Intervention de Nicolas Dhuicq

Séance en hémicycle du 16 septembre 2014 à 21h30
Lutte contre le terrorisme — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicolas Dhuicq :

Monsieur le ministre, nous abordons l’examen de votre texte dont je regrette plusieurs grandes faiblesses théoriques. Nous avons employé les uns et les autres le terme de « guerre » mais la guerre moderne nécessite la mobilisation complète de toutes les forces de la nation. Certains autrefois ont parlé, même, de communisme de guerre, mobilisant toutes les forces productives d’un pays contre un objectif.

Or, je ne sais pas quel est l’objectif exact. Je ne suis pas persuadé que le bombardement de gens qui commettent des actes de violence extrême résoudra le problème de fond.

Par ailleurs, lorsque j’entends des analyses fondées uniquement sur des éléments censés être macroéconomiques – lesquels restent encore à discuter, car nous savons que certaines zones rurales concentrent plus de misère que les zones urbaines ainsi décrites –, je pense que nous passons une fois de plus à côté des ressorts psychologiques profonds de ces gens qui s’engagent pour un idéal – qui n’est certes pas le nôtre –, de ces gens qui veulent une métaphysique, aussi dévoyée soit-elle, que nos sociétés sont incapables de leur donner.

Pour en revenir à l’analyse macroéconomique, les attentats du 11 septembre 2001 suffisent à la détruire puisque ceux qui les ont commis n’étaient pas des fils du prolétariat souffrant des banlieues de pays hyper-développés...

Je ne vois pas quels sont les buts et je ne vois pas davantage les moyens. Une nouvelle fois, il y a une incohérence à ne pas prendre en compte l’élément culturel, géostratégique, diplomatique, mais aussi militaire. Nous voyons bien que l’alliance qui devait se nouer pour aller bombarder quelques groupes dans les sables de Mésopotamie a du mal à se constituer et je redoute, en retour, notre isolement, le désengagement de ceux qui devraient être les premiers à s’engager, les détournements d’armes.

Votre texte, monsieur le ministre, quelles qu’en soient les intentions, opère un retournement. J’ai entendu à plusieurs reprises, ce qui m’étonne toujours beaucoup, le mot traumatisme, mais pas pour qualifier les victimes qui seraient les premières concernées, en particulier les chrétiens d’Orient que nous avons si longtemps abandonnés, nous Occidentaux, alors que seule la Russie, suivant en cela la position du Tsar, les a défendus. Que faisaient les chancelleries occidentales ? Rien !

Nous parlons donc de traumatisme non pas pour les victimes mais pour les criminels. Permettez-moi de m’étonner de ce retournement. Comment peut-il y avoir traumatisme chez une personne que vous allez empêcher de sortir du territoire national avant qu’elle n’ait joyeusement étripé ses frères humains ? Ou bien est-ce à supposer que ces criminels auront des cibles sur le territoire national, cibles que certains de nos officiers s’entraînent à protéger dans l’hypothèse d’une révolte dans nos banlieues. J’avais posé cette question au chef d’État-Major de l’armée de terre il y a deux ans en commission de la défense.

Vous supposez que nous aurons des cibles sur le territoire national et vous allez empêcher ces gens de sortir. Très bien, mais tant que vous ne mènerez pas une guerre culturelle, une guerre philosophique, une guerre qui prend en compte les questions de soif de métaphysique chez ces jeunes, vous aurez perdu ladite guerre. Je crains que nous ayons déjà perdu la guerre avec ce texte.

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