Intervention de Sébastien Denaja

Séance en hémicycle du 26 juin 2014 à 15h00
Égalité entre les femmes et les hommes — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Denaja, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, si nombreux ce soir, je suis heureux de m’exprimer à cette tribune, alors que nous engageons ensemble la deuxième lecture du projet de loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. C’est un moment important, parce que la loi Vallaud-Belkacem constituera une avancée significative sur le chemin de l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. Elle marquera de son empreinte, au-delà de cette législature, l’histoire des droits des femmes et du combat pour l’égalité. Cette égalité réelle, nous ne la devons pas à nos concitoyens d’un côté et à nos concitoyennes de l’autre, mais à la société française considérée dans son unité, parce que c’est bien pour la société tout entière que nous travaillons ce soir.

Trop de plafonds de verre méritent encore d’être brisés. Trop de chaînes doivent être rompues, et d’abord celles qui nous relient encore, à l’aube du XXIe siècle, à un modèle qu’il faut bien qualifier de « patriarcal » et qui reste fondé, dans bien des domaines, sur le principe de la domination ; un modèle solidement ancré dans les têtes et archaïquement préservé, pour ne pas dire encouragé, par notre arsenal juridique. Trop de femmes sont encore quotidiennement harcelées, humiliées ou violentées. Trop de femmes sont encore précarisées parce qu’elles assument seules les responsabilités familiales. Trop de femmes sont encore injustement sous-payées, honteusement cantonnées à des tâches subalternes, abusivement empêchées d’accéder aux sphères dirigeantes politiques, administratives, économiques et sociales. De même, trop d’hommes se voient encore empêchés d’assumer pleinement leur paternité ou d’assumer une plus grande part des responsabilités familiales, parce qu’ils restent victimes eux aussi – mais dans des proportions moindres – ou prisonniers de stéréotypes et de préjugés d’un autre âge.

C’est à ces plafonds de verre, à ces chaînes, à ces carcans, à ces stéréotypes et disons-le à ce système que ce projet de loi entend s’attaquer. En cela, il s’agit tout autant d’un texte pour l’égalité que d’un texte pour la liberté, pour la libération des femmes et des hommes enfermés dans des cadres anciens que la société française aspire aujourd’hui à dépasser. Ce texte a été très substantiellement enrichi au cours de la navette parlementaire, sans que ses priorités soient remises en cause, bien au contraire : l’égalité professionnelle, la lutte contre la précarité, la protection des femmes contre les violences et les atteintes à leur dignité et enfin la promotion de l’égal accès des femmes et des hommes aux fonctions et aux mandats électifs, ainsi qu’aux responsabilités sociales et professionnelles.

Quarante-huit articles restent aujourd’hui en discussion, puisque le Sénat en a adopté quarante conformes et qu’il a approuvé la suppression de seize articles par notre assemblée.

Le Sénat a surtout confirmé des apports importants de l’Assemblée nationale. Je pense en particulier aux dispositions concernant l’IVG, démontrant par là une convergence certaine entre les deux assemblées sur de nombreux sujets, parfois sensibles pourtant. À son tour, la commission des lois a approuvé un grand nombre de modifications opérées par le Sénat en deuxième lecture, lesquelles améliorent le texte. Je pense ici à l’ajout opéré à l’article 12 bis B, à l’initiative du Gouvernement, visant à inscrire l’interdiction du harcèlement moral ou sexuel dans le code de la défense. Bien évidemment, le harcèlement moral ou sexuel était déjà pénalement sanctionnable lorsqu’il était commis dans les armées, mais sa prohibition n’était pas inscrite formellement dans le code de la défense comme elle l’est dans le code du travail et dans la loi de 1983 sur les droits des fonctionnaires. Désormais, il sera prévu très clairement dans la loi que ces comportements ne sont pas tolérables dans nos armées et qu’ils constituent des fautes disciplinaires. Les victimes de ces faits bénéficieront également de la protection fonctionnelle de l’État, qui comprend une assistance juridique en cours de procédure et la prise en charge des frais de justice et des honoraires d’avocats. Il s’agit d’une avancée très importante qui souligne à nouveau, après la loi du 6 août 2012 sur le harcèlement sexuel, la détermination du Gouvernement, de la majorité et même au-delà, à combattre toutes les formes de harcèlement.

Sur certains points, la commission a cependant estimé nécessaire soit de rétablir la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture, soit de rétablir l’article supprimé ou modifié, mais dans une rédaction alternative tenant compte des critiques exprimées par le Sénat. La commission des lois a notamment rétabli dans la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale en première lecture les dispositions qui visent à permettre au futur père salarié d’assister aux trois examens médicaux prénataux de sa compagne. Cela est important si l’on souhaite que les pères s’investissent le plus tôt possible dans la vie de leur enfant. La commission a aussi rétabli l’article qui tend à remplacer l’utilisation de l’expression obsolète et sexiste « en bon père de famille » dans différents codes par l’adverbe « raisonnablement ». Il était temps ! Elle a rétabli l’article 6 bis A qui prévoit explicitement de permettre le versement de la pension alimentaire par virement bancaire, ce qui sera utile aux victimes de violences, conjugales notamment. Elle a rétabli également l’article 17, relatif au signalement de contenus illicites sur internet. La commission a cependant limité l’extension du champ d’application des obligations des opérateurs à l’incitation à la haine en raison du sexe, de l’orientation sexuelle ou du handicap, en supprimant à nouveau l’extension à la diffusion d’images de violences adoptée par le Sénat.

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