sur le processus d'élaboration des objectifs du développement durable au niveau mondial et un certain renforcement du PNUE en tant qu'autorité mondiale reconnue en matière d'environnement.

La deuxième négociation clef concerne naturellement la lutte contre le changement climatique.

Il y a enfin la protection de la biodiversité. La conférence d'Hyderabad, qui s'est achevée le 19 octobre dernier, s'est achevée sur un engagement de doublement d'ici 2015 des aides aux pays en développement et sur un inventaire des zones marines d'intérêt écologique et biologique. Pour l'avenir, la question clef concerne la mise en oeuvre du protocole de Nagoya sur l'accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation, pour éviter la biopiraterie et le pillage des ressources des pays pauvres.

Le rapport est centré sur les enjeux principaux.

Le premier est double. Ce sont deux des prochaines conférences des parties sur le climat. La première échéance est très proche. C'est la conférence de Doha qui aura lieu du 26 novembre au 7 décembre prochain. Il convient de fixer la deuxième période d'engagement du protocole de Kyoto. La première période d'engagement vient en effet à échéance le 31 décembre prochain. Le protocole est le seul instrument contraignant en la matière. Le principe de cette deuxième période a été acté à Durban. Il s'agit maintenant de fixer les modalités. Sur la durée, 5 ou 8 ans, l'Union européenne préfère 8 ans. Il s'agit également de fixer le champ des pays qui s'engagent, parmi les pays développés. 38 pays s'étaient engagés en 1997. La défection du Canada, qui est sorti du protocole, mais aussi de la Russie et du Japon, qui ne souhaitent pas de nouvel engagement sur des objectifs de réduction, sont préjudiciables. Enfin, il faut fixer les objectifs. Pour les pays européens, c'est relativement simple compte tenu du paquet énergie climat. Pour les autres cas, c'est moins clair.

La deuxième échéance est plus éloignée, mais tout aussi importante. C'est la conférence de 2015, celle au cours de laquelle il est prévu de fixer l'accord global, c'est-à-dire le régime applicable après la deuxième période d'engagement de Kyoto, autrement dit le régime de l'après 2020. Celui-ci devra être universel, c'est-à-dire concerner tous les pays, et les engager sur une trajectoire propre à limiter l'augmentation de la température terrestre. A l'arrière-plan, c'est le choix de notre futur modèle de développement économique que nous devons faire, pour la France comme pour le reste du monde.

Pour cette conférence de 2015, qui selon les règles de l'ONU doit avoir lieu dans un pays du groupe de l'Europe de l'Ouest et pays autres, le Président de la République a indiqué la disponibilité de la France. C'est une proposition que je souhaite saluer. Elle implique de notre part la nécessité de s'y préparer de façon à anticiper l'idée que notre candidature pourrait être acceptée.

La négociation s'annonce en effet difficile. Nous avons tous en mémoire l'échec de la conférence de Copenhague. Il faut construire des problématiques de diplomatie. L'Europe a cependant un savoir-faire sur le plan diplomatique, mais aussi sur le plan de l'exemplarité. En l'absence de mécanisme global, elle peut introduire dans son arsenal juridique un mécanisme d'inclusion carbone aux frontières, pour contrer les effets du dumping environnemental des pays qui ne voudraient pas s'engager, mais aussi pour éviter les fuites de carbone, c'est-à-dire le transfert vers les pays tiers d'activités émettrices. Il est légitime d'arriver dans les négociations diplomatiques futures avec à la fois la volonté réelle d'aboutir à un accord global, mais en même temps celle de se préparer aussi aux conséquences éventuelles d'une non coopération d'un certain nombre de pays. L'Union européenne a un accord de fait avec certains pays, parmi lesquels les Etats insulaires, mais comme vous le savez, il y a des Etats réservés, sans parler des Etats-Unis, réticents à aborder ces questions.

Le deuxième point spécifique qui mérite cette année d'être évoqué, est celui de la création autour de la France et de l'Allemagne d'une véritable communauté européenne de l'énergie, comme l'a indiqué le Président de la République, lors de la conférence environnementale. Une coopération industrielle dans le solaire a été évoquée côté allemand. L'enjeu est pour nous double : économique, car il s'agit de se positionner de manière compétitive et anticipatrice sur l'énergie du futur ; politique, car l'indépendance énergétique de l'Union européenne, c'est la garantie d'échapper dans le futur aux pressions d'Etats qui feraient des matières, produits et équipements énergétiques un outil plus ou moins systématique de politique étrangère.

Enfin, le troisième point spécifique concerne le règlement des difficultés actuelles du système des quotas d'émission. D'abord, il convient de réformer le SEQE car le prix de la tonne de CO2 s'est effondré, autour de 7 à 8 euros la tonne, en raison d'un excès d'offre, alors qu'il faudrait qu'elle soit au triple pour que les investissements des entreprises au profit de technologies moins émettrices aient un équilibre financier. La Commission européenne a fait des propositions afin de régulariser la situation. Il convient qu'elles soient adoptées, comme l'a indiqué le Président de la République lors de la Conférence environnementale. Ensuite, il y a la question de l'inclusion du transport aérien dans le champ du dispositif. Les pays tiers y sont opposés. Des négociations sont en cours au niveau de l'OACI avec l'espoir d'aboutir à une première étape au niveau international. Dans cette attente, l'application du dispositif européen reste suspendu.

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