Intervention de Paul Giacobbi

Séance en hémicycle du 29 avril 2014 à 15h00
Déclaration du gouvernement sur le projet de programme de stabilité 2014-2017 débat et vote sur cette déclaration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Giacobbi :

Au-delà de ces considérations générales qui constituent tout de même un contexte qui devrait légitimement nous interpeller, il reste que ce programme, ce plan, ce pacte de stabilité, même s’il nous est indispensable, ne nous apportera ni la stabilité ni la croissance pour deux raisons : l’une tenant à la conjoncture internationale et l’autre tenant à notre refus persistant de réforme structurelle dans le domaine de l’économie.

Je voudrais redire ici ce que je dis de manière récurrente depuis plus de six ans et qui reste malheureusement vrai, à savoir que pour sauver le système financier de la crise, on a injecté de manière illimitée de l’argent aux banques, sans doute quinze mille milliards de dollars sur le plan mondial. Cette manne a sauvé les banques dont le montant cumulé des pertes qu’elles ont dû enregistrer pour sauver leurs folies spéculatives n’atteint probablement pas le cinquantième de ce qu’elles ont reçu des autorités monétaires.

Cette création massive, exceptionnelle dans l’histoire du monde, n’a pas suscité l’inflation mais la spéculation. Celle-ci se manifeste aujourd’hui non pas dans les prix à la consommation puisque l’on s’est refusé à donner au peuple de quoi acheter, mais dans la formation de nouvelles bulles spéculatives puisque l’on a donné aux banques de quoi les gonfler. Les cours de bourse sont aujourd’hui très au-dessus du niveau atteint avant la crise, sans aucune justification. Les matières premières avec un pétrole à plus de cent dollars le baril et l’or à mille deux cents dollars l’once sont surévalués par la spéculation. L’immobilier, en particulier aux États-Unis, a repris le chemin de la spirale infernale et les obligations privées se négocient aujourd’hui à des niveaux étonnement bas par rapport aux risques. Imaginer dans un tel contexte qu’il n’y aura pas d’ajustement, c’est de l’inconscience.

Tous les observateurs lucides disent et redisent que nous nous trouvons à des niveaux de spéculation supérieurs à ce que l’on a connu au plus haut de l’avant-crise. William R. White, ancien chef économiste de la BIS, résumait la situation en disant que cela ressemblait à 2007 avec des marchés financiers surévalués et des prises en compte des risques au plus bas pour les marchés obligataires tout en remarquant globalement : « We are in a world where the profit belongs to the banks while the governements socialize all the losses » – « Nous sommes dans un monde où les profits appartiennent aux banques tandis que les gouvernements assument la socialisation des pertes. »

De ce fait, l’idée que le cycle va se retourner en notre faveur est une erreur de perspective et d’ailleurs une interprétation à tout le moins imprudente du cycle de Kondratieff. En tout état de cause, quand bien même la conjoncture mondiale reviendrait favorablement alimenter la croissance, la France ne pourrait qu’être décalée par rapport à ce phénomène parce qu’elle se refuse véritablement à réformer ses structures économiques et même à faire évoluer les esprits.

Je sais bien et je reconnais que ce Gouvernement a fait des efforts relativement limités mais, en définitive, sans précédent pour faire baisser les charges des entreprises et que dans le contexte actuel, celui qui nous conduit à des économies aussi fortes que le plan de stabilité, il ne pourra pas aller plus loin dans cette voie de la baisse des charges. Mais la réforme structurelle, ce n’est pas nécessairement baisser les charges qui d’ailleurs comptent bien moins que l’on ne croit puisque par exemple la surévaluation de l’euro d’au moins 15 % est tout aussi défavorable en termes de compétitivité internationale. La réforme structurelle, c’est d’abord recréer la confiance de l’investisseur qui est aussi l’employeur. Cette confiance se constitue progressivement par des actes en cohérence avec des discours, par la stabilité des lois, la loyauté fiscale et, par-dessus tout, l’assurance qu’une démarche d’investissement et d’emploi est réversible.

Il y a quatre ans, j’ai passé des mois à interroger bien des investisseurs étrangers à propos de l’attractivité de la France. Peu se sont plaint des charges, tous s’inquiétaient de l’instabilité de nos lois et manifestaient la peur de ne pouvoir se retirer de leur engagement dans notre pays si les choses tournaient mal pour leur investissement.

Nous souffrons aussi beaucoup d’un discours public qui, même s’il a considérablement évolué – et c’est heureux – vis-à-vis de l’entreprise, témoigne encore d’une sorte de perversion par laquelle plutôt que de veiller à renforcer sur le long terme nos entreprises, nous intervenons bien trop tard au moment où elles menacent de disparaître ou d’être reprises par des mains étrangères. La quasi-totalité de ces interventions in extremis se traduit d’ailleurs par des échecs.

Ces réformes de structure là ne coûteraient rien, mais feraient plus pour la croissance que tous les plans, les programmes et les pactes du monde dont nous avons depuis si longtemps éprouvé la vanité.

Quoi qu’il en soit, les erreurs de perspective au sens propre du mot ou l’insuffisance notoire de tout ce qui devrait accompagner en termes de réformes structurelles ce plan de stabilité n’enlèvent rien à son caractère contraint et indispensable et c’est la raison pour laquelle le groupe RRDP le soutiendra, pratiquement dans sa totalité.

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