Intervention de Eva Sas

Séance en hémicycle du 23 juin 2014 à 16h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2014 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEva Sas :

Madame la présidente, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, chers collègues, nous abordons à cette heure l’examen du premier texte budgétaire depuis les élections municipales et européennes. Vous comprendrez donc qu’il ne s’agit pas d’un simple projet de loi de finances rectificative, mais aussi de la réponse que nous devons apporter au message que nous ont adressé les Français. Or nous constatons que ce collectif maintient les deux axes sur lesquelles repose invariablement la politique budgétaire depuis le début de la législature : la réduction des déficits et les allégements inconditionnels accordés sans contrepartie aux entreprises.

Nous notons bien qu’une inflexion a eu lieu, et elle va dans le bon sens, avec les mesures en faveur des ménages aux revenus modestes, notamment les allégements d’impôt sur le revenu jusqu’à 1,1 fois le SMIC, les allégements de cotisations sociales salariales pour les salariés jusqu’à 1,3 fois le SMIC et les mesures en faveur des artisans. Mais ce n’est pas d’une inflexion dont nous avons besoin, mais d’une véritable réorientation. De plus en plus de voix se font entendre au sein de la majorité pour estimer qu’un rééquilibrage est nécessaire, un rééquilibrage entre économies et investissements et un rééquilibrage entre ménages et entreprises.

En effet, si l’on prend l’ensemble des mesures fiscales, le déséquilibre reste flagrant, puisque les ménages recevront 2 milliards d’euros en 2015, alors que les entreprises percevront, elles, 23 milliards ! C’est une question de justice, mais c’est aussi une question d’efficacité. Dans ce débat qui s’engage, les écologistes veulent être force de propositions, car leur objectif est, d’abord, de contribuer à une plus grande efficacité de nos politiques publiques, notamment dans les domaines de l’emploi et de l’environnement.

C’est pourquoi nous vous ferons des propositions d’amendements autour de trois axes : la conditionnalité des aides aux entreprises et en particulier du crédit d’impôt compétitivité emploi et du crédit d’impôt recherche ; l’aide directe à l’emploi avec les emplois d’avenir et les contrats d’apprentissage et le soutien à la transition écologique pour faire émerger un nouveau modèle de développement porteur d’emplois et protecteur de l’environnement, ce qui suppose, en premier lieu, de maintenir le budget de l’écologie.

En effet, si l’emploi est notre priorité partagée, nous pouvons diverger sur les solutions à adopter. Comme le Haut Conseil des finances publiques le soulignait déjà le 22 avril dernier, il existe, je cite, « un risque que les effets positifs sur l’emploi et les salaires de la politique d’offre n’atténuent pas les effets négatifs sur l’activité de la consolidation budgétaire », d’où l’importance d’une politique d’aides aux entreprises mieux ciblée, d’un soutien direct à l’emploi comme la relance des emplois d’avenir et de l’apprentissage que proposent certains de nos collègues, que nous soutiendrons, et de mesures en faveur du revenu des ménages dont une part croissante se retrouve aujourd’hui dans la plus grande difficulté.

Notre priorité, c’est aussi, vous le savez bien entendu, l’environnement. Et je ne peux passer ici sous silence deux mesures que portera ce projet de loi de finances rectificative qui sont lourdes de sens pour nous, écologistes. La baisse de 288 millions d’euros du budget de l’écologie, dont 220 sont transférés au budget de la défense, et la taxe poids lourds, devenue péage de transit dont le réseau taxable est réduit de plus de deux tiers et le rendement de moitié.

Nous avons appris que cette révision serait introduite par amendement dans le projet de loi de finances rectificative. Les écologistes ne peuvent pas comprendre que l’on abandonne ici les objectifs environnementaux et financiers de cette taxe poids lourds. Est-il devenu secondaire de diminuer le trafic des poids lourds sur nos routes ? Comment allons-nous financer demain nos transports collectifs, puisque le manque à gagner qui résulte de cette décision dépasse les 500 millions d’euros ? Est-ce que ce seront les ménages qui paieront, demain, à la place des poids lourds ?

Pourquoi ne pas vous être appuyés sur l’excellent travail de la mission parlementaire de Jean-Paul Chanteguet, qui avait proposé des aménagements tels que l’exonération des premiers kilomètres, aménagements qui auraient permis de conserver l’ambition de cette fiscalité environnementale tout en prenant en compte les intérêts de tous ? Vous comprendrez, monsieur le ministre, que ces deux éléments nous font douter de l’ambition du Gouvernement en matière d’écologie. Nos familles, nos enfants ont besoin d’un environnement sain et d’une planète vivable pour grandir en toute sérénité. Nous ne pouvons plus continuer à favoriser le développement d’un modèle économique polluant et consommateur de ressources.

Les écologistes ne peuvent renoncer à cette conviction et espèrent encore vous la faire partager. Depuis plusieurs jours maintenant, la question nous est posée sans cesse de savoir si nous voterons ce projet de loi de finances rectificative et si nous nous inscrivons, de ce fait, dans la majorité. J’ai envie aujourd’hui, monsieur le ministre, de vous retourner la question. Souhaitez vous travailler avec les écologistes et d’autres députés sur les amendements que nous proposons ? Souhaitez-vous maintenir l’ambition de la France en matière d’écologie, notamment en maintenant le budget que vous lui consacrez ? Souhaitez-vous, en définitive vraiment, que les écologistes fassent partie de la majorité ?

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