Intervention de Pierre Lellouche

Séance en hémicycle du 16 septembre 2014 à 21h30
Lutte contre le terrorisme — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Lellouche :

…compte tenu de son intervention d’hier.

Je souhaiterais ce soir que, contrairement à ce qui s’est passé en commission, vous puissiez entendre les amendements de l’opposition dont le seul but est, non pas de faire de la politique politicienne sur un sujet d’intérêt vital, mais de tenter d’améliorer ce texte qui va dans la bonne direction, même s’il ne va pas assez loin et sera sans doute corrigé après les attentats qui ne manqueront pas, malheureusement, de survenir dans notre pays, j’en prends, hélas, le pari devant vous ce soir.

Ce premier article, qui est important, vise à essayer d’enrayer le flot de participants français résidents, citoyens ou doubles nationaux, qui représentent aujourd’hui un dixième environ des mercenaires, des combattants étrangers dans les forces de l’État Islamique. Ce sont les chiffres que nous a donné à Erbil le commandant des forces kurdes qui se battent contre ces gens. L’armée islamique compte pas moins de 40 000 combattants, soutenus par 80 000 membres des tribus sunnites d’Irak. Parmi ces 40 000 combattants, 10 000 sont étrangers, dont 1 000 Français. Et ces gens continuent à partir régulièrement, par la Turquie.

J’ai souhaité hier que l’on mette en place des sanctions contre les États qui coopèrent, notamment la Turquie. Si ce pays laisse passer, par familles entières, des citoyens français, nous devrons prendre des dispositions dans ce texte.

À nos collègues de la majorité qui parlaient hier de Malraux, à ceux qui ce soir évoquent les victimes des banlieues françaises, je voudrais dire une chose : que vaut dans une démocratie la liberté d’aller et de venir quand cette liberté peut, à tout moment, se traduire par l’assassinat d’un membre de votre famille, de vos enfants, de vous-même, parce que vous prenez le métro, l’autobus, ou que vous vous rendez dans un grand magasin ? Que représente la liberté d’aller et de venir si nous vivons dans un monde de danger immédiat très difficilement contrôlable par le Gouvernement ? A toutes les belles âmes de cette assemblée qui parlent de la liberté d’aller et de venir, je demande de réaliser que nous avons changé de monde, que nous sommes confrontés à un état de guerre qui nous est imposé, qui n’est pas de notre fait, que la vie de nos concitoyens est en jeu. Il y aura des morts, des blessés. Il y en a déjà eu, d’ailleurs, à Boston, à Madrid, à Londres. Les Anglais parlent de Homegrown terrorism pour désigner ce terrorisme commis par des gens qui sont nés chez nous, qui sont allés à l’école chez nous, qui sont théoriquement intégrés à notre société et ont souvent poursuivi des études supérieures. Car, contrairement à ce que prétendait notre collègue, ce ne sont pas les plus pauvres ni les plus ignorants qui s’engagent dans le djihad : l’on y trouve aussi des gens convertis, qui viennent de familles moyennes françaises mais qui trouvent une nouvelle raison de vivre dans ce combat joyeux où ils n’ont pas peur de perdre leur vie !

Dès lors, en s’efforçant de lutter contre ces départs – en limitant certes quelque peu la liberté d’aller et de venir – pour protéger la sécurité des citoyens, le Gouvernement ne fait que son devoir. Je le dis ici : cette disposition n’a rien de liberticide.

Quant à comparer les djihadistes d’aujourd’hui à André Malraux s’engageant dans la guerre d’Espagne ou aux compagnons de la Libération – je pense notamment à notre ancien collègue Yves Guéna qui, à l’âge de dix-sept ans, a quitté les siens pour gagner Londres en barque après avoir entendu l’appel du général de Gaulle à la radio –, pardonnez-moi mais nous sommes dans un autre monde ! Cela n’a rigoureusement rien à voir. À cet égard, je pense que les services de renseignement français sont capables de faire la différence entre un combat terroriste et une cause noble.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai déposé un amendement – dont j’espérais qu’il pût figurer avant l’article premier – visant à interdire à tout citoyen français de porter les armes dans un combat se déroulant à l’étranger, sauf dans le cadre des lois de la République ou dans l’armée française. Encore une fois, si un jeune Français cherche à défendre une cause noble, deux solutions s’offrent à lui : rejoindre les rangs de l’armée française ou travailler pour une organisation humanitaire.

Sur le principe, cet article premier reçoit notre plein soutien. Il faut certes le renforcer et nous y reviendrons lors de la discussion des amendements. Quoi qu’il en soit, je demande à ceux de nos collègues qui sont tentés de lancer des débats philosophiques sur la liberté d’aller et de venir de comprendre que nous vivons aujourd’hui une période grave : même s’ils sont Français, s’ils sont nés ici et s’ils ont fréquenté l’école de la République, des gens égorgent, et ils n’hésiteront pas à vous tuer ni à tuer vos enfants.

Voilà ce qu’il faut comprendre ! Je sais bien que c’est difficile ; les démocraties accusent toujours un temps de retard pour s’adapter au passage de la paix à la guerre mais, hélas, nous sommes en temps de guerre ! Cessons donc ce genre de débats : ils ne servent pas nos concitoyens. Je dis cela avec tout le respect que je vous dois, mais aussi en tant que juriste familier des principes généraux du droit.

1 commentaire :

Le 17/09/2014 à 21:27, laïc a dit :

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"Que représente la liberté d’aller et de venir si nous vivons dans un monde de danger immédiat très difficilement contrôlable par le Gouvernement ? A toutes les belles âmes de cette assemblée qui parlent de la liberté d’aller et de venir, je demande de réaliser que nous avons changé de monde..."

Bien sûr, empêchons les gens de sortir, vivons dans un état de peur permanent, camouflons nous, rasons les murs, tremblons dès que nous croisons un voile islamique, contrôlons toutes les entrées et sorties dans tous les lieux publics ou privés....belle perspective pour la France que nous propose M. Lellouche : la tremblante permanente, la France, pays où la peur est reine et où le courage et la maîtrise de soi sont inexistants...

J'espère que M. Lellouche comprendra que ce n'est pas de ce pays que nous voulons.

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