Intervention de Christophe Bouillon

Séance en hémicycle du 29 avril 2014 à 21h30
Activités privées de protection des navires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Bouillon :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la piraterie maritime semblait, il y a encore peu de temps, relever de l’histoire. Dans les esprits de nos concitoyens se mêlaient alors les souvenirs de Barbe Noire ou Francis Drake. Depuis une décennie la piraterie connaît une seconde jeunesse. Beaucoup moins romanesques que leurs prédécesseurs, les nouveaux pirates sont devenus une véritable menace pour l’économie mondiale : 90 % du transport mondial s’effectuant par voie maritime, cette criminalité est un fléau particulièrement néfaste pour le commerce mondial.

En 2011, vingt-huit navires ont été détournés, quatre cent soixante-dix marins enlevés, quinze assassinés. En 2013, deux cent trente attaques ont été recensées concernant entre trois cents et cinq cents membres d’équipages.

En examinant ce texte, c’est à ces marins, à leurs familles et à leurs proches, que nous pensons bien évidemment.

En permettant aux navires battant pavillon français d’avoir à leur bord du personnel de sécurité armé, nous permettrons à ces marins d’exercer leur métier, difficile, dans de bonnes conditions. Ce personnel formé, obéissant à des règles professionnelles strictes, ne sera donc pas composé de mercenaires mais de professionnels de la sécurité, comme il en existe dans d’autres branches d’activité. Nous ne pouvons en effet faire l’économie de cette mesure qui protégera des vies humaines tout en sécurisant l’activité des armateurs.

Une vie humaine n’est pas quantifiable. Le coût de la piraterie ne peut donc être évalué par les seules pertes commerciales liées à son déploiement. Selon les calculs ce sont entre 7 et 9 milliards d’euros qui sont perdus chaque année du fait de cette criminalité. La solution pérenne à la piraterie se trouve à la croisée de l’économie du développement dans les zones touchées, de la géopolitique des conflits et de la diplomatie internationale.

D’ores et déjà des initiatives fortes ont été prises en la matière. L’opération Atalante a ainsi mobilisé une force navale européenne en Somalie, et continuera jusqu’à la fin de l’année 2014. Les opérations Allied ProtectorOcean Shield ont également permis de sécuriser une partie de nos océans et de faire reculer la piraterie. L’armée française n’est pas en reste : elle déploie aujourd’hui deux cents fusiliers de la marine nationale qui interviennent pour protéger nos navires.

La résolution 2077 du Conseil de sécurité des Nations unies du 12 novembre 2012 a réaffirmé l’engagement de la communauté internationale, dans son ensemble, contre ce fléau. Cependant, force est de constater que les armées ne peuvent, à elles seules, assurer cette activité. Or en l’état actuel de notre droit, le recours aux prestataires de sécurité était impossible pour les armateurs. Dès lors ceux-ci se retrouvaient face à un dilemme : se mettre hors la loi en embarquant des gardes privés ou laisser courir un risque à leurs équipages. Cette situation n’étant plus tenable, notre droit devait évoluer, c’est chose faite aujourd’hui.

L’ouverture de cette possibilité de recours aux gardes armés sur les navires se fait de manière encadrée. C’est nécessaire. Nous n’ouvrons pas, en effet, un marché comme un autre. Des garanties devaient être posées d’emblée, elles le sont : contrôle du casier judiciaire, limitation à certaines zones maritimes et à certains types de navires, interdiction de la sous-traitance, suivi strict des armes embarquées, détention d’une carte professionnelle d’agent de protection, usage de la force uniquement en cas de légitime défense. Tels sont les garde-fous mis en place pour que ce marché, pas comme les autres, puisse être suffisamment encadré et bénéficier avant tout à nos navires.

Mes chers collègues, en adoptant ce texte nous renforçons le pavillon français, sa viabilité économique, tout en protégeant nos marins. Ce texte fait l’objet d’un large consensus parmi nous. Les témoignages, les propos, le travail mené par les rapporteurs ont confirmé la volonté sur tous les bancs de l’hémicycle de faire aboutir ce texte dans les meilleurs délais. Je m’en réjouis, car cela prouve que la représentation nationale peut s’unir lorsqu’il s’agit de l’intérêt général de la France.

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