Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 21 janvier 2014 à 17h45
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du Budget :

Monsieur le président, je vous remercie pour ces mots de bienvenue. Mesdames, messieurs les députés, je vous souhaite à toutes et à tous une bonne année 2014. Je suis toujours heureux de venir répondre à toutes les questions légitimes que vous vous posez, tant par souci de transparence vis-à-vis du Parlement que par respect des pouvoirs de contrôle qui sont les siens.

Comme vous, monsieur le président, je pense que seule la réalité compte. Or, en matière budgétaire, celle-ci se matérialise par des chiffres. Analysons donc ces chiffres ensemble, avec l'honnêteté et la rigueur intellectuelles que je vous connais : nous nous éloignerons ainsi des mauvaises polémiques pour centrer nos débats sur l'essentiel.

La tradition veut qu'en début d'année, le ministre du Budget vienne faire devant le Parlement cet exercice d'explication, qui correspond en outre, comme je viens de le dire, à ma conception de la transparence. J'y vois un double intérêt : cet exercice me permet de vous rendre compte avec la plus grande précision possible des premiers éléments chiffrés dont nous disposons sur l'exécution budgétaire et de mettre les faits en perspective avec la politique que nous menons et les orientations à venir.

En premier lieu, les résultats de l'année 2012 ont témoigné de nos premiers efforts pour faire reculer le déficit et maîtriser la dépense publique. Le dernier déficit nominal que nous connaissions, celui de 2011, était de 5,3 %. En 2012, le déficit de 4,8 % correspond à un effort structurel dont la Cour des comptes a reconnu qu'il était significatif, sinon exceptionnel. L'année 2013, quant à elle, a été la première année de plein exercice pour le nouveau gouvernement et je suis d'autant plus à l'aise pour l'évoquer que, pour des raisons tenant au calendrier des prises de responsabilité, je n'ai pas conçu ce budget, même si je le fais mien et l'assume pleinement ; je me suis contenté de l'exécuter.

Notre objectif était d'abord de poursuivre sur le chemin de la réduction des déficits et d'assurer une parfaite maîtrise de la dépense publique, sans renoncer en rien aux priorités que nous nous étions fixées pour redresser le pays et faire évoluer notre système fiscal vers plus d'efficience et d'équité.

J'en viens immédiatement aux résultats. D'abord, le déficit budgétaire devrait s'établir à 74,9 milliards d'euros, contre 87,2 milliards en 2012, soit une baisse de 12 milliards d'euros. On peut toujours considérer que lorsque les déficits diminuent moins vite qu'ils n'ont augmenté par le passé, ils augmentent et dérapent, mais les chiffres que je viens de vous donner sont incontestables : le déficit diminue ! Je reconnais qu'il existe un écart de 2,7 milliards d'euros par rapport à la dernière prévision que je vous ai communiquée lors du débat sur le projet de loi de finances rectificative pour 2013. Nous n'en parvenons pas moins à faire reculer le déficit budgétaire de l'État dans un contexte macroéconomique qui s'est révélé en 2013 beaucoup plus dégradé que nous ne l'avions anticipé.

Ce résultat procède d'une réelle maîtrise de la dépense publique. En effet, par rapport à l'autorisation parlementaire de la loi de finances initiale 2013, nous enregistrons une dépense inférieure de 3,4 milliards d'euros. La dépense est même en recul de 600 millions d'euros par rapport à la prévision actualisée que je vous avais présentée à l'occasion du projet de loi de finances rectificative pour 2013. Cela témoigne de notre maîtrise totale de la dépense publique. Nous sommes d'ailleurs parfaitement en ligne avec l'objectif que nous nous étions fixé sur la norme de dépense dite « zéro valeur ». Sur ce champ de la dépense, nous sommes même 130 millions d'euros en dessous de l'objectif, alors que nous avons dû faire face à plus de 1 milliard d'euros de dépenses pour le budget rectificatif de l'Union européenne non prévues initialement lors de la construction budgétaire de l'année 2013.

Quelles conclusions peut-on tirer de ces éléments ? Le fait que le Gouvernement ait sous-exécuté la dépense de l'État de près de 1 % signifie qu'il veut tenir les objectifs qu'il se fixe en matière de dépense publique. C'est un enseignement majeur au moment où le Président de la République a réaffirmé la détermination du Gouvernement à réaliser 50 milliards d'euros d'économies d'ici à la fin du quinquennat. Ce montant n'est pas une annonce subreptice ; il correspond simplement au niveau d'économies qu'il nous faut réaliser pour être en conformité avec l'effort structurel auquel nous nous sommes engagés devant les instances de l'Union européenne dans le cadre du programme de stabilité.

Les recettes, quant à elles, progressent de 15 milliards d'euros, pour atteindre 284 milliards d'euros. Nous enregistrons, vous l'avez dit, une moins-value de recettes fiscales nettes de 3,5 milliards d'euros par rapport à la dernière prévision. C'est la conséquence d'une conjoncture dégradée depuis deux ans. Le choix du Gouvernement de laisser jouer, en 2013, les stabilisateurs automatiques afin de ne pas obérer les perspectives de reprise est parfaitement assumé. Cette démarche est même confortée puisque, lorsqu'on regarde dans le détail les composantes de la moins-value, on constate une situation contrastée selon les impôts – on observe notamment, par rapport à notre dernière prévision, une amélioration des rentrées de TVA qui traduit un regain de la consommation des ménages et démontre que notre stratégie était équilibrée.

