Intervention de Christiane Taubira

Séance en hémicycle du 30 octobre 2012 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2013 — Justice

Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice :

Excellent, j'en conviens, et ça ne date pas de ce soir.

Je veux répondre sur un certain nombre de sujets qui ont également été évoqués par d'autres députés.

Il y a en effet eu d'importants aménagements de peines ces dernières années. C'est essentiellement pour des causes arithmétiques, car le nombre de peines d'incarcération a explosé. Il n'y a pas eu de politique d'aménagement des peines fondée sur la prévention de la récidive telle que nous la concevons, basée sur le suivi et la préparation à la réinsertion et à la vie sociale.

Si un certain nombre de choses ont été faites, il n'y a pas eu une politique cohérente en tant que telle. Notre politique l'est, et c'est bien pour cela que nous allons recruter des juges d'application des peines, des greffiers et des conseillers d'insertion et de probation. C'est aussi pour cela que nous augmentons de 12 % les moyens consacrés aux peines alternatives : les travaux d'intérêt général, le placement sous surveillance électronique (PSE), les quartiers de semi-liberté, les places dans les quartiers nouveau concept (QNC). Ces moyens permettront aux juges, s'ils l'estiment nécessaire, de prononcer des aménagements de peines.

Monsieur le rapporteur spécial, vous m'avez interrogé ainsi que d'autres députés sur les peines non exécutées. Plusieurs députés ont rappelé à la tribune qu'il n'y a pas de peines non exécutées, mais des flux de peines en attente d'exécution. Cela tient à des raisons évidentes : en dehors des cas où un mandat de dépôt est prononcé, il y a forcément un délai pour l'exécution de la peine. Il est certain que l'insuffisance des effectifs de magistrats et de greffiers, l'engorgement des juridictions et le nombre de procédures accumulées ces cinq dernières années ont provoqué des délais dans l'exécution de certaines procédures et de certaines peines. Ce sont des éléments objectifs qui viennent parfois retarder l'exécution des peines et sur lesquels nous devons travailler.

Il demeure que nous ne devons pas croire ceux qui parlent de stocks de peines non exécutées : il y a un flux de peines qui est évidemment alimenté par l'activité judiciaire. Je peux vous soumettre des chiffres : en mars 2012, 72 000 peines étaient en cours d'exécution. Parmi elles, 99 % sont des peines de prison ayant vocation, dans les termes de la loi pénitentiaire, à être aménagées. La grande majorité des peines en attente d'exécution sont des courtes peines : 57 % sont des peines de moins de trois mois, 40 % sont des peines entre trois mois et un an, 3 % sont des peines d'un à deux ans.

Les délais d'exécution sont les suivants : 36 % des peines en un mois, 50 % en quatre mois, 74 % en douze mois et 83 % en dix-huit mois. L'exécution des peines se fait donc bien au fur et à mesure, dans des délais qui ne sont pas extravagants, même si nous nous attachons à les réduire. En effet, nous pensons, comme vous, monsieur le rapporteur, que la rapidité de l'exécution de la peine peut contribuer à son efficacité, alors qu'en la différant, on augmente les risques de récidive.

Monsieur Huyghe, vos propositions, que vous aviez déjà exposées lors de mon audition devant la commission des lois, ne se retrouvent pas dans le budget. Manifestement, celle-ci ne vous a pas suivi.

Monsieur Blanc, vous m'avez interrogée sur les amendes, dont un peu moins de 50 % sont recouvrées. Toutefois, nous avons ramené les délais de prise en charge de huit mois à cinq mois. En outre, nous allons développer les bureaux d'exécution des peines, les BEX, qui ont été fragilisés ces dernières années – plus d'une dizaine de ces bureaux ont dû fermer –, en créant quarante postes de catégorie C, afin que la perception des amendes et leur transmission à Bercy soient enregistrées plus rapidement. Mais, vous avez raison, il nous faut améliorer les relations entre le ministère de la justice et le ministère des finances pour améliorer le taux de recouvrement.

Vous m'avez interrogée sur de nombreux autres sujets ; je vous propose d'y revenir dans le cadre des questions.

En conclusion, je veux dire un mot du personnel, qui a été mis à rude épreuve. En effet, la protection judiciaire de la jeunesse a perdu 600 postes en cinq ans, des départs à la retraite n'ont pas été remplacés et la réforme de la carte judiciaire a provoqué la suppression de postes de magistrats et de greffiers. Dans tous les services, les personnels ont fait des efforts particuliers et travaillé de façon à faire vivre le service public de la justice. Nous faisons donc un effort pour ces personnels. J'aurais souhaité que celui-ci puisse être conséquent pour les personnels de catégorie C, dont les traitements et les indemnités n'ont pas été revalorisés depuis une dizaine d'années. Hélas ! la dotation à la disposition du ministère ne permet d'assurer que la dernière tranche indemnitaire accordée aux magistrats; je dois donc tenir cet engagement de l'État, intervenu sur la base d'un décret, tout en reconnaissant que les magistrats méritent cette indemnité, compte tenu des conditions dans lesquelles ils travaillent.

Pour 2013, l'effort indemnitaire sera donc fait en faveur des magistrats, à hauteur de 7 millions d'euros pour les personnels pénitentiaires et de 1,4 million pour les personnels de la protection judiciaire de la jeunesse. À partir de 2014, je serai en mesure de faire un effort pour les fonctionnaires de catégorie C et, à partir de 2015, pour les fonctionnaires de catégorie B, principalement les greffiers. Il est important que nous fassions un geste en matière de recrutement, de modernisation des moyens, notamment grâce au doublement des crédits informatiques, et que nous leur témoignions notre reconnaissance par ces petits efforts indemnitaires.

Il nous faut dire notre gratitude à ces fonctionnaires qui ont porté à bout de bras le service public de la justice, qui a été grandement fragilisé ces dernières années, de façon que, arrivés aujourd'hui aux responsabilités, nous puissions prendre le relais et redonner tout son lustre à ce beau service public, si structurant pour notre démocratie. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

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