Intervention de Vincent Peillon

Réunion du 24 octobre 2012 à 16h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale :

Je ferai une introduction pour donner sens à notre débat. Mais elle sera rapide, car de nombreuses questions se posent et je souhaite pouvoir répondre à vos interrogations, aux côtés de ma collègue George Pau-Langevin.

La priorité donnée à l'école, dont témoignaient déjà les mesures prises dans le projet de loi de finances rectificative, est réaffirmée dans le projet de loi de finances pour 2013. Comme vous le savez, nous avons également travaillé sur les trois prochaines années dans le cadre du budget triennal et nous aurons bientôt l'occasion d'examiner, ensemble, la loi d'orientation et de programmation, qui sera présentée au Parlement au début de 2013.

La concertation que vous avez évoquée, monsieur le président, qui avait été lancée par le Premier ministre le 5 juillet, a en effet terminé ses travaux. Je tiens à remercier un grand nombre d'entre vous, de la majorité comme de l'opposition, qui y ont participé et ont permis d'éclairer les prochaines décisions que nous allons prendre. Le Président de la République a lui-même conclu les travaux de la concertation après la remise du rapport et rappelé ses objectifs en matière d'éducation, cette priorité du quinquennat qui doit se traduire du point de vue budgétaire, mais que nous essayons d'aborder par des entrées pédagogiques. Les conclusions de ce rapport, pour l'essentiel celles du discours du Président, seront intégrées dans le projet de loi d'orientation et de programmation.

Dans le même temps, nous avons préparé les arbitrages budgétaires qui sont soumis à votre examen, sachant que le budget 2013 que nous allons examiner constitue la première année d'une construction triennale.

Il doit permettre à la fois de financer l'impact, sur 2013, des mesures que nous avions déjà prises dans le PLFR et de préparer la rentrée 2013 qui sera marquée, entre autres, par des recrutements importants. Ceux-ci se dérouleront en deux phases et permettront la remise en place d'une formation des enseignants.

Le budget 2013 confirme la priorité donnée à l'éducation nationale. De fait, le premier budget de l'État connaît une hausse d'1,8 milliard d'euros, soit de 2,92 %. Hors charge des pensions, cette hausse est de 293 millions d'euros, soit de 0,6 % par rapport à 2012. Alors même que l'ensemble des dépenses de l'État, hors charge des pensions, est stabilisé en valeur, une telle hausse est donc un signal très fort.

Ces moyens financiers ont une première traduction concrète, à savoir le recrutement de 43 000 enseignants – enseignants ne voulant pas dire « postes ». Ce recrutement, avec le concours exceptionnel qui est prévu, correspond à la création de 8 281 postes, alors même que les effectifs de la fonction publique sont stabilisés. Non seulement tous les fonctionnaires partant à la retraite seront remplacés, mais encore des moyens nouveaux seront accordés.

C'était absolument nécessaire, étant donné l'état de tension de l'école à cette rentrée scolaire. La situation risque de perdurer au cours de l'année qui vient, puisque l'effet des 80 000 suppressions de postes se fera encore sentir. Quand un réseau d'aides spécialisées est décimé, quand l'accueil des plus jeunes ne peut pas se faire, quand les remplacements ne sont pas assurés, toutes les familles – quelles que soient leurs opinions – sont directement atteintes. De la même manière, les jeunes professeurs travailleront cette année encore dans des conditions extrêmement difficiles – même si nous avons réussi à mettre en place, avec le collectif budgétaire, un début de décharge de trois heures dans le secondaire.

Ces recrutements viennent pallier de très nettes difficultés d'encadrement dans les établissements scolaires. Ce qui s'est passé ces derniers jours montre bien que nous avons besoin d'adultes, de personnels, non seulement pour prévenir, mais encore pour intervenir lorsque c'est nécessaire.

Ce budget 2013 est un signal fort. Mais il n'a de sens que dans le cadre d'une programmation. Car un effort qui se limiterait à une année serait insuffisant pour pallier nos difficultés, dans le domaine de la formation des enseignants – la remise en place de la formation est très consommatrice de moyens humains et donc financiers – comme dans d'autres domaines. Nous avons bien d'autres actions à mener pour améliorer nos performances éducatives et permettre la réussite du plus grand nombre possible d'élèves.

Nous avons à réfléchir et à dialoguer sur les orientations de ce budget, sans perdre de vue que nous devons inscrire notre action dans la durée par la programmation triennale. Nous avons déjà des éléments et nous en rediscuterons au moment de la loi d'orientation et de programmation sur le quinquennat.

Pour être un peu précis, nous avons été obligés d'organiser cette année deux concours. Si nous voulons remettre en place une formation des enseignants, il faut que ceux que nous recrutons n'aient pas à se présenter tout de suite devant des classes. Si nous voulons former correctement les enseignants qui seront devant des classes en 2014, il faut les recruter dès cette année. Cela explique que nous ayons organisé un second concours, qui ne correspond pas encore à ce que sera le concours définitif ni à la formation qui sera mise définitivement en place au concours suivant. C'est une étape intermédiaire, qui vise à « réalimenter la pompe ».

21 350 places seront donc ouvertes à l'occasion de ce second concours, qui se déroulera en juin 2013 et sera ouvert, à la différence des précédents, aux étudiants de première année de master (M1). Ceux qui seront admissibles à ce concours, et qui tenteront l'admission en fin d'année suivante, suivront un stage en responsabilité rémunéré, en parallèle de leur formation dans les écoles supérieures du professorat et de l'éducation. Tel qu'il est prévu, ce stage en responsabilité – vous voyez déjà la différence avec le système préexistant – sera de six heures hebdomadaires, le reste du temps étant consacré à la formation.