Comme c'est le cas chaque année, nous connaîtrons le 31 mars le déficit public pour l'ensemble des administrations publiques. Il m'est donc difficile aujourd'hui d'être plus précis sur ce sujet. À ce stade, le panorama d'ensemble dont nous disposons est le suivant : une amélioration du déficit budgétaire de l'État de 12 milliards d'euros par rapport à 2012 ; un ajustement à la baisse des recettes, qui conduit mécaniquement à enregistrer un recul de 2,7 milliards d'euros par rapport à l'objectif de solde budgétaire que nous nous étions fixé ; mais par-delà ces constats, une maîtrise réelle de la dépense publique.

C'est justement sur cette maîtrise de la dépense publique que je veux maintenant vous donner davantage de détails.

Les dépenses de l'État, y compris la charge de la dette et des pensions, et hors éléments exceptionnels, se sont élevées à 368,1 milliards d'euros. Cela représente un écart de 3,4 milliards d'euros en deçà de l'autorisation de crédits du Parlement sur ce champ de la dépense. Nous avons donc fait mieux que respecter les objectifs que nous nous étions assignés à nous-mêmes.

Sur le champ des dépenses encadrées par la norme dite du « zéro valeur », c'est-à-dire les dépenses du budget général, hors charge de la dette et des pensions, augmentées des prélèvements sur recettes à destination des collectivités locales et de l'Union européenne, nous observons une sous-exécution d'environ 130 millions d'euros. Je tiens à souligner cette stricte observance de la norme d'évolution de la dépense que nous nous fixons chaque année et qui constitue notre véritable boussole pour la maîtrise des dépenses de l'État. Or, en 2013, l'objectif que nous nous étions fixé d'une stabilisation de ces dépenses par rapport à la loi de finances initiale pour 2012 était particulièrement ambitieux, car nous avons dû faire face à une hausse de 1,1 milliard d'euros de notre participation au budget de l'Union européenne.

C'est donc sur le budget des ministères que nous avons dû trouver des marges de manoeuvre et des économies qui ont été d'autant plus importantes que nous avons dû financer des besoins nouveaux au sein des ministères – opérations extérieures du ministère de la Défense, politique de l'emploi, certains dispositifs de notre politique sociale, notamment certaines mesures du plan pauvreté en faveur des plus démunis. Au total, pour compenser l'ensemble des surcoûts, nous avons dû dégager 3,2 milliards d'euros d'économies.

Ces économies, nous avons pu les réaliser en nous donnant les moyens d'un pilotage efficace de la dépense. D'abord, au sein des ministères, le principe d'auto-assurance a été pleinement appliqué pour minimiser le recours à la solidarité interministérielle. Ensuite, nous avons anticipé très tôt les choses et procédé à une mise en réserve complémentaire des crédits – surgel – de 2 milliards d'euros, qui s'est révélée indispensable à la tenue de nos objectifs.

Un autre fait notable cette année est la baisse de la masse salariale hors pensions. C'est une première. Jusqu'ici, en effet, la masse salariale des ministères n'a fait que croître, y compris sous la précédente législature. Cette année, comme nous l'avions d'ailleurs prévu en budgétisation, nous avons fait baisser cette masse salariale. Cela montre que, sur une catégorie de dépenses qui présente des rigidités, car derrière il y a des personnels, de la gestion des ressources humaines et des mesures catégorielles, nous avons su assurer une maîtrise exemplaire.

Sur le champ des dépenses de l'État en général, il convient de noter la révision à la baisse de la charge de la dette, qui s'est établie à 2 milliards d'euros, c'est-à-dire en deçà de ce que nous prévoyions en loi de finances initiale pour 2013. Cela reflète la confiance des investisseurs envers notre trajectoire de finances publiques.

Enfin, puisque je parle de dépenses publiques, je vous signale que ce n'est pas simplement sur le champ des dépenses de l'État que nous assurons une maîtrise exemplaire. Sur le champ de l'assurance maladie également nous respectons nos engagements et nous essayons même d'aller bien au-delà. En effet, je peux aujourd'hui vous indiquer que l'objectif national de dépenses d'assurance maladie – ONDAM – sera respecté, et nous savons déjà que nous enregistrerons une sous-exécution supérieure à 1 milliard d'euros, c'est-à-dire supérieure à celle constatée l'an dernier.

Pour ce qui est de l'évolution des recettes, bien que l'analyse fine des résultats de l'exécution soit encore en cours, je vous donnerai aujourd'hui l'ensemble des informations dont je dispose.

