Intervention de Meyer Habib

Réunion du 7 mai 2014 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMeyer Habib :

Mais le Hamas est un mouvement islamiste !

Son Excellence M. Hael Al Fahoum. Je rappelle qu'il y a aussi plusieurs ministres israéliens qui dénient publiquement à la Palestine toute existence. Il y a des extrémistes des deux côtés. Mon rôle est d'explorer le potentiel positif des deux parties pour essayer d'avancer ensemble et pour faire en sorte que la Palestine soit une valeur ajoutée pour la stabilité, la paix et le développement dans le monde et dans la région, de même qu'Israël. C'est la meilleure garantie de sécurité pour les générations futures en Israël. Si nous arrivions à avancer sur la voie de la paix réelle, avec la solution à deux Etats, nous pourrions ensuite arriver à une certaine forme de confédération économique, culturelle, voire politique, avec d'autres pays dans la région.

La stratégie de Mahmoud Abbas n'est pas celle d'une seule personne mais celle d'un ensemble d'acteurs et de la majorité des palestiniens. Certains ministres de Mahmoud Abbas l'ont accusé de mener cette stratégie de paix mais c'est lui qui malgré toutes les difficultés et les souffrances de notre peuple sous l'occupation a maintenu cette stratégie consistant à rejeter toute forme de violence. Il a été accusé par un ministre israélien de mener un terrorisme diplomatique contre l'État d'Israël. Mahmoud Abbas a affirmé que l'holocauste était la pire chose qui soit arrivée à notre époque. M. Netanyahou a considéré qu'on ne pouvait pas le croire et qu'il n'avait pas le droit d'affirmer cela, ce qui relève de la folie.

Nous palestiniens sommes solides sur notre position. La société palestinienne a subi une pression inhumaine visant à nier son existence et à la priver de ses ressources et de ses racines pendant 70 ans. Nous avons malgré tout réussi à résister. Si nous y sommes parvenus, c'est parce que nous n'avons pas développé un bloc de haine en nous. Au contraire, nous avons surmonté nos souffrances et tenté de tendre le bras vers les autres, et d'explorer le vivre-ensemble, notamment pour que la Palestine soit un exemple relativement à d'autres crises dans le monde.

La Palestine n'est pas un problème, c'est la solution. Il faut explorer ce potentiel et tenter d'apaiser la situation. La reconnaissance d'un État se fait entre États et non pas entre partis politiques. Ce n'est pas à ces derniers que l'on demande la reconnaissance d'un État. Il ne faut pas chercher à fouiller là où l'on peut trouver un problème mais bien accumuler des solutions et essayer d'être positif.

Après le gel des négociations, nous avons réaffirmé notre position et nous avons interrogé le secrétaire d'État américain John Kerry sur la question de nos engagements. Quand Mahmoud Abbas a rencontré John Kerry à Paris, celui-ci a affirmé que la Palestine avait respecté tous ses engagements. Alors pourquoi cherche-t-on à nous punir ? Même lorsque l'on respecte nos engagements, on cherche a bloqué le processus de paix.

Il convient d'oeuvrer pour le bien-être des citoyens palestiniens et préparer les élections présidentielles et législatives, et celles qui concernent le Conseil national palestinien qui représente le parlement central du futur État palestinien.

Il y a trop d'acteurs dans l'espace palestinien. On blâme les palestiniens pour certaines erreurs commises mais c'est un miracle qu'ils aient résisté jusqu'ici et qu'ils soient parvenus à créer un système et une stratégie ouverte et pragmatique qui consiste à oeuvrer pour essayer de vivre avec les autres. Depuis 70 ans, des acteurs de l'espace palestinien n'ont eu de cesse d'injecter des microbes et des virus dans le corps palestinien afin de tenter de s'en débarrasser. Le plus fatal a été le virus de division inter-palestinienne. Le corps palestinien pourrait bien apparaître comme le plus vacciné face à toutes les maladies que l'on observe dans le monde, qu'elles soient d'ordre politique, social et culturel.

Ni le Hamas ni le Fatah ne vont décider du sort des palestiniens mais bien le peuple palestinien lui-même à travers le vote.

La réconciliation représente un signe positif de la tentative de faire avancer le processus de paix. Les négociations constituent la seule solution à l'apaisement de la situation et à quelque avancée vers la paix.

Cependant, nous avons besoin d'une implication positive de l'ensemble de la communauté internationale car c'est la seule voie viable à une consolidation de la réconciliation. On ne peut écarter ni l'Europe et la France de ce processus. L'Europe et la France ont un rôle extrêmement important à jouer en s'appliquant sur le terrain. Nous avons d'excellentes relations avec l'Europe et la France. Ces derniers peuvent jouer un rôle concret en parlant avec les deux parties.

