Intervention de Jean-Louis Roumegas

Séance en hémicycle du 30 juin 2014 à 16h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative pour 2014 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Roumegas :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, au terme de longues discussions au sein de nos commissions respectives, le groupe écologiste constate que le collectif budgétaire 2014 s’inscrit dans le cadre d’une politique budgétaire reposant invariablement sur deux axes : la réduction des déficits et les allégements inconditionnels de charges accordés aux entreprises.

Nous avons bien entendu le Gouvernement réaffirmer la cohérence et la continuité de son action. Il n’en demeure pas moins que nous constatons une accélération sans précédent des mesures indiquées.

Certes, une inflexion est apportée par l’allégement de l’impôt sur le revenu des ménages, en particulier pour les revenus modestes.

Mais le gel des prestations sociales et le soutien à des emplois faiblement rémunérés induit des risques, ce qui rend nécessaire une véritable évaluation de l’impact de ces mesures.

La crise chronique que nous percevons à tous les échelons de la société nous impose une relecture sans concession de l’ensemble des méthodes qui ont échoué, de celles qui repoussent toujours plus loin la mise en perspective d’un nouveau modèle de développement, engageant la création d’emplois, la solidarité et la protection de notre environnement.

Le pacte de responsabilité s’appuie sur un constat sans équivoque : nous nous trouvons face à un héritage lourd, forgé par des exonérations et des cadeaux fiscaux répétés à l’envi pour obtenir le soutien du monde économique. Cela s’est accompagné d’une fuite en avant des déficits publics. Les chiffres parlent pour nous : la droite nous a laissé une facture aggravée de 600 milliards.

Deux rendez-vous électoraux majeurs ont fait entendre la voix de tous ceux qui se sentent abandonnés, relégués, incompris.

L’aide inconditionnelle aux entreprises, et le gel des prestations sociales qui l’accompagne, induisent le risque d’un accroissement de la précarité et des inégalités, et cela sans garantie d’efficacité en terme de création d’emplois.

Aussi le groupe écologiste exprime-t-il son incompréhension devant la persistance d’une politique fondée sur un système qui a montré toutes ses limites. On peut se demander pourquoi la gauche, en responsabilité, réussirait, là où la droite elle-même a échoué.

Ce qui est à l’ordre du jour, et en débat, c’est la baisse constante du coût du travail, credo récurrent des représentants du monde économique – comme on a pu le voir, encore ces jours-ci, dans la presse – présentée comme le socle unique de relance de notre compétitivité, au risque de fracasser l’ensemble de notre architecture de protection sociale. Les exonérations de cotisations patronales existent depuis des décennies : a-t-on bien évalué leur résultat en termes de création d’emplois ?

En revanche, ce que l’on sait de manière certaine, c’est que la distribution des dividendes des entreprises du CAC 40 ne cesse d’augmenter, pour atteindre plus de 6 % en 2013, soit 39 milliards d’euros.

Nous avons entendu, à ce sujet, les alertes de madame la rapporteure générale de la commission des finances. Les baisses de charges et d’impôts du pacte de responsabilité devraient produire 190 000 emplois à la fin 2017, mais, simultanément, la réduction des dépenses publiques destinées à couvrir ces baisses de charges en supprimerait bien davantage. Le solde serait donc négatif.

Pour nous, la réponse est claire : il ne peut y avoir de relance en matière de création d’emplois sans la garantie que l’effort soit justement réparti. Aussi les amendements écologistes proposeront-ils des contreparties aux exonérations de cotisations patronales, tenant compte de la taille des entreprises, de la qualité des contrats de travail, de la bonne volonté des entreprises à qualifier leurs salariés et de leur capacité à investir. En effet, il n’y a aucune commune mesure entre une PME localement bien implantée, participant à l’effort collectif, et une entreprise multinationale rompue à l’exercice des filiales en cascade et à l’optimisation fiscale.

Nos propositions visent d’abord à instituer des garanties qui, loin de pénaliser qui que ce soit, posent les termes d’un pacte social où la négociation dépasse les caricatures et tend vers un consensus sincère de mobilisation vers l’emploi.

Ainsi, le dispositif « zéro charge », qui prend la forme d’une accentuation de la réduction dégressive de cotisations de Sécurité sociale, vise-t-il à aider les entreprises à développer leur compétitivité. Mais il doit servir à financer des investissements dans la recherche, l’innovation, la formation et le développement à l’export, et non à l’augmentation des dividendes ou de la rémunération des dirigeants.

Dans le même esprit, on doit s’assurer que les marges de manoeuvre retrouvées grâce à la suppression de la C3S ne vont pas nourrir des dividendes, mais servir réellement l’investissement et l’emploi.

Nous proposerons des amendements pour soutenir une remontée d’information claire et transparente sur le montant des dividendes distribués par rapport au chiffre d’affaires, aux rémunérations et aux investissements de l’entreprise, ainsi que sur leurs évolutions et leurs écarts.

Il importe donc de s’assurer que les marges de manoeuvre ainsi retrouvées ne vont pas nourrir les rémunérations les plus élevées. En effet, les écarts entre les plus hauts et les plus bas revenus dans les grandes entreprises sont souvent pointés du doigt.

En dernier lieu, il s’agit d’optimiser la dépense publique et les aides aux entreprises en luttant contre les pertes fiscales liées à l’optimisation fiscale agressive.

Un autre sujet nous tient à coeur : celui de la sanctuarisation du financement de la branche « accidents du travail et maladies professionnelles ». Ce n’est pas qu’un symbole : cette contribution concerne la réparation des salariés exposés à des risques, à des accidents ou à des substances toxiques. Son maintien serait un signe fort pour soutenir une politique de prévention à laquelle les entreprises doivent participer.

Les délocalisations et les transferts de nos savoir-faire à l’étranger nous ont souvent laissé des friches industrielles polluées, et ont aussi gravement lésé des hommes et des femmes dans leur santé. Nous ne pouvons exonérer le monde de l’entreprise de ses responsabilités en ce domaine.

Plus globalement, nous défendrons une modification de la CSG : il convient en effet de rendre cette contribution progressive. Un de nos amendements vise à appliquer un barème progressif à l’ensemble des revenus assujettis à la CSG sans distinction, à l’exception des petites pensions, qui continueront à bénéficier d’un taux réduit. Cette progressivité serait instaurée essentiellement par l’abaissement des taux acquittés par les contribuables à revenus moyens ou faibles. Elle permettrait de faire bénéficier ces ménages de 4 milliards d’euros de pouvoir d’achat sur la seule année 2015.

Alors que nous entamons le débat, je tiens à saluer l’écoute de notre rapporteur, Gérard Bapt, qui a accueilli nos propositions en faisant preuve d’un esprit positif, et qui a partagé – puisque son amendement allait dans le même sens – notre volonté de supprimer le gel de l’allocation de logement familial. C’est un signe positif.

En conclusion, je voudrais rappeler les engagements que nous avons pris en 2012, en citant le Président de la République : « Je favoriserai la production et l’emploi en France, en orientant les financements, les aides publiques et les allégements fiscaux vers les entreprises qui investiront sur notre territoire, qui y localiseront leurs activités et qui seront offensives à l’exportation. À cet effet, je modulerai la fiscalité locale des entreprises en fonction des investissements réalisés. »

Permettez-moi de citer un autre de ses engagements : « Je maintiendrai toutes les ressources affectées à la politique familiale. »

C’est autour de ce pacte que le Gouvernement doit s’efforcer de maintenir sa majorité rassemblée et répondre ainsi aux attentes des Français.

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