Intervention de Carlos Tavares

Réunion du 21 mai 2014 à 9h30
Commission des affaires économiques

Carlos Tavares, président du directoire de PSA Peugeot Citroën :

Pour ce qui est du nombre de modèles, il faut partir d'une vision simple. Si PSA a rencontré les problèmes que l'on sait, c'est que « la machine » que constitue l'entreprise n'était pas assez rentable. Si le groupe a perdu beaucoup d'argent, c'est que son rendement, en tant qu'organisation, n'a pas été optimal. En un mot, l'entreprise n'a pas pu « performer » collectivement – ce qui ne signifie pas un quelconque problème de qualité individuelle. Où se situent ces pertes de rendement par rapport à nos concurrents ? Disposer de 45 modèles ne nous a pas évité de graves problèmes financiers. Le nombre de modèles n'est pas en soi un critère pertinent pour mesurer de la puissance d'une entreprise automobile. Pourquoi faudrait-il 45 modèles pour couvrir un marché qui ne comporte en moyenne que vingt segments ? Vingt véhicules compétitifs, bien conçus et bien construits, devraient y suffire. Concevoir un véhicule pour une région du monde et un autre pour une autre région du monde nous a fait perdre du rendement, alors qu'un véhicule mondial, utilisable dans plusieurs régions, aurait été plus adapté.

Il y a quelques semaines, au Salon de l'automobile de Pékin, nous avons dévoilé un excellent véhicule, la DS 6 WR, qui est un crossover pour la marque DS en Chine, où elle est appelée à rencontrer un grand succès. J'aurais souhaité qu'il puisse être vendu, voire fabriqué, en Europe aussi. Or, ce n'est pas possible car il n'a pas été conçu au départ pour respecter l'ensemble de la réglementation européenne et n'offre pas certaines prestations répondant aux attentes spécifiques des clients européens. Dès le départ, il aurait fallu dire à ses concepteurs que le véhicule avait vocation à être vendu en Chine, en Europe, au Brésil, voire en Russie, et qu'il fallait donc prendre en compte l'ensemble des contraintes réglementaires et les attentes de l'ensemble des clients, quitte bien sûr, c'est ce que nous faisons et continuerons de faire, à adapter le véhicule à chaque marché local, où il existe toujours quelques spécificités à respecter.

Une gamme mondiale a vocation à améliorer l'efficience de nos investissements. Nous n'aurons que 26 modèles contre 45, mais chacun sera plus beau, inclura davantage des technologies les meilleures et sera encore davantage l'illustration du talent de nos collaborateurs. Et ainsi chacun, sur l'ensemble des marchés mondiaux, permettra un meilleur retour sur investissement. Il n'y a donc pas d'inquiétude à avoir de ce côté. En effet, par rapport à la situation actuelle, la couverture des marchés sera même améliorée de 10 %. Il n'y aura aucun problème ni sur le plan commercial, ni sur le plan de la conception car toutes les ressources libérées seront utilisées pour développer de nouvelles technologies : plug in hybride-essence, version quatre roues motrices de notre plate-forme EMP2, connectivité des véhicules… L'accélération technologique de l'industrie est telle que non seulement nous devons améliorer le rendement de notre organisation mais aussi libérer des ressources pour investir dans les domaines importants.

Sur la question des émissions, ma vision n'a pas changé. L'objectif pour l'industrie automobile est bien de proposer des objets de mobilité à zéro émission. Encore faudrait-il savoir de quelles émissions on parle et quels sont les indicateurs retenus. PSA est fortement engagé dans la technologie hybride, excellente technologie qui possède l'énorme avantage de ne présenter de contraintes, ni en matière d'infrastructures ni en matière d'autonomie pour les utilisateurs. Les émissions d'un véhicule hybride ne sont pas nulles mais ses rejets de CO2 sont fortement réduits. Par ailleurs, PSA a également en vente deux véhicules électriques, que certes il ne fabrique pas. Il nous appartient de soutenir l'ensemble des technologies qui vont dans la bonne direction en vue de l'objectif zéro émission et de ne pas en exclure certaines par rapport à d'autres. Il arrive en effet que des réglementations, sans être nées d'une mauvaise intention, provoquent des biais se retournant contre nous si elles sont mal utilisées. Il faut être vigilant sur ce point.

En résumé, l'hybride est une technologie qui permet un grand pas dans la bonne direction Cela ne signifie pas que le véhicule électrique n'est pas une bonne réponse pour des usages plus urbains et plus limités.

La question du diesel est importante. Je vais la traiter d'abord car je suis sûr que vous attendez des réponses. Si j'écoute mes techniciens, mes chercheurs, mes chimistes, mes physiciens et mes ingénieurs, aucun d'entre eux ne doute que le diesel moderne, c'est-à-dire aux normes Euro 5 et Euro 6, est parfaitement propre, y compris pour ce qui est de l'émission des particules. Madame la députée qui me dites non de la tête, je propose que votre commission nomme un groupe d'experts scientifiques indépendants, français et étrangers, qui rendra ses conclusions en toute liberté. Je ne vous demande pas de me croire, car mon jugement sera toujours biaisé à vos yeux, mais soyez assurée que je mettrai à la disposition de ce groupe d'experts la totalité de nos mesures et de nos résultats. Je m'engage à la plus totale transparence et la plus parfaite honnêteté : mes techniciens, mes chimistes, mes physiciens, mes ingénieurs vous expliqueront ce qu'ils mesurent et comment ils le mesurent, et pourquoi ils pensent ce que je vous ai dit. Le diesel moderne est propre car le grand nombre de filtrations successives opérées par les filtres à particules permettent de piéger ces particules. Je n'ai qu'une formation d'ingénieur, je ne possède pas la science infuse. Le groupe d'experts que je vous propose de mettre en place devrait apporter de la sérénité au débat. Je crois qu'ils concluront que le problème n'est pas les moteurs diesel modernes, mais la modernisation du parc roulant actuel. L'introduction des filtres à particules par PSA en 2000 a en effet complètement changé la donne.

Le diesel s'est développé essentiellement grâce à une fiscalité favorable, mais aussi parce que l'accent a été mis sur les émissions de CO2. Or, les moteurs diesel en rejettent environ 20 % de moins que les moteurs essence traditionnels. Dès lors que l'accent était mis sur le seul CO2, tous les constructeurs ont développé les moteurs diesel, pas seulement d'ailleurs les constructeurs français – les constructeurs allemands l'ont fait également.

Les moteurs diesels modernes sont a priori parfaitement propres, je le redis, y compris en matière d'émission de particules. Je conçois toutefois qu'il puisse y avoir du scepticisme et je m'engage à la plus totale transparence de la part de notre groupe, de façon que puisse se tenir un débat serein et rationnel.

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