Intervention de Jacqueline Fraysse

Séance en hémicycle du 5 février 2014 à 21h30
Formation professionnelle — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacqueline Fraysse :

Je le démontrerai, car il n’y a pas de doute, lors de l’examen de l’article 20 : le texte organise effectivement la dépénalisation de certains délits puisque passibles jusqu’à présent d’une peine d’emprisonnement ou d’une amende, ceux-ci ne seraient plus passibles que d’une simple amende ou d’une transaction pénale. Or il ne s’agit pas, je le répète, de délits mineurs, mais de mise en « danger grave et imminent » de salariés.

Le deuxième sujet d’inquiétude porte sur le rôle et la place des directeurs des DIRECCTE entre les mains desquels reposera la possibilité de recourir ou non à une transaction pénale et de fixer le montant des sanctions administratives. Or, le contour des missions des directeurs, qui ne sont pas indépendants car ils sont directement nommés par le ministre du travail, est pour le moins flou.

Pour être efficients, les agents de l’inspection du travail doivent être indépendants. On comprend donc qu’ils soient très attachés à cet aspect qu’ils considèrent, à juste titre, comme la pierre angulaire de leur mission. Vous avez tenu à dire, monsieur le ministre, votre attachement à cette indépendance et nous nous en félicitons. Comme vous le savez, elle est garantie par l’Organisation internationale du travail, érigée au rang de principe fondamental du droit du travail par le Conseil constitutionnel et encore rappelée dans le code de déontologie de l’inspection du travail qui précise qu’elle s’exprime également dans les pouvoirs propres reconnus aux agents, et non pas à l’inspection du travail en général. Il s’agit donc là d’un enjeu majeur.

Évidemment, cette exigence d’indépendance ne signifie pas, comme certains voudraient le faire croire en caricaturant, le refus d’une meilleure organisation ni une allergie à toute hiérarchie et à tout contrôle : les agents de l’inspection du travail doivent bien sûr rendre des comptes à leur hiérarchie, mais en créant les conditions pour que celle-ci ne puisse entraver leur mission. Or sous couvert d’efficacité, ce texte réorganise l’inspection du travail en de multiples unités, avec notamment des unités de contrôle, des unités régionales de contrôle et un groupe national de contrôle, d’appui et de veille mais sans que les compétences de ces différentes unités soient clairement définies, ce qui entraîne, selon le Conseil national de l’inspection du travail, des « risques de chevauchement de compétences ». Et c’est bien de ces chevauchements que naît le risque qu’un agent consciencieux de l’inspection du travail qui effectuerait un contrôle pointilleux d’un important chantier de BTP, par exemple, ou d’une entreprise de dimension nationale soit dessaisi de son dossier au profit d’une autre unité de contrôle ou d’une unité régionale ou encore du groupe national d’appui.

Vous le voyez, tout confirme qu’un sujet de cette importance doit faire l’objet d’un texte de loi sérieusement élaboré et sérieusement débattu.

En conclusion, si ce projet de loi présente d’indéniables avancées en matière de formation professionnelle, il reste très limité et entérine une diminution du financement par les employeurs ainsi qu’un transfert de compétences aux régions dans des conditions qui ne sont pas acceptables. Il est par ailleurs évident que si le cavalier législatif que constitue l’article 20 est maintenu dans ce texte, nous ne pourrons, compte tenu de la gravité des dispositions qu’il contient, que voter contre l’ensemble du projet de loi, ce qui serait fort dommage.

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