Intervention de Isabelle Attard

Séance en hémicycle du 16 septembre 2014 à 21h30
Lutte contre le terrorisme — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Attard :

Je comprends parfaitement vos préoccupations, monsieur le ministre, j’irai même jusqu’à dire que je les partage. Le terrorisme est une vraie menace pour la France et ses habitants, qu’ils soient sur le territoire ou en voyage à l’étranger. C’est pourquoi ce projet de loi est potentiellement utile. Néanmoins, la lecture du texte fait apparaître qu’il n’est pas à la hauteur des enjeux : il vise large, trop large même, et touche trop souvent des cibles sans rapport avec son ambition initiale. Ainsi, vous voulez, par cet article 1er, retenir des Français qui souhaiteraient quitter le territoire pour combattre avec des groupes djihadistes. M. le rapporteur Sébastien Pietrasanta écrit dans son rapport que « La désinhibition à la violence extrême et les traumatismes induits […] contribuent à l’aggravation de la menace émanant de l’ensemble de ces personnes à leur retour en Europe ».

Je ne discuterai pas de l’efficacité du dispositif d’interdiction de sortie du territoire dans le cas de vrais volontaires au djihad mais sa mise en place repose, si l’on s’en réfère au cinquième alinéa, sur des « raisons sérieuses » de croire à un projet de départ.

Nous parlons donc d’une privation de liberté de déplacement sur la base de soupçons. Je ne mets pas en doute le sérieux des officiers de police qui estimeront une telle mesure nécessaire, mais un principe fondamental prévaut en France, celui de la séparation des pouvoirs. Un policier peut légitimement estimer qu’un citoyen qui a commis un crime doit être mis à l’écart de la société. Il devra cependant passer devant un juge pour qu’une mesure aussi grave soit mise en oeuvre. C’est ce que nous demandons dans notre amendement no 32  : que le juge des libertés et de la détention soit saisi au bout de quinze jours.

Je ne comprends pas que vous puissiez envisager de priver un citoyen français du droit de quitter le territoire sans faire valider cette décision par un juge. D’une part, cela fragilise ce texte au plan constitutionnel et au regard de nos engagements européens. D’autre part, rien ne justifie une telle entorse au principe de séparation des pouvoirs. J’espère que les députés ici présents entendront ce message et que nous pourrons travailler ensemble à corriger les défauts de ce projet de loi.

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