Intervention de Philippe Yvin

Réunion du 11 février 2014 à 17h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Philippe Yvin, candidat à la présidente du directoire de la Société du Grand Paris :

Je vous remercie de votre accueil.

Avant d'évoquer le contexte dans lequel se situe la feuille de route du Gouvernement pour la SGP, je rappellerai en quelques mots mon parcours professionnel.

Celui-ci a été partagé à parts égales, deux fois seize ans, entre le service de l'État et celui des collectivités locales. J'ai travaillé pour une région, une ville, deux départements comme directeur général des services, et pour l'État, six ans dans le corps préfectoral, en administration de mission et en cabinet ministériel. J'ai eu l'occasion de servir dans trois départements de la région Île-de-France : les Yvelines, l'Essonne et la Seine-Saint-Denis. Au cours de mes quatre années passées comme directeur général des services de la Seine-Saint-Denis, j'ai souvent abordé le dossier des transports collectifs pour élaborer la contribution du département au projet du réseau de transport du Grand Paris, mais aussi à un niveau opérationnel, puisque ce département est directement engagé dans plusieurs infrastructures de transports collectifs – 5 projets de tramways notamment –, où il a eu en charge soit l'aménagement urbain, soit la fonction de maître d'ouvrage délégué pour l'ensemble d'un projet, le tramway T8, entre Saint-Denis et Épinay-sur-Seine et Villetaneuse.

Je vais d'abord rappeler le cadre fixé par le Gouvernement, indiquer ensuite les réalisations de la société en 2013 et ses projets pour 2014, puis vous préciser les orientations prioritaires que le Premier ministre souhaite que je mette en oeuvre dans les mois à venir.

Le Premier ministre a présenté voici presque un an, le 6 mars 2013, le nouveau Grand Paris. Dans la poursuite du protocole qui était intervenu entre l'État et la région Île-de-France le 26 janvier 2011, le nouveau Grand Paris prévoit une étroite articulation entre l'amélioration des transports du quotidien et la création du nouveau métro automatique de 200 kilomètres.

Ce nouveau métro, le Grand Paris Express, poursuit quatre objectifs : la désaturation de la zone centrale, le rééquilibrage entre l'ouest et l'est de la région, le désenclavement et la lutte contre la fracture territoriale, le développement économique et le renouvellement urbain. Le nouveau Grand Paris sécurise le financement de ces projets en fixant à 26,575 milliards d'euros les coûts et les capacités de financement de la SGP d'ici à 2030. 22,625 milliards sont prévus pour les quatre lignes nouvelles et le prolongement de la ligne 14, en intégrant une optimisation des coûts à hauteur de 3 milliards par rapport au projet initial. Pour le court terme, 6 milliards d'euros sont à engager d'ici 2017 pour les opérations d'amélioration des transports du quotidien, dont 2 milliards d'apport de la SGP. Ce plan comprend des opérations significatives, comme le prolongement de la ligne 14 de la gare Saint-Lazare à la mairie de Saint-Ouen ou la modernisation des RER – le schéma directeur du RER B Nord a déjà été mis en oeuvre, celui du B Sud est à l'étude et les trois autres, A, C et D, suivront. Sont prévus également le prolongement de la ligne E à l'ouest vers Mantes-la-Jolie ou le prolongement de la ligne 11 des Lilas à Rosny-sous-Bois. Cette articulation entre les travaux d'amélioration des transports du quotidien et le projet de métro du Grand Paris s'est traduite par la signature d'un protocole d'accord entre l'État et la région Île-de-France le 19 juillet 2013.

La feuille de route du Gouvernement a par ailleurs été complétée par les orientations arrêtées à la suite du rapport de la commission Mobilité 21, d'une part, et celles relatives au Charles-de-Gaulle (CDG) Express, d'autre part. Le 9 juillet 2013, le Premier ministre a présenté le plan « Investir pour la France ». À cette occasion, il a indiqué qu'il retenait comme référence le scénario 2 du rapport Duron, prévoyant notamment l'amélioration des réseaux existants avec la modernisation du réseau ferroviaire, le renouveau des trains Intercités et le soutien au transport combiné maritime et terrestre avec les autoroutes ferroviaires. Le ministre des transports a par ailleurs lancé le 7 mai 2013 un appel à projets pour promouvoir les transports en commun et la mobilité durable. La discussion des prochains contrats de plan État-régions sera l'occasion de donner une première traduction à ces orientations.

Parmi celles les plus directement liées au nouveau Grand Paris, peuvent être mentionnées, s'agissant des liaisons ferroviaires, la liaison Roissy-Picardie, la liaison Paris-Normandie, l'interconnexion Sud Île-de-France des TGV avec la création d'une gare à Orly, mais aussi pour le fret, la liaison Gisors-Serqueux ou encore la mise à grand gabarit de celle de la Seine Amont entre Bray et Nogent. S'agissant des axes routiers, on peut citer la liaison A28-A13.

