Intervention de Karine Berger

Séance en hémicycle du 30 janvier 2014 à 21h30
Progrès de l'union bancaire et de l'intégration économique au sein de l'union économique et monétaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaKarine Berger :

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires européennes, monsieur le rapporteur, mes chers collègues – fort nombreux à cette heure avancée de la nuit. Je ne sais pas si vous connaissez la nouvelle, monsieur le ministre : nous avons un nouveau ministre de l’économie et des finances ! Il siège même depuis hier au Conseil Écofin. J’ai en effet découvert dans Les Échos, ce matin, que M. Christian Noyer est notre nouveau ministre de l’économie et des finances, puisque le gouverneur de la Banque centrale française s’est exprimé de manière assez claire, assez vive et pour tout dire assez politique sur la proposition présentée hier par le commissaire Barnier concernant la régulation bancaire et son projet de directive.

Je plaisante, monsieur le ministre ! Il va de soi que l’indépendance de la Banque centrale européenne interdirait les propos politiques de la part de M. Noyer. De notre côté, nous sommes trop attachés à l’enjeu politique concernant les futures avancées en matière de régulation financière et économique de la zone euro pour imaginer qu’un responsable d’une banque centrale indépendante se mêle de ces questions.

Il est vrai que l’on n’a jamais autant de temps qu’on le croit. C’est parce que nous avons cru que nous avions tout le temps devant nous pour construire une union bancaire et unifier la régulation financière après la crise de 2009 que celle-ci a provoqué la dislocation de la zone euro depuis 2010. Après avoir fait l’euro, les pays européens ont véritablement cru qu’ils avaient tout le temps nécessaire pour construire l’union politique, et ils ont eu tort : le temps les a rattrapés et la faiblesse politique de la zone euro est en train de signer le début de sa fin.

Pour ne pas mourir, ce qui je crois est le souhait de tous ceux qui sont présents dans cette salle ce soir, la zone euro doit enfin devenir une entité politique unifiée. Ainsi, pour le reste du monde, il ne doit plus y avoir la France, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, avec chacune ses banques, sa dette, sa façon de voir la sortie de crise ; au contraire, nous devons présenter une seule voie européenne, un seul visage européen et, évidemment, une seule stratégie de progrès et de régulation financière et bancaire. Il faut une seule zone euro financière. Cela passe par deux urgences : une union bancaire politique – la France, dès l’élection du Président de la République François Hollande, a obtenu l’ouverture de négociations en ce sens – et une régulation bancaire unifiée ; j’y reviendrai.

L’union bancaire dont nous débattons ce soir aurait dû être inscrite dès la construction de l’euro. Imaginez : nous avons décidé d’avoir une seule monnaie, mais ceux qui la créent, c’est-à-dire les banques commerciales, n’avaient aucune obligation d’être unifiées, aucune règle commune et elles peuvent à tout instant être distanciées les unes des autres au travers des marchés financiers. Pour détruire la zone euro, il suffit donc de détruire les banques de la zone euro, de les attaquer, de les renvoyer à leur nationalité, de les priver de la force économique et financière que constitue une zone monétaire de 10 000 milliards d’euros.

Aujourd’hui, dans certains pays, la zone euro n’existe plus. Quand vous êtes une entreprise de Chypre ou de Grèce, vous n’êtes plus dans la zone euro. Vous n’avez plus les mêmes taux d’intérêt que vos voisins, vous n’avez pas le même regard en termes d’évaluation, de notation que les banques ou les entreprises qui sont dans les autres pays de la zone euro. Le reste du monde vous traite comme si votre pays était tout seul.

Certes, à l’origine, la crise financière était américaine, et il est clair que c’est le manque de régulation américain qui a provoqué la crise. Mais la crise européenne qui a suivi a été exclusivement politique : pas de réponse à la hauteur de l’attaque, pas de mesure à la hauteur de la fuite. Les dettes grecque, espagnole et irlandaise se sont gérées toutes seules, elles ont été renvoyées à la gestion nationale de politiques d’austérité qui ne font qu’aggraver le mal année après année depuis 2008.

Qu’a retenu de cet épisode le reste du monde ? Tout simplement que nous n’étions pas d’accord, que la zone euro est fragile, pire, qu’elle est mortelle. En laissant naître l’idée terrible qu’un jour la zone euro pouvait disparaître, nous avons commis une erreur importante en économie : nous avons créé une anticipation. Et il n’y a que l’action politique, la parole politique qui puisse tuer une telle anticipation. Notre action ce soir consiste à tuer l’anticipation d’une dislocation potentielle de la zone euro.

C’est pourquoi nous devons mettre en place très rapidement cette union bancaire. Nous devons retrouver notre souveraineté monétaire européenne, et c’est ce que vise cet accord européen. Nous pouvons le faire, par exemple en faisant les stress tests qui sont prévus dans le projet d’union. Nous n’allons pas les réaliser pour les marchés financiers, mais parce que nous voulons reprendre la main sur notre propre idée de la finance et de l’euro. Soyons clairs : nous n’avons pas du tout peur d’évaluer nos banques. Et d’ailleurs une zone euro forte n’a pas non plus peur de la transparence financière. Peut-on en dire autant des systèmes financiers anglo-saxons aujourd’hui ? C’est pour cela que les projets prévus dans l’accord de l’union bancaire dont nous discutons ce soir doivent dépasser avant tout les limites qui ont été reconnues et qui sont toujours prégnantes dans les systèmes financiers anglo-saxons.

J’insiste sur ce point : le temps joue contre nous. Nous sommes attaqués sur notre crédibilité, sur notre engagement politique, et parfois par des pays membres de l’Union européenne. Aussi, la résolution que nous adopterons ce soir doit être très claire quant aux quelques avancées qui manquent clairement dans l’accord européen sur l’union bancaire.

Deux obligations nous semblent particulièrement importantes. Premièrement, nous mettons en place un fonds de mutualisation qui mettra dix ans à se mutualiser. C’est un peu comme si deux personnes décidaient de se marier mais ne faisaient patrimoine commun qu’au bout de dix ans. Dix ans, c’est largement le temps de deux séparations et trois retrouvailles !

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