Intervention de Nicolas Bays

Séance en hémicycle du 29 avril 2014 à 21h30
Activités privées de protection des navires — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicolas Bays, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées :

Monsieur le président, madame et monsieur les rapporteurs, monsieur le secrétaire d’État – cher Frédéric –, mes chers collègues, la commission de la défense est saisie pour avis du projet de loi dont nous débattons ce soir.

Ce texte autorise et encadre les activités privées de protection des navires battant pavillon français. En ce sens, il répond à une demande forte et légitime de la part des armateurs, dont la préoccupation première est la protection des personnes et des biens embarqués.

La menace principale à laquelle sont confrontés les navires reste la piraterie et le brigandage maritimes. D’après les dernières données du Bureau maritime international, 264 actes de piraterie ont été recensés en 2013, soit le plus petit nombre d’incidents enregistrés depuis 2007. Il convient de s’en réjouir, mais il ne faudrait pas en déduire qu’un relâchement de l’effort est possible. Je rappelle en effet que 90 % du transport de marchandises au niveau mondial s’opère par la voie maritime, qui constitue à ce titre la colonne vertébrale de l’économie globalisée.

Par ailleurs, n’oublions pas que la piraterie est fluctuante et mobile. Si l’on enregistre une baisse du nombre d’attaques dans certaines zones – la Corne de l’Afrique, par exemple –, le phénomène peut parallèlement s’amplifier dans d’autres régions, comme on le constate actuellement dans le golfe de Guinée. Aujourd’hui les principales zones dangereuses, outre celles déjà citées, sont situées à proximité de passages étroits : Panama, Suez, Bab El Mandeb et détroit de Malacca.

La protection des navires français est une mission dont la Marine nationale s’acquitte depuis fort longtemps, et celle-ci reste plus que jamais d’actualité. Je rappelle que, depuis décembre 2008, la Marine française participe à l’opération Atalante, qui a permis une diminution considérable des actes de piraterie dans le golfe d’Aden et au large des côtes somaliennes. Dans la même zone géographique, la France fait également partie de la force multinationale 151 de l’OTAN.

En outre, depuis 2009, la Marine nationale offre, sous certaines conditions, la possibilité aux navires français de recourir à des équipes de protection embarquées. Depuis leur création, quatre-vingt-treize EPE ont été déployées. Les demandes formulées par les armateurs à la pêche et pour les navires affrétés par le ministère de la défense sont satisfaites à 100 %. En revanche, le taux moyen de satisfaction des demandes pour les navires de commerce n’atteint que 70 % environ. En effet, les délais de mise en place d’une EPE sont soumis à de fortes contraintes logistiques et diplomatiques et s’avèrent donc parfois difficilement compatibles avec les impératifs économiques des armateurs. En outre, il semble évident que ceux-ci minimisent leurs demandes, conscients que toutes ne pourront être honorées.

À l’heure actuelle, vingt-cinq EPE peuvent être constituées, dont quinze sont présentes sur les thoniers senneurs des Seychelles. Depuis le début de leur déploiement, les EPE ont repoussé une quinzaine d’attaques et n’ont eu à déplorer aucun blessé. Je tiens ici à rendre hommage à leurs membres, dont la qualité et le sens de l’engagement sont unanimement reconnus.

Cependant, la Marine nationale n’est pas en capacité de répondre à l’ensemble des besoins, et toute une partie de la flotte française demeure privée d’une protection adaptée, alors qu’elle souhaiterait y avoir recours. On ne saurait évidemment s’en satisfaire, dans la mesure où sont en jeu des vies humaines et, secondairement, la protection des biens. Le recours à l’action complémentaire de gardes privés armés est donc nécessaire, à condition d’être strictement encadré.

Tel est l’objet du projet de loi, qui propose de compléter notre arsenal juridique et opérationnel en poursuivant deux objectifs principaux. Tout d’abord, comme je viens de l’évoquer, il s’agit de garantir la sécurité des navires français dans les zones dangereuses. Mais le texte doit également renforcer la compétitivité du pavillon français. Il favorisera aussi le développement d’entreprises nationales et pourra notamment permettre le rapatriement, en France, d’une activité jusqu’alors assurée par les filiales étrangères de sociétés françaises.

Je tiens à l’affirmer avec force : il ne s’agit en aucun cas d’abdiquer un élément de souveraineté au profit du secteur privé, et les membres des équipes de protection ne sont pas des mercenaires. Prétendre le contraire serait faire preuve d’une méconnaissance conceptuelle et juridique totale.

Il ne s’agit pas davantage d’un « ballon d’essai », prélude à une privatisation rampante des missions dévolues à nos forces armées. La Marine n’envisage pas de réduire son effort, et continuera de mettre ses EPE à la disposition des armateurs. L’offre privée ne se substituera donc pas à l’offre publique ; elle viendra utilement la compléter.

Il importe d’être à la fois pragmatique et vigilant, et le projet de loi apporte une réponse cohérente et équilibrée à ces questions en les entourant de toutes les garanties nécessaires.

Il prévoit d’une part que les nouvelles activités seront strictement limitées à des cas spécifiques et les encadre d’autre part de manière particulièrement rigoureuse par un système complet de certification, d’autorisation et d’agrément ex ante auquel s’ajoute un régime de contrôle ex post. À l’initiative de son rapporteur, la commission de la défense a adopté plusieurs amendements, dont certains l’ont également été par la commission saisie au fond, ce dont je me réjouis, tel l’amendement relatif à la levée de l’interdiction faite aux dirigeants et agents des entreprises de protection de faire état de leur ancienne qualité de fonctionnaire de police ou militaire. Je crois savoir que le Gouvernement n’y est pas favorable mais nous aurons l’occasion d’en débattre tout à l’heure.

Une importante question demeure, relative à la taille minimale des équipes de protection. La commission de la défense considère qu’en-deçà de trois agents la protection d’un navire ne saurait être assurée de manière satisfaisante. Je sais, cher Arnaud Leroy, que la commission du développement durable défend une position différente consistant à laisser aux armateurs et à l’entreprise privée de protection le soin de mener une analyse de risque afin de déterminer le nombre pertinent d’agents à embarquer. Je formule le voeu que nous trouvions une voie médiane susceptible de concilier les positions de nos commissions respectives. À cet égard, l’amendement à l’article 19 proposé par le Gouvernement me semble susceptible de satisfaire nos deux commissions.

Je conclurai mon intervention en invitant l’ensemble de nos collègues à adopter le projet de loi. Attendu de longue date par les armateurs et les équipages, il permettra d’une part d’assurer la sécurité de l’ensemble de la flotte française et d’autre part de restaurer la compétitivité de notre pavillon qui sera ainsi à même de faire jeu égal avec les pavillons étrangers.

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