Intervention de Alain Tourret

Séance en hémicycle du 5 juin 2014 à 15h00
Prévention de la récidive et individualisation des peines — Article 7

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Tourret :

Pour avoir bien su dans une vie antérieure comment s’appliquait la loi, je voudrais rappeler comment cela se passait.

Jusqu’à un an ferme, on pouvait aménager la condamnation. Puis est arrivée l’ineffable Mme Dati, qui, dans la loi de 2009, a fait passer ce seuil d’un à deux ans. Voilà la réalité. Je me présente ici comme le défenseur de la politique de Mme Dati en la matière, et je suis très surpris que mes collègues de droite ne la soutiennent pas.

Lorsque l’on a demandé à Mme Dati, qui n’était pas du tout une laxiste, pourquoi elle avait fait cela, elle a expliqué que ce n’était pas pour vider les prisons. C’était parce qu’elle considérait que, comme l’a très bien rappelé Sergio Coronado, il ne pouvait pas y avoir de véritable projet pour les courtes peines, et qu’il était indispensable, pour qu’un projet à l’intérieur de la prison puisse vraiment permettre à la personne incarcérée de sortir en ayant un avenir, qu’il y ait une durée minimale.

Il faut donc absolument supprimer l’article 7 qui, paradoxalement, ramène le seuil de deux ans à un an alors que l’on prononce énormément de peines entre un an et deux ans.

Je voudrais vous donner l’exemple de quelqu’un que j’ai connu, qui avait été condamné à cinq ans, dont un an ferme, pour crime sexuel. Il avait vingt-deux ans et avait monté une petite entreprise de peinture. Au lieu de purger sa peine en prison, il a été condamné à porter un bracelet électronique. Pendant la journée, il travaillait dans l’entreprise, où il avait embauché deux jeunes apprentis, et, le soir, il rentrait chez lui. C’est du vécu.

J’ai voulu savoir si, oui ou non, il se sentait condamné. Oui, il se sentait condamné, il effectuait une véritable peine. Il allait travailler pendant la journée, ce qui était une véritable réinsertion, et le soir, à partir de dix-sept heures, il avait l’obligation d’être chez lui. C’est un véritable projet qui a pu être mené, et cette personne, qui avait commis un crime affreux, a pu s’en sortir et se réinsérer vraiment.

N’était-il pas possible de faire de même pour un condamné à deux ans de prison ferme ? C’est la seule question qui se pose. Pouvait-on passer d’un à deux ans ? C’est ce qu’a estimé Mme Dati et c’est ce que j’estime aussi parce qu’il faut une durée minimale, il est impossible de monter une telle affaire sur deux, trois, quatre ou six mois. Avec mon expérience et avec toute la bonne foi qui peut être la mienne, je crois qu’il faut laisser le seuil à deux ans.

Je sais bien que M. le rapporteur va nous proposer un système un peu différent, mais on voit bien que ce que l’on veut démontrer, avec cet article 7, c’est que la majorité est moins laxiste que l’opposition, en abaissant le seuil de deux ans à un an. Il s’agit de pouvoir dire : « Les laxistes, c’est vous. Plus laxiste que vous, je meurs. ». Moi, je veux au contraire qu’il puisse y avoir une durée minimale afin qu’un aménagement puisse être décidé, qui puisse être considéré comme une peine, tout en assurant aussi l’indemnisation de la victime. Être obligé de rentrer chez soi tous les soirs à dix-sept heures, quand vous avez vingt-deux ans et que vous n’avez pas de week-end, croyez-moi, c’est une sanction.

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