La réalisation du métro du Grand Paris s'insère ainsi dans le cadre plus large de la politique nationale d'aménagement du territoire. Cette articulation se traduira également par un volet interrégional des contrats de plan consacré à la vallée de la Seine.

Enfin, le ministre des transports a récemment confirmé la relance des travaux d'études du CDG Express, liaison qui permettrait de renforcer la qualité de l'accès à l'aéroport Charles de Gaulle. Aéroports de Paris (ADP) et RFF devraient ainsi créer une société de projet afin de poursuivre les études préalables à la réalisation d'une liaison directe entre la gare de l'Est et cet aéroport sans participation publique, ainsi que le précise l'article 2 de la loi du 3 juin 2010, et sans qu'il y ait d'impact sur le fonctionnement du RER B, qui vient d'être modernisé à la satisfaction des usagers.

Cette feuille de route a fait l'objet d'avancées significatives en 2013 grâce à la mobilisation des équipes de la SGP sous la direction d'Étienne Guyot : elles doivent être poursuivies en 2014. En 2013, a ainsi été approuvée la première opération d'investissement de 5,3 milliards d'euros portant sur l'engagement de la ligne 15 Sud entre le Pont de Sèvres et Noisy Champs, soit une section de 33 kilomètres comportant 16 gares, dont la mise en service est prévue pour 2020. La commission d'enquête a rendu un avis favorable le 3 février 2014, permettant ainsi de préparer la déclaration d'utilité publique de cette première ligne. D'ores et déjà, des marchés d'assistance à maîtrise d'ouvrage et de maîtrise d'oeuvre pour un montant de 300 millions d'euros ont été engagés. Le dossier d'enquête publique pour la ligne 16, Noisy Champs-Pleyel, est en cours de finalisation.

De nombreux contrats et conventions ont été également conclus en 2013 pour lancer le projet d'ensemble, parmi lesquels une convention sur la sécurité du réseau avec le préfet de police, la conclusion d'une charte relative à l'architecture des gares, une convention sur la transition énergétique, un appel à contributions sur la dimension numérique du réseau, une convention sur l'évacuation des déblais avec le port autonome de Paris. S'ajoute à cela la préparation de la convention avec le Syndicat des transports d'Île-de-France (STIF) sur les caractéristiques du matériel roulant. Deux observatoires ont été mis en place, l'un sur le prix du foncier, l'autre sur les quartiers de gare. Ce dernier instrument est issu des travaux du comité stratégique de la SGP présidé par Jean-Yves le Bouillonnec. Ce comité réunit l'ensemble des élus concernés et associe les acteurs socio-économiques. Il accompagnera la SGP sur l'ensemble du projet et a défini comme axes de travail prioritaires la qualité du service dans le réseau, les gares et leur environnement.

En 2014, la société du Grand Paris devra achever la première phase des études d'avant-projet pour la partie sud de la ligne 15, afin notamment de définir le parti architectural des gares, de finaliser les interconnexions et de fixer le tracé définitif du tunnel. Devront être également organisées des concertations approfondies sur d'autres tronçons, avec une trentaine de réunions publiques, et la société devra préparer en priorité les dossiers d'enquête publique de la ligne 16 et du prolongement de la ligne 14 à Pleyel. Je rappelle que le Premier ministre a demandé que l'ensemble des enquêtes publiques soit achevé fin 2015. En 2014, doivent être aussi approuvées de nouvelles opérations d'investissement pour les lignes 16 et 14, ainsi que pour l'acquisition des matériels roulants de la ligne 15, soit environ 5,7 milliards d'euros. Pour mener à bien l'ensemble de ces opérations, un budget adapté a été approuvé par le conseil de surveillance le 29 novembre 2013 à hauteur de 512 millions d'euros, les recettes fiscales attendues se montant à 527 millions d'euros. Les effectifs de la société comprendront en 2014 128 collaborateurs, mais 500 personnes sont d'ores et déjà mobilisées sur les projets dans les équipes d'ingénieurs et d'architectes mandatées.

Quand les projets seront en cours de réalisation, ce sont des milliers d'emplois qui seront générés en permanence d'ici 2030 – l'estimation basse se situant à 10 000 emplois. Il convient de s'y préparer. C'est pourquoi la société devra travailler en étroite coordination avec les services de l'État et le conseil régional pour développer l'offre de formation adéquate et organiser avec les filières professionnelles, le bâtiment et les travaux publics ainsi que les industries ferroviaires, le développement de clauses d'insertion, afin de maximiser l'impact de ces chantiers en termes d'emplois.

