Intervention de Cécile Untermaier

Séance en hémicycle du 15 septembre 2014 à 21h30
Lutte contre le terrorisme — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Untermaier :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi que nous devons examiner aujourd’hui est un texte qui restreint certaines de nos libertés publiques constitutionnellement protégées, et ce pour contenir une menace terroriste. Comme vous le savez, un tel texte doit être justifié par un trouble à l’ordre public, et il doit prévoir des mesures permettant de mettre fin à ce désordre sans excéder ce qui est strictement nécessaire pour atteindre cet objectif. Je pense en particulier, bien sûr, aux articles 1er et 9, qui ont donné lieu à des débats.

L’article 1er de ce texte créé une interdiction de sortie du territoire qui peut être édictée par le ministre de l’intérieur à l’encontre de tout ressortissant français majeur s’il est établi qu’il projette des déplacements à l’étranger, notamment pour participer à des activités terroristes. Cette décision entraîne le retrait du passeport ou de la carte d’identité de la personne concernée. L’atteinte à la liberté d’aller et venir est au coeur de la mesure.

L’article 9 créé une possibilité pour l’autorité administrative de demander aux hébergeurs de sites internet de retirer de ces sites les contenus provoquant à la commission d’actes terroristes. Si tel n’est pas le cas, l’autorité administrative pourra demander aux fournisseurs d’accès à internet d’empêcher l’accès à ces sites. Cette disposition porte en elle le risque d’une atteinte à la liberté d’expression sur internet, nous en sommes tous conscients.

mais ces mesures fortes répondent à une menace contre laquelle nous devons nous défendre. Une menace qui provient aujourd’hui directement de citoyens français qui, dans un premier temps, quittent le sol français pour participer au djihad, actuellement surtout en Syrie ; puis, dans un deuxième temps, reviennent en France endoctrinés par de dangereux dogmes et traumatisés par la violence qu’ils ont vécue.

Aujourd’hui, près de mille de nos concitoyens sont en Syrie pour faire le djihad, et cette proportion grandit à la vitesse grand V. La menace terroriste sur notre sol existe donc bel et bien. Cet embrigadement est un phénomène épidémique qui appelle une réponse forte. Ce n’est pas une question de religion, ce n’est pas le fait d’une communauté. C’est une désespérance individuelle captée par des égorgeurs qui surfent sur internet et « capturent » leurs proies. Il s’agit de lutter contre une capacité destructrice à la portée des individus, dispersée : lutte difficile à mener. Cette lutte passe par le dispositif nouveau que nous allons voter, mais nous savons tous aussi qu’elle passe par une action publique élargie de prévention et d’insertion.

Une interrogation que nous avons tous partagée était de savoir si les mesures étaient proportionnées au danger identifié. Ma réponse aurait pu être nuancée avant l’examen du texte par la commission. Mais, à l’invitation du rapporteur et de la responsable du texte pour le groupe SRC Marie-Françoise Bechtel, dont je tiens à saluer le travail, ce texte a été travaillé en concertation avec le Gouvernement. Une série d’amendements accroît les garanties des personnes visées par ces dispositions, sans pour autant déprécier l’efficacité du dispositif.

Ainsi, le retrait du passeport ou de la carte d’identité faisant suite à l’interdiction de sortie du territoire, pris sur la base de motifs contrôlés en référé liberté, dans l’urgence donc – en quarante-huit heures –, et au fond ensuite, par le juge administratif, garant des libertés fondamentales, dans une procédure contradictoire donnant à la défense tous les éléments de fait et de droit avancés par l’État, constitue une procédure cohérente et sûre. La mesure de retrait devra être assortie de la délivrance d’un récépissé. La définition de l’incrimination pénale d’entreprise individuelle terroriste caractérisée a été précisée, et donc réduite. Le blocage des sites internet est devenu une mesure subsidiaire par rapport au retrait du contenu par l’éditeur ou l’hébergeur, suivant en cela une partie de la recommandation du 22 juillet de la commission de réflexion et de proposition sur le droit et les libertés à l’âge numérique. D’autres garanties sont susceptibles d’être apportées durant l’examen en séance publique : je pense notamment à la durée maximale de l’interdiction de sortie du territoire qui pourrait passer de six à quatre mois.

Dans un État démocratique comme le nôtre, dans lequel les libertés personnelles constituent le fondement même de notre contrat social, nous avons été particulièrement vigilants à l’équilibre de ce texte, équilibre que permet la place faite au juge, garant des libertés.

Ma dernière remarque s’adresse plus particulièrement à nous les députés, qui avons aux termes même de la Constitution une obligation d’évaluation et de contrôle. Nul besoin de mention de rapport dans la loi, cette évaluation s’impose de fait si nous en exprimons le besoin. Dans un texte qui est une réponse forte à une menace de terreur, à une barbarie hélas bien réelle, il nous reviendra d’apprécier l’efficacité de ce dispositif, et le caractère opérant de l’arsenal que nous mettons en place. II nous faut répondre à la menace terroriste, il nous faut légiférer ainsi que nous le faisons. Il nous faut ensuite évaluer la portée et l’efficacité de ce dispositif.

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