Intervention de Joaquim Pueyo

Séance en hémicycle du 29 avril 2014 à 21h30
Activités privées de protection des navires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoaquim Pueyo :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, loin d’un imaginaire héroïque rendu familier par les oeuvres de fiction, la piraterie maritime est toujours d’actualité et ne constitue pas un épiphénomène. Je ne répéterai pas les chiffres du rapport du Bureau maritime international pour 2013 déjà plusieurs fois cités ni ceux évoqués par Nicolas Bays lors d’une récente réunion de la commission de la défense. Je rappellerai combien les conséquences de ce phénomène sont lourdes en termes humains et financiers. Ces attaques obligent la filière à se structurer pour recourir à des services de protection relevant des marines nationales ou de services privés. Les grandes institutions internationales apportent une réponse à ce fléau, qu’il s’agisse de l’OTAN ou de l’Union européenne, qui a développé la mission Atalante. Saluons à cet égard les 1200 personnes qui y participent pour l’efficacité de l’action qu’elles mènent au large des côtes de la Somalie.

Toutefois, la piraterie persiste, se déplace. Malgré un impact certain, les forces déployées ne peuvent couvrir les aires géographiques concernées, dont l’importance complique considérablement la lutte contre la piraterie. Trois grandes zones sont ainsi recensées : l’Asie, la Corne de l’Afrique et le Golfe de Guinée. De surcroît, la piraterie n’est pas un phénomène homogène mais protéiforme, le mode opératoire et les cibles sont très variables : des larcins opportunistes commis par des pirates peu armés visant argent et objets pouvant être facilement revendus aux prises d’otages avec violences envers l’équipage et demandes de rançon en passant par des détournements de navire pour en vider les cargaisons, la marchandise la plus prisée étant les hydrocarbures, le pétrole raffiné.

Heureusement, des mesures de prévention ont efficacement enrayé ce phénomène : le respect des règles de bonne pratique de l’Organisation maritime internationale, la présence active des marines nationales dans les zones concernées et, enfin, le recours croissant à la des équipes de protection publique ou privée à bord des navires. À cet égard, il faut préciser que la présence de personnels formés, équipés et entraînés est particulièrement déterminante pour repousser une attaque. Les équipes de protection embarquées de la marine nationale française donnent satisfaction même si, comme cela a été rappelé à plusieurs reprises, les délais d’obtention des accords diplomatiques conduisent à un refus dans 30 % des cas. Ces contraintes font que les armateurs ne font pas systématiquement appel aux EPE. Les chiffres officiels sous-estiment ainsi leurs besoins, qui seraient deux fois plus élevés dans des conditions optimales.

La marine nationale ne peut pas y répondre et le recours à des activités privées de protection des navires paraît, dès lors, indispensable, eu égard aux enjeux humains et financiers. Le texte que nous examinons réglemente strictement cette nouvelle activité commerciale. Les entreprises intéressées devront produire une « certification attestant de la qualité de leurs pratiques professionnelles », sujet qui a constitué l’un des enjeux des discussions au sein de la commission de la défense. Un haut niveau de garantie est ainsi offert : les agents titulaires d’une carte professionnelle ne seront ni des forces spéciales, ni des mercenaires, ils devront être clairement distingués des forces armées publiques avec lesquelles ils agiront en complémentarité. Le rôle du Conseil national des activités privées de sécurité sera à cet égard déterminant pour la crédibilité de la mise en oeuvre du dispositif législatif.

Sur le plan du commerce et de l’emploi, ce texte pourrait également permettre de renforcer l’attractivité du pavillon français car la position de la France se distingue dans ce domaine. La plupart des pays de l’Union européenne ayant légalisé les activités de protection privée des navires, le marché est actuellement occupé par des sociétés d’origine anglo-saxonnes. Cette légalisation permettra le développement d’entreprises françaises et offrira l’opportunité d’une seconde carrière à des militaires en fin de contrat – encore aujourd’hui, j’ai eu des témoignages de l’intérêt que certains d’entre eux portent à ce texte. Enfin, je pense qu’une fois la loi mise en oeuvre, il sera bon de mener une évaluation placée sous le contrôle du Parlement.

Pour toutes ces raisons, je soutiens ce texte équilibré qui participera à la lutte contre ce fléau, contribuera au renforcement de la compétitivité du pavillon français dans la convergence avec nos partenaires européens.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion