Intervention de Hugues de Jouvenel

Réunion du 6 octobre 2014 à 16h00
Mission d'information sur la candidature de la france à l'exposition universelle de 2025

Hugues de Jouvenel, président de Futuribles :

J'aimerais évidemment que vous ayez raison. Mais c'est une banalité de constater que nos territoires se caractérisent par un millefeuille politico-institutionnel et un processus inachevé de décentralisation et de déconcentration. S'y ajoute, dans notre bagage culturel, une hypothèque très lourde : la défiance – ou, pour le formuler autrement, le fait d'avoir raté 1789. Je veux parler des « barons » locaux, plus enclins à ériger des forteresses autour de leur territoire qu'à travailler ensemble.

Il faut donc tenter de simplifier le millefeuille, et c'est, semble-t-il, l'objet de la réforme territoriale en cours. Mais voyez nos difficultés à faire travailler les intercommunalités : au-delà des dispositions législatives, voire constitutionnelles, un changement des mentalités et des comportements est indispensable. Certaines modifications déjà opérées me paraissent aller dans le bon sens, dont celles qui touchent les métropoles. À Lyon, qui avait pris de l'avance sur la loi, la métropole se fait, elle est en marche ; à Marseille, c'est plus compliqué. Quant au Grand Paris, je n'en suis pas du tout un spécialiste mais j'ai eu l'occasion de travailler sur l'avenir du quartier d'affaires de La Défense, à l'époque où l'on débattait beaucoup de la nécessité de contrats territoriaux : c'est désolant à dire, mais quelle lutte des ego ! L'énergie que nous gaspillons à nous battre les uns contre les autres dans nos communes, nos communautés de communes, nos métropoles et au sein du Grand Paris, à nous paralyser mutuellement, ne pourra servir à créer une dynamique nouvelle.

De qui parle-t-on lorsque l'on se réfère aux « territoires » ? S'il s'agit des Français, ils vivent au quotidien les problèmes du chômage, du vieillissement démographique, de la dépendance, de la perte de compétitivité, qu'ils comprennent très bien. Sur le terrain, ils entreprennent et innovent, y compris dans leurs modes de vie et de production, de pair avec la nécessaire transition écologique. Mais lorsqu'il s'agit de développer ces innovations, de les démultiplier, de les faire rayonner, on se heurte à des blocages considérables.

Je le répète, j'ai envie d'adhérer avec enthousiasme à votre projet d'Exposition universelle, car je ne crois pas à la fatalité : l'état actuel de la France résulte de décisions, de choix – ou de non-choix – politiques faits depuis bien des années, par la gauche comme par la droite. L'avenir est ouvert : à nous de le construire. Mais est-on capable de fédérer les énergies autour d'un projet, et celui de l'exposition universelle donnera-t-il du coeur au ventre aux Français de telle ou telle commune ? Rendra-t-il l'appétit du futur, le goût de l'avenir à des gens qui, si j'ose dire, ne le regardent que dans le rétroviseur et se demandent comment ils vont se débrouiller dans un environnement qui leur est si peu favorable ?

Je ne doute pas que vous allez trouver une solution à ce problème – meilleure, je l'espère, que celles du rapport Quelle France dans 10 ans ? Mais une série de petites étincelles, de bonnes volontés, ne suffira pas : à partir d'elles, il importe de créer le sursaut qui nous permettra de briller à l'extérieur. Encore faut-il que les Français soient fiers d'appartenir à une aventure qui n'est pas une aventure d'avant-hier !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion