Intervention de Philippe Wahl

Réunion du 5 février 2014 à 9h30
Commission des affaires économiques

Philippe Wahl, président-directeur général du groupe la Poste :

Merci, mesdames, messieurs les députés, pour l'intérêt que vous portez à notre groupe.

S'agissant des nouveaux services qui pourraient être assurés par les facteurs, nous faisons un pari stratégique dont je voudrais ici vous préciser le cadre et les conditions tarifaires. À l'image des industriels qui cherchent à développer de nouveaux produits, nous menons actuellement un grand nombre d'expérimentations portant sur les services que nous serions susceptibles de fournir et dont beaucoup ont déjà été énumérés. Nous souhaitons généraliser celles qui auront été des succès. Dans la mesure où la totalité de nos activités est désormais soumise à concurrence, je considère que le risque d'abus de monopole est écarté.

Savoir qui assumera le coût de ces services dépendra de leur nature. À Arras, où nous assurons des visites quotidiennes ou hebdomadaires à domicile pour les personnes âgées afin d'éviter leur transfert vers des établissements médicalisés, c'est la mairie et la caisse d'assurance maladie qui paient. À terme, pourquoi ne pas imaginer que des familles souhaitant que leurs aînés bénéficient de ces visites régulières achètent également ce service ? En tout état de cause, il s'agit bien d'un service payant.

Conscients des enjeux liés à la baisse du courrier et à la diversification des services, nos facteurs sont prêts à se former à ces nouvelles missions. Dans les bureaux de poste, à la Banque postale, chez les facteurs, les métiers ont déjà considérablement évolué, et le pacte social que nous allons proposer aux organisations syndicales abordera la question de la formation, avant même celle de la hausse des salaires. Il faut en effet que nos postiers puissent évoluer.

Monsieur Suguenot, nous procédons par étape, et notre idée est moins de financer les PME que les TPE. Comme nous n'avons pas aujourd'hui de conseillers financiers compétents dans ce domaine, il nous faut les former d'ici à 2020 à la gestion des risques et aux nouveaux systèmes d'information. Cela s'appelle la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GEPEC). Nous nous sommes engagés dans le pacte social à travailler avec les organisations syndicales sur l'évolution de certains emplois. Les postiers ont été capables de devenir de bons banquiers. Il ne leur a fallu qu'un an, en 2013, pour devenir la troisième banque de financement des collectivités locales ; en six ans, nous saurons nous former pour devenir de véritables professionnels.

En 2011, nous nous étions engagés devant vous, Jean-Paul Bailly et moi-même, à déployer une banque des collectivités locales. C'est fait. En 2013, nous avons apporté 6 milliards de crédit aux collectivités locales – 3 milliards en trésorerie et 3 milliards de prêts à moyen et long termes. Avec la Caisse des dépôts, la Banque postale a été capable de boucler le financement des collectivités locales. Plus de 50% de nos interventions concernent de petites collectivités. Les grandes régions en effet n'ont plus besoin de banques, car elles se financent sur les marchés par des émissions obligataires.

Pouvons-nous promettre que le développement de tous ces services est voué au succès ? Non, car c'est le pari de l'entreprise qui est fait. Reste que nous avons parfois de bonnes surprises, comme dans le Loiret, où le conseil général a massivement développé l'intervention à domicile, chez les personnes âgées, d'acteurs sanitaires et sociaux. Cela exige l'installation de boîtiers permettant de contrôler le passage des intervenants, et c'est La Poste qui a remporté l'appel d'offre pour installer ces boîtiers et en assurer la maintenance. Ce métier, auquel nous n'avions pas pensé au début, non seulement correspond à la culture de service public de nos facteurs, mais il est de surcroît très rémunérateur… ce qui fait rêver aux revenus supplémentaires que génèrerait l'adoption de ce dispositif par tous les autres départements.

