Intervention de Najat Vallaud-Belkacem

Séance en hémicycle du 26 juin 2014 à 15h00
Égalité entre les femmes et les hommes — Présentation

Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports :

Cette réforme du congé parental est un progrès pour l’emploi des femmes. L’emploi des femmes, les conclusions du Conseil de l’Union européenne de juin dernier nous l’ont encore rappelé, est une urgence. Pour parvenir à augmenter le taux d’emploi des femmes, nous mettrons en place à la rentrée, pour celles qui, après avoir arrêté de travailler pour s’occuper de leurs enfants, n’ont pas de perspective immédiate de retour à l’emploi, un dispositif d’orientation et d’accompagnement renforcé. Pôle emploi et la CNAF ont mis au point avec moi une nouvelle offre de formation et d’accompagnement vers l’emploi, qui sera généralisée sur tout le territoire d’ici à dix-huit mois et pourra concerner jusqu’à 10 000 femmes par an. Elle permettra aux femmes de s’engager dans la préparation de leur retour à l’emploi un an avant la fin de leurs droits au congé parental, en bénéficiant d’un bilan de compétence et surtout de formations sur mesure.

Le défi de l’égalité professionnelle se joue bien entendu aussi dans les entreprises, au travers de la négociation sur l’égalité professionnelle et salariale, que, grâce à ce texte, vous rendrez plus efficace. Une négociation qui sera mieux préparée grâce à des améliorations à l’échelle de l’entreprise, avec un rapport de situation comparée réformé, ou à l’échelle des branches, lors des négociations sur les classifications professionnelles. Sur ce sujet, j’approuve les amendements de clarification proposés par votre rapporteur.

Le texte que nous avons construit ensemble est porté par un vrai changement sur le terrain. J’y insiste : nous ne sommes pas seulement dans le discours, la théorie ou le simple fait de légiférer, mais dans un changement de pratiques que nous constatons déjà, qui se fait jour peu à peu, depuis qu’à l’automne 2012, par exemple, nous avons mis en place les neuf territoires d’excellence, neuf régions dans lesquelles nous avons particulièrement travaillé sur ce sujet de l’égalité professionnelle. La dynamique porte ses fruits.

Les premiers retours que j’ai montrent que les actions conduites dans ces régions ont touché près de 170 000 bénéficiaires et concerné près de 7 400 entreprises. Ces actions de promotion de l’égalité professionnelle et d’accompagnement ont favorisé dans les entreprises la rédaction d’accords, qui nous ont été transmis comme nous l’avions demandé. Nous en avons déjà enregistré 5 300 et le rythme de progression est constant. Un changement s’opère aussi dans le contrôle des entreprises, puisque désormais, et contrairement au passé, lorsque l’on ne respecte pas la loi en matière d’égalité professionnelle, on est sanctionné : plus de 700 entreprises ont été mises en demeure et vingt ont été sanctionnées. La stratégie de contrôle monte en puissance et surtout gagne en efficacité : 91 % des mises en demeure sont suivies d’effets – je rappelle que les entreprises ont six mois, après une mise en demeure, pour se mettre en conformité avec la loi.

Si, parmi vos amendements, certains tendent à supprimer la mesure d’interdiction d’accès aux marchés publics pour les entreprises qui méconnaissent les lois sur l’égalité professionnelle, d’autres visent à l’inverse à renforcer les sanctions pour les entreprises qui ne respectent pas les prescriptions en matière d’égalité. J’estime pour ma part que le texte issu de la Haute assemblée a atteint un équilibre satisfaisant et qu’en combinant le dispositif de contrôle actuel, renforcé par la mesure d’interdiction d’accès à la commande publique, et les mécanismes d’accompagnement expérimentés dans les neuf territoires d’excellence, nous pourrons vraiment avancer dans le domaine de l’égalité professionnelle et salariale.

Au-delà de l’égalité professionnelle, il y a, pour les plus fragiles, je pense en particulier aux familles monoparentales, la lutte contre la précarité. Ce combat pour les familles monoparentales, qui sont surtout composées par des mères isolées et leurs enfants, nous avons décidé de le mener partout et, en particulier, dans les territoires qui sont souvent ceux de la politique de la ville, où les familles monoparentales vivent deux fois plus souvent sous le seuil de pauvreté que celles qui vivent ailleurs. Nous mènerons ce combat grâce notamment à la création d’une garantie contre les impayés de pensions alimentaires. Une vingtaine de caisses d’allocations familiales et de caisses de MSA sont déjà mobilisées pour proposer dès la rentrée ce dispositif novateur et très attendu. Je me réjouis à cet égard que votre commission ait décidé de rétablir la faculté qu’elle avait prévue en première lecture d’un versement des pensions alimentaires par virement bancaire. Aujourd’hui même, avec le soutien de ma collègue Christiane Taubira, un décret a été publié au Journal officiel pour dispenser les victimes d’impayés de pensions alimentaires du versement d’une provision aux huissiers. C’est une mesure très concrète qui bénéficiera à beaucoup de ces mamans solos dont on sait le quotidien si difficile.

