Intervention de Yves Daniel

Séance en hémicycle du 7 juillet 2014 à 21h30
Agriculture alimentation et forêt — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Daniel :

Mon cher collègue Nicolas Dhuicq, je suis heureux que vous croyiez en nous, les paysans !

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le 8 janvier dernier, je prenais la parole en discussion générale à l’occasion de la première lecture de ce projet de loi. Nous n’avons pas chômé entre-temps, comme l’ont rappelé un certain nombre d’orateurs. Ainsi, le texte que nous examinons aujourd’hui est le fruit de nombreux débats, rencontres, et discussions, que nous avons eues entre nous pour commencer, mais également et surtout avec les acteurs du terrain et le ministère, que je tiens à remercier.

Ces échanges de qualité ont été rendus possibles grâce à la profonde cohérence de ce texte, qui met l’agro-écologie au centre de tout. S’appuyer sur la biodiversité et l’environnement pour améliorer la rentabilité de l’exploitation, voilà pour moi aussi l’enjeu fondamental de ce projet de loi.

L’agro-écologie n’est pas qu’une composante de l’agriculture, elle est l’agriculture. C’est d’une telle évidence que nous avons eu tendance à l’oublier ces dernières années. Or, pour la première fois, un projet de loi l’affirme clairement, et c’est ce qui fait sa force et sa richesse.

Il était en effet plus que temps de corriger cette opposition grossière entre performance économique et performance écologique : ces notions n’ont de sens qu’à partir du moment où elles sont en interaction. Car la terre, pour donner le meilleur d’elle-même, a besoin d’un environnement sain – il en va de même pour nous, mes chers collègues.

Vous me permettrez à ce titre d’évoquer rapidement plusieurs annonces ou décisions prises récemment qui montrent qu’on accorde sans cesse plus de crédit à cette synergie. Considérant que la santé est un droit pour tous, je suis le premier à m’en réjouir.

Présentée à la fin du mois d’avril dernier par le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, la stratégie nationale contre les perturbateurs endocriniens a par exemple pour objectif de réduire l’exposition de la population et de l’environnement à ces molécules encore méconnues mais soupçonnées d’être dangereuses pour la santé. La recherche sur ces substances sera encouragée et l’information à destination des citoyens développée. De plus, il s’agira de porter ce sujet au niveau européen, pour avoir un véritable débat. Dans ce domaine, comme dans bien d’autres, notre gouvernement fait de la prévention l’un de ses maîtres mots et je l’en félicite.

Plus proche du sujet qui nous intéresse aujourd’hui, il y a eu, au début du mois de juin, l’adoption de la loi relative à l’interdiction de mise en culture des variétés de maïs génétiquement modifié, grâce à une initiative du groupe socialiste à l’Assemblée nationale. Depuis 1998, la mise en culture du maïs génétiquement modifié MON 810 était permise en Europe, alors même que l’Autorité européenne de sécurité des aliments estime qu’il présente des risques environnementaux. Au nom du principe de précaution, le Parlement a donc décidé de se saisir de la faculté pour les États de l’UE d’interdire sur leur territoire un OGM par ailleurs autorisé par l’Union.

J’en viens à présent au projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, qui ne règle pas tous les problèmes. Des différences d’appréciation persistent. Le nombre d’amendements est là pour en témoigner. Ceux que j’ai déposés, comme bien d’autres, ne manqueront pas de susciter le débat, que ce soit sur les périmètres d’intervention pour la protection et la mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains, le « micro-pastillage » avec les aménagements des maisons d’habitations des agriculteurs en zone A des plans locaux d’urbanisme, le stockage des terres par les SAFER, les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, ou encore les modalités d’acquisition de terrains destinés à la construction, aux aménagements industriels ou à l’extraction de substances minérales. Je n’entrerai pas dans le détail de mes propositions ici, car l’occasion m’en sera donnée plus tard.

Je voudrais pour conclure mon intervention citer La Rochefoucauld : « Un peu de bon sens en politique, est plus utile que beaucoup de finesse ». Il me semble que nous ne devons pas perdre de vue ce bon sens sur deux points.

Premièrement, en première lecture de ce texte, puis plus récemment lors de l’examen en seconde lecture du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire, j’ai soulevé la difficulté pour les CUMA, les coopératives d’utilisation de matériel agricole, d’obtenir des permis de construire pour des bâtiments d’entretien et de maintenance du matériel. Ces dernières favorisent pourtant une moindre consommation de l’espace agricole, et leur raison d’être est la mise en commun de tous les moyens propres à faciliter ou à développer leur activité et à améliorer la performance économique et écologique des exploitations. Je suis heureux de voir que le Gouvernement s’est engagé à traiter cette question dans un décret d’application de la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové dite loi ALUR. Je suivrai avec un intérêt tout particulier les engagements pris en séance.

Deuxièmement, pour notre autonomie en protéines, on ne peut déshydrater que des produits agricoles, mais cette activité est pour le moment considérée comme strictement industrielle. De fait, les installations nécessaires à sa réalisation ne peuvent être construites en zone agricole, alors que c’est le lieu d’où provient la matière première et où la production est consommée. Quand on connaît les enjeux actuels liés à l’économie circulaire et au développement des circuits courts, il me semble qu’il y a là une réflexion à poursuivre.

Ces deux questions ne sont que quelques exemples des idées semées pendant tout le temps d’élaboration de ce projet de loi. Nombreuses et foisonnantes, toutes n’ont pu être reprises. Cela ne veut pas dire qu’elles ne germeront pas un peu plus tard. Je ne vous apprendrai pas, mes chers collègues, que pour faire une bonne récolte, plusieurs saisons et plusieurs moissons sont souvent nécessaires.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, les quelques paysans présents sur ces bancs peuvent vous rassurer : la récolte sera bonne demain, car la loi sera votée avec un nombre important de voix. L’agriculture participera ainsi au redressement de la France par son économie sociale et écologique, pilier de ce beau projet d’agro-écologie.

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