En Haute-Saône, nous pratiquons le portage de courses à domicile, le facteur embarquant dans sa tournée les cantines réfrigérées livrées par les supermarchés. L'expérience est pour l'instant concluante ; elle doit l'être également à Vesoul, où le même dispositif a été mis en place, avant de pouvoir être généralisée.

Le second sujet d'ampleur sur lequel vous m'avez interrogé est le maillage territorial de nos bureaux de poste. Nous nous sommes engagés à respecter la loi et à faire vivre les 17 000 points de contact qu'a La Poste dans le pays. Certes, nous allons continuer à transformer certains bureaux de poste, mais jamais sans l'accord explicite du maire et de son conseil municipal. Mes équipes sur le terrain ont par ailleurs pour consigne d'anticiper au mieux les problèmes liés à ces transformations et, notamment, aux modifications d'horaires qu'elles induisent.

Quant à la plateforme industrielle de courrier de l'Aveyron, madame Marie-Lou Marcel, grâce à un investissement de 1,5 million d'euros, nous allons transformer ce centre de tri en un centre de distribution ; les facteurs disposeront ainsi de locaux neufs.

Je ne peux promettre à l'ensemble des élus du territoire le maintien ad aeternam de tous les centres de tri. Ce serait démagogique et irréaliste au vu des chiffres que je vous rappelle : 18 milliards d'objets transportés en 2009, 13 milliards aujourd'hui, 9 milliards en 2018. Certes, le nombre de colis croît, mais cela ne représente qu'un milliard d'objets, et cette augmentation ne compensera pas la diminution du courrier.

Dans les bureaux de poste et les points de contact, le numérique n'est pas le problème, il est la solution dans la mesure où il génère de la fréquentation. L'idée que, en particulier dans les territoires ruraux, le bureau de poste pourrait être un lieu d'accès au haut débit, au wifi et donc à une multiplicité de services numériques est, dans cette perspective, tout à fait intéressante.

J'ai proposé à Mme Cécile Duflot, ministre de l'Egalité du territoire et du Logement, que La Poste travaille avec son ministère sur les maisons de services au public. Quoi de mieux adapté en effet que nos bureaux de postes et leurs agents assermentés pour accueillir et faire vivre ces maisons ? Je le redis : la défense des territoires et l'une de nos préoccupations. C'est ainsi que nous sommes en pourparlers avec la CNAM, la CNAV et la CNAF pour devenir leur prestataire dans les zones rurales. La balle est dans leur camp, mais les bureaux de poste sont prêts à prendre le relais de leurs antennes régionales. Nous allons également renforcer notre présence dans les quartiers prioritaires, ainsi que le prévoit le fonds de péréquation qui accompagne le nouveau contrat de présence postale territoriale.

Après vous avoir rappelé qu'en 2013 l'indice de qualité de service pour le J+1 dépasse les 87%, je reviens un instant sur les missions de service public de La Poste. Le calendrier de mise en oeuvre de notre plan stratégique prévoit d'abord le développement du volet sur la gouvernance, d'ici à fin mars, puis, avant fin juin, l'élaboration de notre trajectoire financière. Nous espérons que les discussions avec l'État et nos actionnaires pourront faire évoluer les choses en matière de services publics.

La loi de 2010 sur La Poste nous oblige au maintien de 17 000 points de contact, ce qui représente un surcoût par rapport à la taille économiquement idéale que devrait avoir notre réseau. L'ARCEP évalue le coût de ce réseau à 252 millions d'euros, alors que nous ne touchons de l'État que 170 millions. Cela pouvait se justifier à l'époque où le service postal universel permettait de dégager des excédents, mais c'est désormais problématique. Je tiens à dire ici que le CICE n'a pas pour objet de compenser des charges de service public. C'est une mesure générale de soutien à l'investissement et à l'emploi, qui s'applique à La Poste comme à toutes les entreprises, et il est tout à fait logique que nous en soyons le premier bénéficiaire puisque nous sommes le premier employeur du pays.

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