Intervention de Dominique Potier

Séance en hémicycle du 5 novembre 2012 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2013 — Mission agriculture alimentation forêt et affaires rurales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Potier :

…l'organisation des marchés et des filières, le contrôle des structures et la maîtrise du foncier, le groupe de développement féminin et formation permanente.

La dignité est le fil conducteur de ce récit : tout peut changer si l'homme reste au centre.

Cette histoire, c'est un peu celle des 500 « petites régions » qui, sur tout le territoire français, ont façonné le paysage actuel, éloigné le spectre de la pénurie alimentaire. C'est l'histoire d'une révolution mais aussi la permanence d'une passion, d'une patience : celle d'un pacte secret entre l'homme, son troupeau et la terre. Qui peut nier que cette révolution n'a pas eu sa part d'ombre ? Qu'elle fut pour tant d'autres le chant du départ, et que le productivisme allait montrer ses limites dès les années soixante-dix ?

Mais en même temps, constatons qu'il n'y a pas d'équivalent comme alternative et résistance au modèle libéral que cette alliance inédite d'une tradition patrimoniale et de l'innovation sociale. Comment cet esprit-là peut-il nous éclairer dans les temps présents ? Soixante ans après la naissance de l'Europe agricole, l'heure du bilan sonne comme celle des ruptures décrites par Bertrand Hervieu et le groupe de Seillac.

Regardons les choses en face : avec moins de 500 000 agriculteurs, la France est à la croisée des chemins. Cela n'a pas valeur d'inventaire mais observons simplement les aides de la PAC : au quintal depuis 1962, à l'hectare en 1992, découplées en 2003, les quotas laitiers compris. Aucune de ces politiques n'a jamais misé sur le nombre d'actifs agricoles.

Sur ce plan, les politiques nationales sont quant à elles en recul. La bonne volonté n'est pas en cause mais elle ne suffit pas. À partir des années quatre-vingt-dix, parler et agir pour l'installation, c'est un peu écoper une barque qui prend l'eau par deux brèches. La première est celle d'une politique des structures impuissantes face au jeu des sociétés écrans qui bafouent les règles départementales. La seconde est celle de la dérégulation des marchés exacerbée par la spéculation – en 2012, les 4 milliards d'euros de hausse des matières premières céréalières, équivalents de 80 % du budget que nous allons voter, pèseront pour deux tiers sur des éleveurs à bout de souffle.

Quand les droits à produire se concentrent, pour l'enrichissement de quelques-uns, quand les fermes s'agrandissent et que les sols s'appauvrissent, quand un emploi disparaît, au Sud, c'est la friche qui gagne, ailleurs, au Nord, c'est la valeur ajoutée collective qui s'évapore, à l'image de ces millions d'hectares de prairies labourées ces deux dernières décennies.

La saignée démographique de l'après-guerre était consécutive à une mutation globale, sa poursuite avec trois millions de chômeurs est un non-sens, notamment eu égard au défi du XXIe siècle : nourrir neuf milliards d'hommes en 2050 tout en divisant par deux l'usage des pesticides. L'agro-écologie peut résoudre cette équation a priori impossible ; elle aura pour cela autant besoin du génie des chercheurs que de celui des agriculteurs.

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