Le Gouvernement a souhaité que la poursuite de cette entreprise soit marquée par une attention soutenue dans trois directions : une coordination plus étroite avec l'autorité organisatrice, les services de l'État et les opérateurs, tout en poursuivant la concertation bien engagée avec les collectivités locales ; un approfondissement de la dimension environnementale du projet ; et un lien renforcé avec la politique d'aménagement qui sera mise en oeuvre sur le territoire francilien dans les prochaines années.

S'agissant des relations avec l'autorité organisatrice, la loi du 27 janvier 2014 a prévu que la Société du Grand Paris aura avec le STIF des relations semblables à celles des autres opérateurs, comme la SNCF et la RATP, et que le STIF sera associé à la réalisation des dossiers d'enquête publique et des dossiers d'investissements. Par ailleurs, la loi du 2 janvier 2014 a habilité le Gouvernement à simplifier et à sécuriser par ordonnances la vie des entreprises. À ce titre, seront adoptées les mesures permettant à la SGP de financer les projets d'infrastructures publiques de transport en correspondance avec le métro du Grand Paris, comme Eole ou les RER, et de se voir déléguer par le STIF la maîtrise d'ouvrage de la liaison Pleyel-Champigny.

Cette meilleure coordination devra permettre de prendre en compte de façon optimale les questions relatives à l'interopérabilité des lignes – notamment à Champigny et Pleyel –, à l'interconnexion – notamment le lien avec les gares des RER – et à l'intermodalité, en particulier la desserte des nouvelles gares par les réseaux de bus.

Le second enjeu prioritaire réside dans une meilleure prise en compte de la dimension environnementale. Il s'agit tout d'abord d'approfondir la question du traitement des 20 millions de mètres cubes de déblais. Les conventions relatives à leur évacuation par voie fluviale, ferroviaire et routière devront être précisées ainsi que celles relatives à leur destination finale. Il s'agit ensuite de la prise en compte des recommandations des concertations et des enquêtes publiques. Celles de la première enquête relative à la ligne 15 ont ainsi suscité des demandes particulières relatives à la prévention des vibrations, à l'implantation urbaine des ouvrages annexes et à l'information des riverains tout au long des chantiers – autant de préconisations que la société devra intégrer.

Le troisième enjeu concerne l'impact du projet et le rôle de la société dans l'aménagement du territoire francilien. Comme le prévoit la loi, la SGP est associée par le préfet de région à la négociation des contrats de développement territoriaux (CDT). Ces contrats ont pour but de fixer la stratégie de développement entre l'État et les collectivités locales, notamment de prévoir les objectifs en termes de réalisation de logements. Ils doivent contribuer à faire passer le rythme actuel de réalisation de 31 000 à 70 000 logements, comme le prévoient tant la loi du 3 juin 2010 que le nouveau schéma directeur de la région Île-de-France. Sur la vingtaine de projets identifiés, une douzaine de CDT est d'ores et déjà approuvée et une demi-douzaine signée. Ce mouvement se poursuivra après les élections municipales. La réalisation des gares et des quartiers de gare du Grand Paris Express doit ainsi être l'occasion d'apporter une contribution importante à la réalisation des objectifs des CDT en termes de construction de logements comme de locaux d'activité. C'est pourquoi la SGP devra renforcer ses relations avec les sociétés d'aménagement des collectivités locales, les établissements publics de l'État et l'Établissement public foncier d'Île-de-France, dont le rôle est désormais élargi à l'ensemble de la région.

La ministre de l'égalité des territoires et du logement, en charge du Grand Paris, a réaffirmé l'importance de ces enjeux lors d'une récente communication en Conseil des ministres sur le thème du « Grand Paris de l'aménagement et du logement ».

Il s'agit de se donner les moyens de réaliser 1,2 million de logements d'ici 2030, en développant le foncier disponible, en engageant de nouvelles opérations d'aménagement, en lançant des programmes spécifiques de logement intermédiaire, en mettant en place le nouveau programme de renouvellement urbain annoncé par le ministre délégué à la ville et en accélérant les opérations de résorption de l'habitat indigne.

Cette ambition, indispensable pour les Franciliens, sera ensuite confortée par la création de la métropole du Grand Paris, la mise en place d'un schéma régional de l'habitat et de l'hébergement et la création en grande couronne d'agglomérations plus fortes, toutes dispositions prévues par la loi d'affirmation des métropoles et de modernisation de l'action publique territoriale adoptée par votre assemblée. Elle constitue un premier aboutissement institutionnel pour cette ambition largement partagée que constitue la création d'un Grand Paris moteur du dynamisme économique national comme de l'amélioration de la vie quotidienne des habitants de l'Île-de-France.

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