Intervention de Laurent Fabius

Séance en hémicycle du 4 juillet 2012 à 15h00
Débat sur les résultats du conseil européen des 28 et 29 juin 2012

Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères :

Si quelques dispositions avaient été étudiées, il y a une certaine différence entre la préparation des décisions et les décisions prises. Je ne sache pas qu'il y ait eu des décisions prises sur la taxe sur les transactions financières, pas plus que sur le pacte sur la croissance et sur l'emploi ou encore sur les dispositions financières. Donc il y a une certaine différence entre parler des choses et décider des choses (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Enfin, il y a une troisième réaction qui est majoritaire, à la fois dans l'opinion, chez les commentateurs et dans cette assemblée, qui considère que finalement les résultats sont un acquis positif. Le Président de la République lui-même n'a pas voulu faire de triomphalisme. En réponse à la question : « qui a gagné ? qui a perdu ? », n'a-t-il pas répondu : « c'est l'Europe qui a gagné » ?

Il a eu raison de répondre ainsi. Sans être du tout en désaccord avec lui, je pourrais répondre que je ne sais pas qui a gagné, mais, comme aurait dit Joffre, je sais qui aurait perdu si nous n'avions obtenu ces résultats.

Il y a donc eu, oui, de bons résultats. À quoi sont-ils dus ? L'initiative de la France de soumettre un pacte de croissance a été soutenue y compris hors d'Europe. J'ai été frappé, en accompagnant le Président de la République aux États-Unis dans plusieurs sommets, du G8 et du G20, de voir à quel point cette idée de la croissance nécessaire était soutenue, par Barak Obama et par de nombreux autres. Du même coup, par un effet indirect, cela a pu peser sur certains de nos collègues des autres pays.

En Espagne, en Italie, la même volonté de croissance voit le jour et nous pouvons le comprendre. Dans la situation actuelle, tous les pays sont conduits à des économies budgétaires. S'il se produit uniquement une diminution de la masse monétaire ou financière infusée dans les différentes économies, sans aucune compensation au niveau européen, on ira alors vers la récession. C'est pourquoi nous avons obtenu un soutien extrêmement appuyé de la part de pays comme l'Italie ou l'Espagne.

L'autre élément qui explique ce que je peux considérer comme un succès, c'est que le rapport entre l'Allemagne et la France – la question a été soulevée et elle le mérite – n'a pas été traité de la même manière par ce gouvernement que par ses prédécesseurs. Entendons-nous bien : pour nous, l'amitié, la coopération entre la France et l'Allemagne est un élément absolument central. Il ne peut en être autrement, ne serait-ce que parce que la France et l'Allemagne représentent à elles deux la moitié du produit intérieur brut européen. Mais pour que les choses fonctionnent bien, il faut que cette coopération soit non seulement centrale, mais aussi égale et partenariale.

Pour qu'elle soit égale, il faut, comme dans tout couple équilibré, que les uns et les autres reconnaissent leurs droits mutuellement et essaient de se comprendre. Je fais souvent sourire mes amis allemands en leur disant qu'il faut parfois expliquer aux Français que les Allemands ne sont pas des Français qui parlent allemand ! C'est un peu plus compliqué que cela. Symétriquement, il faut que nos amis allemands – et beaucoup le comprennent – mesurent bien qu'il n'y a pas de santé pérenne possible pour l'Allemagne si l'Europe est durablement déprimée, dans la mesure où nous sommes ses premiers clients et ses premiers fournisseurs. Cette idée commence, me semble-t-il, à se faire jour.

De même, il faut aussi un partenariat. On a besoin du moteur franco-allemand, mais l'Europe ne peut fonctionner dans un système de condominium franco-allemand qui décide pour tous les autres. Nous devons nous tourner aussi vers les autres pays, l'Italie, l'Espagne, la Belgique…, de même que vers les autres institutions : le Parlement européen, le Parlement national de la France, la Commission, le Conseil, la Banque centrale européenne… C'est, je crois, en partie pour avoir oublié cette réalité que ce qui a été obtenu la semaine dernière n'avait pu l'être dans la période précédente. Si un succès a été remporté, ce n'est pas pour la France, l'Italie ou l'Allemagne, mais c'est pour l'ensemble de l'Europe.

S'il faut rester prudent, tous les problèmes n'étant pas réglés au fond, je pense que ce qui a été décidé la semaine dernière a été perçu positivement.

Dernière question : quelle est la prochaine étape ?

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