Intervention de Philippe Vitel

Séance en hémicycle du 21 octobre 2014 à 21h30
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Vitel :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, depuis maintenant près de quarante ans, le « trou de la Sécu » fait partie des grandes pathologies de la société française. Chaque année, l’automne venu, les parlementaires et le Gouvernement, quelle que soit leur orientation politique, sont appelés au chevet du malade et proposent diverses thérapeutiques colligées dans une grande ordonnance que nous appelons PLFSS. Puis tout repart comme avant, et nous nous retrouvons un an plus tard – ou six mois plus tard en cas d’aggravation majeure des symptômes, comme cette année – pour réaliser une nouvelle expertise et délivrer une nouvelle prescription. Mais, malheureusement, nous ne notons jamais d’amélioration significative de l’état du malade. Alors nous conseillons, en désespoir de cause, une purge dont le produit est stocké dans une grosse caisse appelée CADES. Depuis 1996, nous y avons déversé la modique somme de 226,7 milliards d’euros.

Mes chers collègues, rappelons-nous que la dette sociale représentait 1 % du PIB fin 1978, 3 % fin 2002, et qu’elle atteint 11 % aujourd’hui. Quelle que soit notre couleur politique, il est grand temps de réfléchir ensemble à une vraie réforme structurelle qui, fuyant les affres de l’État- providence, puisse apporter à chacun la meilleure protection sociale à un coût raisonnable et de manière pérenne. Mais cela n’est pour l’instant qu’incantation, et nous voilà réunis, cette année encore, mes chers collègues, autour de notre malade pour tenter une fois de plus de traiter ses symptômes à défaut de pouvoir le guérir définitivement.

Nous constatons en premier lieu que le traitement de choc prescrit le 30 juin dernier n’a pas apporté le soulagement escompté. En effet, le déficit du régime général et du fonds de solidarité vieillesse – le FSV – pour 2014 devrait s’établir à 15,4 milliards d’euros, soit une dégradation de 2,1 milliards d’euros par rapport à la loi de finances rectificative votée le 30 juin. En cause, un déficit de recettes du fait de la masse salariale du secteur privé et de la surévaluation initiale de la CSG sur les revenus du capital.

Hors FSV, le déficit pour 2014 s’élève à 11,7 milliards d’euros, contre 12,5 milliards en 2013 : il s’est donc réduit de 800 millions d’euros. Toutefois, on constate un déficit de recettes de 4 milliards d’euros. Pour 2015, aucune nouvelle recette n’est prévue.

L’objectif de déficit pour 2015 est de 10,5 milliards d’euros pour le régime général, soit une diminution de 1,2 milliard par rapport à 2014, et de 13,4 milliards en englobant le FSV. Il repose sur une prévision de croissance de 1 % que même le très modéré Haut conseil des finances publiques juge optimiste. En outre, selon le comité d’alerte sur l’évolution des dépenses d’assurance maladie, il sera très difficile pour le Gouvernement de respecter l’ONDAM fixé à 2,1 %. En définitive, l’objectif de retour à l’équilibre, initialement fixé à 2017, est repoussé, au mieux, à 2019.

Le déficit de l’assurance maladie s’établirait à 6,9 milliards d’euros en 2015, contre 7,3 milliards cette année. Cette branche fait l’objet de mesures d’économies, à hauteur de 3,18 milliards d’euros, dont les deux tiers concernent une fois de plus le médicament et le bon usage des soins, sans qu’il soit envisagé de revaloriser les actes médicaux. La progression de 2,2 % du sous-objectif « soins de ville » de l’ONDAM reste donc un leurre pour la médecine libérale. Le prix de la consultation reste de 23 euros : ce montant, décidé en 2007, appliqué en 2011, largement obsolète aujourd’hui, constitue un marqueur de la régression sociale de la médecine libérale. Quant à la rémunération sur objectifs de santé publique, la ROSP, si utile aux jeunes médecins, elle n’a pas été généralisée comme prévu, et le Gouvernement freine son déploiement.

Il y a indéniablement une incohérence entre la volonté de réformer la médecine de proximité et la pression sans cesse accrue sur les soins de ville. N’oublions pas que les soins de ville ont permis, grâce à une très nette sous-exécution de l’ONDAM, d’économiser plus d’un milliard d’euros en 2014. N’oublions pas non plus que le rebasage de l’ONDAM 2014 effectué en juin entraîne à présent un risque de déclenchement de la procédure d’alerte.

Quant à l’hôpital, faute d’une véritable prise de conscience de l’extrême urgence d’une réforme, il devra continuer à se serrer la ceinture, alors qu’il est déjà totalement exsangue, au détriment de la qualité des soins.

Voilà, mes chers collègues, quelques réflexions que m’inspire ce PLFSS. Au fil de l’examen des articles, nous aurons bien sûr l’occasion de dénoncer trop de mesures qui, faute d’un vrai courage réformateur, se contentent de chercher çà et là des boucs émissaires – par exemple, la famille,…

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