En même temps, nous attribuons un certain nombre de moyens à des recrutements de personnels non enseignants, notamment pour l'accueil et l'accompagnement des enfants en situation de handicap.

Nous avions créé 1 500 auxiliaires de vie scolaire individualisés pour la rentrée, dans la loi de finances rectificative. Malgré tout, 6 000 enfants n'ont pas pu être accueillis comme c'eût été souhaitable. Nous allons donc poursuivre cet effort et créer 500 postes à la rentrée 2013, alors même que se poursuit le travail gouvernemental, sous la responsabilité de George Pau-Langevin, et de Marie-Arlette Carlotti, pour améliorer les formations, les qualifications et le statut des personnels chargés de suivre et d'accompagner ces enfants.

Les emplois d'avenir professeur seront lancés dès le mois de janvier 2013 – ils sont donc déjà budgétés. 6 000 seront créés pour la première année, en 2013. Le système est un peu compliqué, mais c'est le seul qui permette d'agir vite et efficacement. Il associe une bourse de service public, financée par le ministère de l'éducation nationale, la rémunération apportée par l'emploi d'avenir professeur – les heures faites en situation – et la bourse sur critères sociaux. Il assure aux étudiants un revenu moyen de l'ordre de 900 euros. C'est une mesure favorable au pouvoir d'achat des jeunes, et en particulier des étudiants. Nous savons qu'un très grand nombre d'entre eux sont dans une situation de très grande difficulté. Notre budget intègre bien la création de ces emplois, pour un coût total, porté par le ministère, de 31 millions d'euros.

Un certain nombre de crédits d'intervention en faveur de l'accompagnement social des élèves sont préservés : 539 millions d'euros, soit 15 millions de plus qu'en 2012, pour les bourses nationales d'études, destinées aux familles défavorisées lorsque leurs enfants sont inscrits dans des établissements du second degré (collège et lycée) ; des crédits, dédiés à l'assistance éducative et aux contrats aidés, qui sont également revalorisés.

Cela nous permet de financer les assistants d'éducation, en tenant compte des 2 000 que nous avions créés dans le PLFR et que nous budgétons pour l'année qui vient, ainsi que les 500 postes d'assistants de prévention et de sécurité qui ont été, depuis septembre, recrutés, formés et immédiatement affectés dans les établissements les plus exposés aux incivilités et aux violences.

Cela nous permet également de financer les 12 000 contrats aidés, qui ont été maintenus à la rentrée 2012, ainsi que des mesures d'urgence, et de maintenir, au niveau de la loi de finances initiale, les fonds sociaux.

En revanche, le budget de fonctionnement du ministère est soumis aux mêmes règles que celles appliquées dans les autres ministères. Nous devons en effet faire preuve d'exemplarité dans la gestion des moyens qui nous accordés.

Le fonctionnement courant du ministère baissera donc de 5 % en 2013. Cela concerne aussi – alors même que nous sommes en train d'opérer de grandes réformes avec eux – nos opérateurs, leurs dépenses de fonctionnement étant réduites de 2 millions d'euros et leurs dépenses de personnels maîtrisées.

Les économies que nous avons effectuées dans ce budget de fonctionnement permettent toutefois des redéploiements, que nous avons souhaité cibler sur des priorités stratégiques, que nous ferons monter en régime dès cette année et dans les années qui viennent, avec des opérateurs extérieurs à l'éducation nationale. C'est ainsi que la dotation du numérique augmente considérablement, passant de 3,6 millions d'euros à 10 millions d'euros. Notre volonté est de développer l'enseignement numérique et de favoriser la création de logiciels pédagogiques français. Nous devons être capables de constituer une filière française de production de logiciels. Au-delà, nous aurons à débattre, dans la loi d'orientation et de programmation, des ressources numériques et de la formation des professeurs au numérique.

L'ensemble des moyens nouveaux sera réparti conformément aux priorités que le Président de la République avait fixées dans le cadre de la campagne et que nous avons réaffirmées à plusieurs reprises : d'une part, veiller que le taux d'encadrement, qui baisse depuis plusieurs années, cesse de baisser – ce sera le cas ; d'autre part, renforcer le potentiel de remplacement, sur lequel des économies ont été faites ces dernières années.

J'ai ainsi demandé que des moyens soient affectés prioritairement dans un certain nombre de départements, où les tensions sont importantes – notamment en Seine-Saint-Denis, où ce potentiel de remplacement a été littéralement « liquidé » – en insistant sur un certain nombre de points, dont : l'accueil des moins de trois ans, surtout dans les zones qui connaissent les plus grandes difficultés sociales et scolaires ; le principe « plus de maîtres que de classes », qui constitue selon nous, un instrument de changement de travail dans l'école, et donc de réussite éducative.

Pour ce qui concerne les collèges et les lycées, je ciblerai plus directement les collèges les plus défavorisés et les lycées professionnels auxquels, dès la loi d'orientation et de programmation, nous proposerons un certain nombre d'évolutions.

Voilà la présentation introductive et synthétique que je souhaitais faire, monsieur le président, pour laisser autant de place que possible aux interrogations des uns et des autres, sur les sujets qu'ils choisiront.

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