Intervention de Claude Bartolone

Séance en hémicycle du 18 juillet 2012 à 15h00
Réception de m. moncef marzouki président de la république tunisienne

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClaude Bartolone, président :

Monsieur le Président de la République tunisienne, soyez le bienvenu, et à travers vous l'ensemble du peuple tunisien, dans la maison du peuple français, là où tout a commencé et là où tout recommence, chaque jour, lorsque siège la représentation nationale et que se forgent les grandes lois de la France.

Monsieur le Président, au nom de tout ce que vous représentez, vous êtes ici chez vous. Votre présence dans cet hémicycle signifie beaucoup pour la France.

Nous avons tant à célébrer.

Nous tenons d'abord à célébrer cet amour réciproque entre nos deux pays. Au-delà des quelques députés que nous sommes à partager une naissance en Tunisie, au-delà même du symbole qui veut que, parmi les douze présidents de l'Assemblée nationale élus sous la Ve République, deux – un de droite et un de gauche – soient nés à Tunis, au-delà de tout cela, chacun d'entre nous entretient un lien charnel avec votre pays, la Tunisie, dont nous connaissons toute la richesse, tous les atouts, toutes les espérances, dont nous mesurons aussi toute la complexité, tous les tiraillements identitaires – ce subtil alliage, cet équilibre délicat entre attachement à la tradition et goût de la modernité.

Amour réciproque, disais-je, affection mutuelle, car vous-même, monsieur le Président, entretenez un lien fort avec la France, où vous avez effectué vos études, où vous avez trouvé refuge aussi, dix ans durant, à une époque où, en raison de vos convictions démocratiques, de votre foi dans les droits de l'homme, vous n'étiez pas le bienvenu aux yeux du régime tombé à la faveur de la révolution tunisienne.

Car, à travers votre présence, monsieur le président, nous célébrons aussi les droits de l'homme, non pas comme un objet mémoriel ou un souvenir ému, mais plutôt comme un instrument d'avenir, une oeuvre à jamais inachevée.

Oui, la représentation nationale s'honore de la présence dans son hémicycle d'un infatigable militant des droits de l'homme. La France, patrie qui les a vus naître, connaît et reconnaît votre engagement constant pour la liberté et la démocratie en Tunisie et dans le monde arabe.

Durant de longues années, vous avez lutté pour l'indépendance de la ligue tunisienne des droits de l'homme, vous avez combattu sans relâche le despotisme d'hier au nom de quelques idées fortes : la liberté de disposer de son esprit et de sa parole, le droit de chacun à une égale dignité.

Fondamentalement, monsieur le Président de la république tunisienne, votre inspiration, c'est qu'une société ne doit jamais prendre les choses de l'ordre pour l'ordre des choses. C'est au nom de cette inspiration que nous célébrons enfin avec vous un événement qui aura durablement modifié la face du monde et conféré au peuple tunisien la fierté d'avoir été l'avant-garde.

Monsieur le Président, il y a des paroles qui comptent dans l'histoire, des paroles qui font l'histoire. « Nous sommes ici par la volonté du peuple et nous n'en sortirons que par la force des baïonnettes », « Dégage ! » : c'est par ces mots prononcés à plus de deux siècles d'intervalle que sont devenues possibles et inéluctables la Révolution française et la révolution tunisienne.

Oui, c'est en Tunisie que le printemps arabe est né. Les Tunisiens, en se soulevant contre la tyrannie, ont démontré l'universalité des valeurs de la démocratie et le mouvement lancé par la Tunisie a modifié en profondeur le monde arabe et la rive sud de la Méditerranée.

Au nom de tout cela, monsieur le Président, la représentation nationale vous adresse trois messages.

D'abord, l'expression de notre confiance. Depuis le 17 décembre 2010 et la flamme qui alluma la révolution, la Tunisie fait face à son destin. Sa réussite est pour nous un enjeu crucial. Nous sommes confiants dans la capacité du peuple tunisien, car nous croyons en sa maturité. Il a toute la lucidité et toutes les ressources pour faire de la table rase d'hier, non pas un champ de ruines, mais une terre où poussent le droit, le progrès social, les perspectives pour la jeunesse et le vivre ensemble.

Le deuxième message, c'est qu'islam et démocratie peuvent se conjuguer, doivent se conjuguer. La Tunisie est aujourd'hui engagée dans cette voie originale. Comme vous, monsieur le Président, et comme pour tout autre pays au monde, la France est et restera vigilante quant au respect des principes démocratiques, de la liberté d'expression et des droits des femmes.

Le troisième message, c'est la clarté quant à notre vision de la relation qui lie nos deux pays. Votre visite donne aux députés français l'occasion de vous dire tout le prix que nous attachons à l'amitié franco-tunisienne. Cette amitié, nous aurons à coeur de la renforcer dans le cadre d'un partenariat équilibré entre deux États frères, deux États souverains. Cette proximité est une formidable opportunité et nous aurons beaucoup à faire ensemble, notamment en Méditerranée et sur le continent africain. La France souhaite travailler avec la Tunisie pour enrichir ce partenariat dans tous les domaines.

Monsieur le Président, avant de vous céder la parole, permettez-moi de vous narrer très brièvement un souvenir récent. Il y a quelques années, en tant que député de Seine-Saint-Denis, je recevais dans mon bureau une jeune femme professeur de philosophie et metteur en scène. Elle me décrivit alors le choix qu'elle avait fait de n'enseigner sa discipline qu'auprès de jeunes vivant dans des quartiers populaires pour leur donner les clés de la liberté. Elle me convainquit aussi de la pertinence de son projet artistique, parce qu'il devait permettre à ces mêmes jeunes d'accéder au théâtre et, plus largement, aux choses de la culture, pour leur donner les clés de la créativité.

Monsieur le président, cette jeune femme, Myriam, vous la connaissez très bien. En plus d'être votre fille, elle est le visage de la Tunisie que vous promouvez : une Tunisie jeune, une Tunisie libre, une Tunisie qui sait parfaitement d'où elle vient pour déterminer sereinement et souverainement où elle va. Cette Tunisie, la France est à ses côtés, comme partenaire et comme amie.

Je vous cède maintenant la parole, cher Moncef Marzouki, Président de la République tunisienne. (Mmes et MM. les députés, les membres du Gouvernement et les membres de la délégation tunisienne se lèvent et applaudissent.)

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