On peut avoir une certaine incompréhension face à la gêne éprouvée par le gouvernement de M. Netanyahou du fait que la France reconnaisse la Palestine. La France s'est déjà exprimée dans ce sens et a voté pour la reconnaissance de la Palestine comme membre de l'Unesco. Un tel geste ne peut que contribuer à donner une impulsion positive ainsi que l'espoir et l'énergie nécessaires pour prendre des positions encore plus courageuses à l'avenir, dans un camp comme dans l'autre.

Nous cherchons à être positifs, à exploiter le potentiel énorme qui existe chez les Palestiniens aussi bien qu'en Israël. Notre objectif est d'aboutir à une reconnaissance mutuelle et réelle. Pour cela, il faut qu'Israël mette un terme à la colonisation, aux expropriations, à l'état de siège dans lequel il maintient le million et demi de Palestiniens présents sur le territoire israélien.

Ensuite, nous voulons discuter de la sécurité d'Israël et de la sécurité de la Palestine, du statut de Jérusalem pour qu'elle soit une capitale pour deux États. Nous avons exprimé nos propositions par écrit, les Israéliens quant à eux ne nous ont donné aucun document écrit pour nous dire, par exemple, quelles sont pour eux les limites de leurs frontières. Ils refusent toujours de rentrer dans des considérations précises, préfèrent s'en tenir à des généralités.

Sur la question de savoir ce que l'on peut attendre de la France et de l'Europe aujourd'hui. La France, comme les autres pays européens et l'UE, a un grand nombre d'accords et de partenariats stratégiques avec Israël. Pourquoi ne pas faire la même chose avec la Palestine. Le Premier Ministre Jean-Marc Ayrault avait lancé l'idée d'un séminaire gouvernemental franco-palestinien. Nous espérons qu'il puisse avoir lieu bientôt. Il permettrait de réfléchir aux bases d'un futur partenariat.

La Palestine serait un atout pour la crédibilité de la France sur la scène internationale. La France est un atout pour la réussite du processus de paix. Un tel partenariat ne se ferait pas « contre Israël », mais pour la réussite du processus de paix.

Lorsque Mahmoud Abbas et John Kerry se sont rencontrés il y a quelques semaines à Paris, Kerry a explicitement dit que les colonies étaient illégitimes et illégales, comme l'a été l'annexion de Jérusalem-Est.

Sur la question des réfugiés. Il y a quatre millions de réfugiés, au Liban, en Jordanie, en Syrie. Ces personnes ont été expulsées de chez elles, et elles ont un droit à revenir. Ce que l'on négocie, c'est l'application de ce droit. Le fondement de ce droit est la résolution 194 du Conseil de Sécurité des Nations Unies, de 1948. Nous souhaitons négocier son application avec l'accord de toutes les parties, nous ne cherchons pas à imposer une solution aux Israéliens. Nous souhaitons une vie meilleure non seulement pour nos enfants, mais aussi pour les leurs.

Il y a une responsabilité de la communauté internationale de s'impliquer directement pour faire arrêter la colonisation israélienne et la dénégation des droits des Palestiniens par Israël.

Si l'on parvient à une solution à deux États, Israël deviendra le premier partenaire économique de la Palestine. C'est un potentiel énorme pour toute la région.

Mais aujourd'hui, ce que l'on observe ce sont des souffrances quotidiennes immenses. Les gens étouffent. Il est impensable que quelques colons privent toute une population de vivre normalement. Le problème est que les Occidentaux, quand bien même ils ont connaissance de cette réalité, ont peur de la dévoiler.

Sur la situation dans la Bande de Gaza. La situation est chaotique. Il n'y a pas d'eau, pas de matériaux de construction. Nous espérons que l'Accord de consolidation va faciliter l'accès de ressources à la bande de Gaza via l'Égypte et via Israël. En 2020, il y aura deux millions d'habitants à Gaza. La situation va être invivable. Nous assistons à un suicide collectif.

L'OLP maintient le contact, tout reste ouvert. C'est une pause. Ce qui se passe est une provocation de la part des colons et de l'armée qui espèrent une nouvelle Intifada en réaction à ces provocations pour pouvoir de leur côté relancer la répression. Nous faisons tout pour ne pas tomber dans le piège et notre stratégie est de résistance pacifique, non violente, c'est le seul moyen de restaurer notre identité et de garantir notre présence. Il y aura au gouvernement des technocrates indépendants des partis politiques. C'est notre programme à court terme.

On a eu trop d'exemples d'effets négatifs d'ingérences extérieures. C'est pourquoi, vis-à-vis de l'Égypte, et d'une manière générale, nous n'avons de mauvaises relations avec personne mais nous sommes partisans de ne pas intervenir dans les affaires intérieures des autres, sauf à en payer un prix élevé et d'en subir les retombées néfastes. Onze camps de réfugiés palestiniens ont été détruits en Syrie quand l'OLP n'a pas voulu prendre position sur le conflit syrien. Nous avons donc pour position de rester à égale distance et de nous protéger des acteurs négatifs.

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