Intervention de Laurent Fabius

Séance en hémicycle du 4 juillet 2012 à 15h00
Débat sur les résultats du conseil européen des 28 et 29 juin 2012

Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères :

Concrètement, il faut d'abord veiller à ce que toutes les décisions auxquelles je viens de faire allusion soient effectivement mises en pratique. Ce qui demande un travail très précis. Le 9 juillet aura lieu une réunion de l'Eurogroupe, et M. Moscovici, ministre de l'économie et des finances, aura la redoutable tâche de commencer à mettre en pratique les décisions prises au mois de juin. Entre le mois d'octobre et la fin de l'année, il faudra que le Gouvernement soit extrêmement attentif sur toute une série de dispositions, pour que les choses ne se perdent pas dans les sables, comme c'est parfois le cas, et qu'effectivement la taxe sur les transactions financières entre en application, que la Banque européenne d'investissement soit saisie de demandes par vos régions, départements et communes, à travers l'État, afin que les succès obtenus se traduisent véritablement dans les faits.

Cela ne veut pas dire pour autant que les questions seront toutes réglées. Nous avons devant nous des problèmes énormes, par exemple en Grèce. Il y aura bien sûr à discuter des perspectives financières pour 2014-2020 ; cela ne se présente pas facilement. M. Cazeneuve aime à souligner le paradoxe en la matière : d'un côté, on nous demande, au niveau européen, de réaliser des économies dans nos budgets nationaux et, de l'autre, si nous voulons donner un peu de muscle à l'Europe, nous savons que des budgets suffisants sont nécessaires. D'autres contradictions existent encore. De même, il faudra discuter sur toute une série d'autres sujets qui ne sont pas directement financiers.

En outre, il faudra que cette discussion ouverte par le rapport Van Rompuy, nous l'ayons entre nous. C'est une discussion fondamentale. La majorité de cette assemblée est favorable à des avancées européennes, mais pas, comme aurait dit le général de Gaulle, en sautant sur nos chaises. François Hollande a employé l'expression d'« intégration solidaire » : il faut qu'à chaque fois qu'une compétence doit être partagée, il y ait une avancée de l'intégration, de la solidarité et un contrôle démocratique. Ce qui soulève toute une série de problèmes. Est-ce qu'on procède à vingt-sept ? Dans certains cas, c'est possible, dans d'autres non. Est-ce qu'on procède à dix-sept ? Est-ce que, dans d'autres cas, on procède sous forme de coopération renforcée ? Et comment le contrôle s'exerce-t-il ? C'est la réflexion que nous conduirons ensemble au cours des prochains mois.

Il faudra voir – et je réponds ainsi à la question de M. Chassaigne – si nous soumettons tout cela à la population française directement ou bien à ses représentants.

Le Conseil constitutionnel devra être consulté pour la partie relative au pacte budgétaire, puisqu'il s'agit d'un traité international. Il nous dira s'il faut ou non réviser la Constitution. Dès lors qu'il sera possible – c'est notre analyse – de procéder avec un ordre juridique constant, vous serez saisis, mesdames et messieurs les députés, le plus vite possible de l'ensemble de ces dispositions : du pacte budgétaire, bien sûr, mais aussi du pacte de croissance et d'emploi, de la taxe sur les transactions financières, des autres dispositions qui vont dans le sens souhaité par vous-mêmes et beaucoup d'autres.

Quand pourrons-nous le faire ? Cela paraît difficile de le faire au cours de la présente session extraordinaire, mais ce sera le plus tôt possible à la rentrée, pour que nous ayons une direction européenne clairement affirmée.

Dans la campagne législative que nous avons tous menée, comme dans la campagne présidentielle, je suis sûr que vous avez été frappés comme moi par une différence, et même une divergence, voire un fossé, entre, d'un côté, l'adhésion de nos concitoyens à l'idée européenne – les Français sont, d'une façon générale, pour l'idée européenne – et, de l'autre, leur réticence sur les modalités pratiques, sur la traduction de cette idée. Au fond, ils nous disent que l'Europe doit être une solution et non un problème.

Il y a là quelque chose de très menaçant, non seulement d'un point de vue économique mais aussi d'un point de vue démocratique, car il faut que nos concitoyens se retrouvent dans le projet que nous sommes en train de bâtir. Ce qui a été obtenu la semaine dernière est positif dans la mesure où cela permet, à condition que cela soit traduit concrètement, de réduire ce fossé, de montrer à nos compatriotes que l'Europe, corrigée sur de nombreux points, peut être une solution et non un problème supplémentaire.

Je me rappelle l'anecdote qui courait il y a quelques années au sujet d'Henry Kissinger, lequel disait : « L'Europe, très bien, mais quel est le numéro de téléphone ? » Aujourd'hui, il y a un numéro de téléphone, et même plusieurs – ce qui est d'ailleurs un des problèmes –, mais s'il est important d'avoir un numéro, il faut surtout avoir une réponse au téléphone !

Ce qui s'esquisse à travers les décisions prises la semaine dernière, pour lesquelles le Président français a joué un rôle majeur, c'est une réponse aux interrogations européennes de nos concitoyens. Et parce que les résultats du sommet de Bruxelles vont dans le bon sens sur cette réponse, je suis heureux, au nom du Président de la République et du Gouvernement, de vous les avoir présentés. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

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