Intervention de Jean-Marie le Guen

Séance en hémicycle du 12 juin 2014 à 9h30
Lutte contre l'apologie du terrorisme sur internet — Présentation

Jean-Marie le Guen, secrétaire d’état chargé des relations avec le Parlement :

Dans sa proposition de loi, Guillaume Larrivé recommande la création d’un délit pénal en cas de consultation habituelle de sites aux contenus terroristes. Cette préoccupation est louable. Cependant, on sait que le Conseil d’État, depuis l’examen de la loi antiterroriste de décembre 2012, estime que cette incrimination constituerait une violation disproportionnée de la liberté d’opinion et de communication garantie par la Constitution. Marie-Françoise Bechtel, qui avait été la rapporteure de la loi de 2012, le sait mieux que quiconque.

Plus encore, comment définir la « consultation habituelle » ? En l’absence de définition claire, comment garantir le principe de légalité des délits et des peines ? Il y a là une question que le juge pénal ne pourra pas résoudre et qui mènerait certainement le Conseil constitutionnel à censurer trois des quatre articles de la proposition de loi qui vous est soumise ce matin.

De plus, si ces dispositions étaient adoptées, les pouvoirs publics seraient confrontés à un risque très sérieux : au-delà d’une censure a priori par le Conseil constitutionnel, ce nouveau délit pourrait être invalidé à l’issue de l’examen d’une question prioritaire de constitutionnalité. Ce serait là le pire scénario pour la sécurité de notre pays et la stabilité de notre action publique.

Sur une question aussi essentielle et aussi complexe, la loi doit être juridiquement incontestable. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement vous demande de ne pas adopter les articles 2, 3 et 4 de la présente proposition de loi.

Le texte qui vous est soumis prévoit également, dans son article 1er, de réserver aux sites faisant l’apologie du terrorisme un régime identique à ceux qui se livrent à l’apologie des crimes contre l’humanité, qui incitent à la haine raciale ou qui diffusent des contenus pédopornographiques. En d’autres termes, il s’agirait de permettre aux utilisateurs de signaler ces sites aux fournisseurs d’accès, à charge pour ces derniers de transmettre ce signalement aux autorités publiques. Le Gouvernement est, sur le fond, favorable à cette disposition.

En revanche, le même article 1er vise à interdire l’accès aux sites faisant l’apologie du terrorisme. Or, si la question du signalement peut paraître simple, celle du blocage des sites internet est plus complexe.

Les instances européennes nous ont encouragés à recourir au blocage pour ce qui relève des sites pédopornographiques. Mais nous rencontrons des difficultés de mise en oeuvre effective : les fournisseurs d’accès doivent en effet recevoir une compensation financière en contrepartie des charges nouvelles dues au blocage de ces sites.

Ces difficultés ne doivent pas nous empêcher de réfléchir à la mise en oeuvre de dispositifs efficaces. Cependant, une telle réflexion nécessite un travail plus global sur la prévention et la répression du terrorisme. Comment réfléchir sereinement au traitement des sites se livrant à l’apologie du terrorisme sans nous interroger sur les autres manières de prévenir la radicalisation et de sanctionner ceux qui tentent d’endoctriner des Français pour les pousser au terrorisme ?

Il me semble que, sur une question d’une telle importance et d’une telle complexité technique, nous devons disposer d’un temps suffisant pour forger des solutions consensuelles et pratiques. Il nous reste encore à déterminer si le blocage des sites faisant l’apologie du terrorisme est le meilleur vecteur pour arriver au résultat que nous voulons tous atteindre : éviter que le visionnage de vidéos de propagande ne conduise certains de nos concitoyens à sombrer dans la radicalisation et dans la violence. Fort de cette conviction, le Gouvernement vous propose de rejeter l’article 1er du texte en discussion.

1 commentaire :

Le 13/06/2014 à 09:27, laïc a dit :

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D'abord il serait plus simple d'interdire tout bonnement le site incriminé, si c'est possible, si non, on peut faire pression sur le fournisseur d'accès qui l'accueille pour le censurer. Et je ne vois vraiment pas pourquoi on devrait donner à celui-ci une compensation financière s'il ne respecte pas la loi. Pourquoi s'attaquer au consommateur quand c'est le fournisseur le coupable ?

Par ailleurs, pour ce qui est de la liberté d'expression, il ne faut pas non plus se moquer du monde. La liberté d'expression s'arrête quand les droits de l'homme sont remis en cause par celle-ci. L'apologie du mal et du crime ne peut pas être reconnue comme étant de la liberté d'expression. Les sites nazis doivent être interdits, les sites djihadistes également.

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