J’en viens au troisième axe de ce projet de loi-cadre : la lutte contre les violences faites aux femmes. Tout ce volet de la loi met en oeuvre la convention du Conseil de l’Europe, dite convention d’Istanbul, que la France a ratifiée et qui entrera en vigueur au 1er octobre. Il est évidemment aussi articulé avec le quatrième plan de lutte contre les violences faites aux femmes. Nous changeons d’échelle dans cette lutte : le 39 19, que vous connaissez tous, est désormais disponible pour toutes les femmes victimes de violences, accessible sept jours sur sept et gratuit depuis les portables comme depuis les téléphones fixes. Depuis le début de l’année, ce numéro a reçu 3 000 appels supplémentaires chaque mois. Lorsque nous donnons aux femmes les moyens pour sortir du silence, elles s’en saisissent. Avec la garde des sceaux, nous engagerons, dès que la loi aura été votée, le déploiement des téléphones portables grand danger et le marché national sera notifié dans les prochains jours. Nous lancerons également à la rentrée scolaire les stages de responsabilisation que vous avez adoptés.

Avec la ministre des affaires sociales et de la santé, nous achevons le processus de prise en compte de la question des violences faites aux femmes dans la formation des professionnels de santé et des travailleurs sociaux. Avec mon collègue Jean-Yves Le Drian, nous construisons sur ce même sujet un plan de formation pour les personnels de l’armée, comme il l’a annoncé en avril dernier. Le texte que nous examinons ce soir en deuxième lecture a connu des enrichissements importants, dans la lutte contre le harcèlement sexuel et dans la prise en compte de la nécessaire protection des enfants menacés par les violences au sein du couple. Quelques ajustements me semblent encore nécessaires, pour que la protection des victimes de harcèlement sexuel à l’université soit renforcée comme vous nous y aviez invités lors de nos débats en janvier dernier.

Certains de vos amendements révèlent une attention forte portée à la protection des femmes étrangères victimes de violences. La navette a permis, et je m’en félicite, d’apporter une réponse à beaucoup de situations ambiguës rencontrées par ces femmes. Ce volet du texte donne lieu à de nombreux amendements : certains veulent lier l’administration plus qu’il n’est nécessaire, tandis que d’autres anticipent l’examen à venir d’un projet de loi sur l’immigration. Je ne pourrai donc pas les soutenir. Si nous voulons lutter efficacement contre les violences, il faut, vous le savez, élever notre niveau d’intolérance aux images dégradantes des femmes, aux stéréotypes sexistes et diffuser une vraie culture de l’égalité. Cela vaut à l’école, où nous voulons avec Benoît Hamon inscrire la transmission d’une culture de l’égalité dans la durée. Nous ne céderons rien sur l’enseignement de l’égalité filles-garçons à l’école. Je ne suis pas prête non plus à céder sur la définition d’une règle sur internet pour permettre aux internautes de signaler aux hébergeurs les propos homophobes, handiphobes ou sexistes et rendre obligatoire leur suppression.

Enfin, le dernier volet du texte concernant la parité est un volet important. Soixante-dix ans après le droit de vote et d’éligibilité des femmes, il est temps d’accélérer le rythme des progrès. Cela vaut en France, mais cela vaut aussi en Europe et, avec d’autres ministres européens, nous l’avons demandé à tous les candidats aux instances européennes. Je note d’ailleurs que certains députés européens nouvellement élus ont répondu à cet appel. J’assume ce parti pris paritaire, ambitieux et réaliste, car la parité ce n’est pas un coup : je veux l’inscrire dans la durée, parce que c’est une question de justice et que c’est un vecteur de renouvellement des décideurs et de changement des comportements. Pourtant, j’ai relevé plusieurs amendements de nature à poser une difficulté. Je veux aller le plus loin possible, mais avec le souci de la sécurité juridique et de l’opérationnalité. C’est le sens des positions que j’adopterai sur les propositions qui ont été faites concernant les pénalités en cas de non respect de la parité dans les candidatures aux élections législatives et locales et la féminisation dans les conseils d’administration des entreprises.

Je crois, mesdames et messieurs les députés, dans la force de ce texte, parce qu’il est porté par la dynamique que nous avons enclenchée il y a deux ans et qu’il est d’abord conçu pour être applicable et appliqué. C’est ce qui en fait la nouveauté et cela nous permettra avec votre soutien et votre vote de changer véritablement la donne et de parvenir à l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.

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