Intervention de Bernard Cazeneuve

Séance en hémicycle du 16 septembre 2014 à 21h30
Lutte contre le terrorisme — Article 1er

Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur :

En ce qui concerne ces deux amendements, je rappelle que notre texte repose sur la volonté de garantir à chaque article la proportionnalité entre les moyens que nous mobilisons et l’objectif que nous souhaitons atteindre. Cette proportionnalité est hautement souhaitable en raison de la jurisprudence de notre pays, systématique et imparable sur ces sujets. En rompant l’équilibre jurisprudentiel, nous prendrions le risque de voir, du fait de la grande importance de cet article, l’ensemble du texte frappé d’inconstitutionnalité. C’est la raison pour laquelle, afin d’assurer la sécurité juridique du projet de loi, le Gouvernement ne souhaite pas sortir de l’équilibre existant, même si je comprends l’objectif que vous poursuivez, messieurs les députés.

Et puis vous me demandez, monsieur Lellouche, ce qui va se passer après l’exécution de la mesure. Le texte pose plusieurs principes et nous devons en effet vérifier l’efficacité de ce que nous mettons en place.

Tout d’abord, je rappelle que l’objet de l’interdiction de sortie du territoire n’est pas d’assigner des personnes à résidence ou de les placer dans des centres de rétention, mais de les empêcher de partir dès lors que le ministère de l’intérieur est convaincu qu’elles s’engageraient sinon dans des opérations terroristes qui représenteraient un risque pour elles-mêmes et, à leur retour, pour nos concitoyens. L’efficacité du dispositif doit donc être mesurée à l’aune de l’objectif que nous poursuivons : empêcher ces concitoyens de partir. La mesure prévoit, immédiatement après qu’est prononcée l’interdiction administrative de sortie du territoire, le retrait du passeport et de la carte d’identité, et, en contrepartie, la remise au ressortissant d’un récépissé qui lui permettra d’avoir, pour ses cheminements à l’intérieur du pays, les mêmes droits que ceux dont il disposerait avec la carte d’identité.

Il est indispensable pour empêcher effectivement ces départs d’appliquer des dispositifs qui existent déjà au niveau réglementaire – et qu’il n’est donc nul besoin d’inscrire dans la loi – : l’inscription au fichier des personnes recherchées – le FPR – et le signalement au système d’information Schengen – selon une procédure qui serait donc identique dans l’ensemble des pays de l’Union européenne – pour assurer le repérage, dans tous les aéroports ou autres point d’arrivée, par d’autres services que les nôtres. Je travaille actuellement avec les autres pays de l’Union européenne à la mise en place d’un tel signalement au sein du système d’information Schengen pour garantir l’efficacité de la mesure.

Mais cette modification et l’inscription au FPR ne suffiront pas : il faudra également que nous mobilisions les transporteurs pour que, l’identité des personnes leur ayant été signalées, celles-ci puissent être empêchées de sortir du territoire lors d’un contrôle dans les moyens de transport. Tel est l’objet du fichier SETRADER – le système européen de traitement des données d’enregistrement et de réservation – et du fichier PNR – passenger name record – européen. Vous savez que dans ce dernier cas, nous avons un problème : la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures, dite commission LIBE, du Parlement européen, s’oppose à la mise en place d’un tel fichier à l’échelle européenne. J’ai donc décider, en accord avec mes collègues des autres pays de l’Union, d’aller devant la nouvelle commission LIBE de manière à bien lui expliquer que l’efficacité de notre action dépend de ce dispositif.

Enfin, monsieur Lellouche, si la personne en question venait à quitter le territoire et à être récupérée soit par des polices européennes, soit par la nôtre, elle se trouverait alors en infraction pénale puisque nous prévoyons une telle incrimination en ce cas, et on entrerait dans un autre processus : celui de la judiciarisation de sa situation. Vous m’avez demandé si on pourrait la mettre en centre de rétention : non, nous ne pourrions le faire au titre d’une mesure de police administrative, ce qui est d’ailleurs hautement souhaitable puisque aucune mesure de ce type ne vise à la privation de liberté. Par conséquent, nous devons veiller à ce que ce principe soit ici aussi respecté.

J’émets donc un avis défavorable aux trois amendements.

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