Intervention de Christian Paul

Séance en hémicycle du 30 janvier 2014 à 15h00
Débat sur la protection de la vie privée à l'heure de la surveillance numérique commerciale et institutionnelle.

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Paul :

Je remercie le groupe écologiste d’avoir proposé ce débat essentiel et je vous sais gré, madame la ministre, de l’avoir mis à profit pour évoquer les premiers thèmes du prochain projet de loi que le Gouvernement souhaite présenter dans quelques mois. Il est essentiel, en effet, que les règles de droit qui s’appliquent dans le monde numérique regagnent en cohérence et ne soient pas élaborées au fil de l’eau. Ainsi, le groupe socialiste prendra prochainement des initiatives pour préparer et mieux éclairer les choix que doit faire notre Assemblée.

Les réseaux numériques et les usages du numérique ont l’immense vertu d’augmenter les capacités humaines individuelles et collectives – vous l’avez rappelé, madame la ministre, Corinne Erhel évoquant quant à elle les potentiels d’innovation et de croissance de l’économie numérique –, mais les technologies numériques ont aussi pour conséquence de permettre, par exemple, de mener des investigations en profondeur sur les informations qui circulent en paquets sur les réseaux.

L’existence de ces technologies d’inspection est très documentée depuis plusieurs années ; je n’en ferai pas ici la description. Les méthodes massives des agences de renseignement américaines, divulguées notamment par Edward Snowden et Glenn Greenwald, ont inquiété à juste titre le monde entier. La France doit en tirer toutes les leçons, au plan international comme au plan intérieur, pour sa souveraineté comme pour la protection des libertés. J’espère qu’un jour, pas trop lointain, nous pourrons entendre Edward Snowden sur le sol français et, pourquoi pas, à l’Assemblée nationale.

Au sein de cette assemblée, nous avons dénoncé, il y a peu, la vente de matériels de surveillance par les sociétés françaises Amesys et Qosmos à des régimes dictatoriaux, notamment à la Libye – c’est établi – avec la complicité de la majorité de l’époque. Nous ne vous avons pas entendue à ce moment-là, madame Kosciusko-Morizet. D’autres entreprises semblent s’être arrêtées aux portes de la Syrie. Sachant l’ampleur du drame et de la barbarie qui se sont abattus sur le peuple syrien, imaginez un instant que l’on découvre demain que des entreprises françaises ont fourni des technologies de surveillance massive au régime de Bachar El-Assad.

Ma question est triple, madame la ministre.

Comment mieux connaître et endiguer les utilisations des techniques de DPI par les opérateurs de télécommunications, les intermédiaires des réseaux numériques ou les grands fournisseurs de services et moteurs de recherche ? Comment mieux encadrer les activités de renseignement des services régaliens, en ne se limitant pas à la simple transposition du régime des interceptions téléphoniques ? En effet, la puissance nouvelle et presque illimitée des techniques d’investigation donne à tous les services de renseignement des capacités inédites. Plus que jamais, l’encadrement de ces activités est nécessaire pour éviter la dérive, tôt ou tard, vers une société de surveillance. À ce titre, dans le fond et dans la forme, l’article 20 de la loi de programmation militaire ne rend pas service à tous ceux qui, en France, souhaitent un débat ouvert, des règles claires et des contrôles sévères dans ce domaine, et nous devrons y revenir.

Enfin, je vous remercie d’informer la représentation nationale sur les progrès réalisés ou en cours pour réglementer strictement et contrôler l’exportation de technologies de surveillance. L’autorisation préalable apparaît comme un minimum. Le caractère dual de ces technologies ne saurait servir de prétexte à leur dissémination. Dans ces domaines comme dans bien d’autres, ne l’oublions jamais, politique sans principes ne serait que ruine de l’âme.

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