Tout d'abord, d'une manière générale, la moindre dynamique des recettes fiscales était déjà connue lorsque je vous ai présenté le projet de loi de finances rectificative pour 2013. Elle résultait de nos révisions d'hypothèses macroéconomiques et de la prise en compte de ce que nous savions des rentrées fiscales de l'année précédente. Nous enregistrons aujourd'hui pour les recettes fiscales nettes une moins-value additionnelle de 3,5 milliards d'euros qui s'explique par la conjoncture et par la réévaluation de certaines mesures nouvelles que nous avions prises et pour lesquelles existait, comme c'est souvent le cas, un aléa de prévision.

S'agissant de l'impôt sur le revenu, de l'impôt sur les sociétés et de la TVA, qui sont les principaux impôts sur lesquels nous enregistrons des évolutions nouvelles, je veux vous donner des informations aussi précises que possible.

L'impôt sur le revenu a progressé de 7,5 milliards d'euros. Cela traduit l'importance de l'effort que nous avons demandé aux Français pour établir nos comptes publics. Nous observons cependant, comme vous l'avez signalé, une moins-value de 1,8 milliard d'euros par rapport aux dernières prévisions.

En réponse aux commentateurs qui ont déjà déduit de ce phénomène que « trop d'impôt tue l'impôt », je tiens à rappeler que l'impôt sur le revenu perçu en 2013 est assis sur les revenus de 2012, année dont la conjoncture ne peut être portée au débit de la seule majorité. Je pense, au contraire, que c'est pour une large part l'effet des décisions prises durant de nombreuses années qui explique pour partie les recettes de l'impôt sur le revenu pour 2012 et 2013, années de croissance atone. En particulier, l'impact sur le marché immobilier de la réforme brutale du régime fiscal des plus-values immobilières intervenue fin 2011, que nous venons de corriger, explique la faiblesse des recettes d'impôt sur le revenu à ce titre.

Les recettes de TVA, en revanche, permettent d'observer immédiatement les effets de la conjoncture, car cet impôt est prélevé instantanément sur la consommation des Français. Ces recettes sont en hausse de 600 millions d'euros par rapport à la loi de finances rectificative pour 2013. La dégradation des recettes de l'impôt sur le revenu s'explique donc essentiellement par une dégradation de la conjoncture. Cette conjoncture atone, quant à elle, relève d'une crise qui dure depuis longtemps et engendre des incertitudes dans les comportements et les revenus de nos concitoyens et dans les bénéfices de nos entreprises. Cela se traduit par des baisses de recettes de ces impôts, sans pour autant que la stratégie économique du Gouvernement puisse être mise en cause – c'est même l'inverse pour les résultats de la TVA.

Certains facteurs techniques peuvent également expliquer des écarts entre l'exécution et nos prévisions. Nous avons ainsi observé, comme en 2009 – vous étiez alors rapporteur général, monsieur le président Carrez –, une progression moins rapide des revenus les plus élevés, plus fortement imposés. D'autres effets ont joué, notamment une légère baisse du taux de recouvrement et une moins-value sur l'acompte d'impôt sur le revenu sur les dividendes et les intérêts. Enfin, certains crédits d'impôts – emplois à domicile, frais de garde – ont mieux fonctionné que nous ne l'avions anticipé dans nos prévisions.

Pour ce qui concerne l'impôt sur les sociétés, nous observons une augmentation de 6,3 milliards d'euros par rapport à 2012. Il s'agit là encore d'un effort pour rétablir nos comptes publics, rendu possible par des mesures que nous avons prises. Nous avions revu à la baisse le produit de cet impôt lors de la nouvelle prévision que nous avions faite dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014 et enregistrons aujourd'hui une moins-value de 2,5 milliards. Comme vous le savez, le mode de recouvrement de l'impôt sur les sociétés rend la prévision difficile. C'est ce que démontre du reste la chronique des écarts par rapport à la loi de finances rectificative des encaissements d'impôt sur les sociétés : moins 2,2 milliards d'euros en 2008, moins 2,1 milliards d'euros en 2010 et moins 900 millions en 2011. Le phénomène n'est donc pas inédit ; d'autres gouvernements ont été confrontés à ce type de décalage.

L'information nouvelle que nous avons est le montant du cinquième acompte net de l'autolimitation qui est en moins-value de 2,1 milliards d'euros. Nous ne pouvons pas tirer de conclusions précises sur la réalité du bénéfice fiscal des entreprises en 2013 tant que le deuxième acompte pour 2014 n'est pas connu, même si une hypothèse possible qui justifierait une telle moins-value sur le cinquième acompte est que la situation des entreprises en France est encore très difficile. Dans tous les cas, le Gouvernement est résolu à soutenir les marges des entreprises, comme en témoignent les récentes déclarations du Président de la République.

Pour être complet, je vais vous livrer des informations sur le solde des comptes spéciaux et les recettes non fiscales.

Le solde des comptes spéciaux se dégrade par rapport à 2012. Il ne s'agit pas là d'une information nouvelle, car nous subissons essentiellement les contrecoups de la perception exceptionnelle en 2012 de recettes au titre de l'attribution d'autorisations d'utilisation de fréquences de la bande 800 mégahertz consacrée à la 4G. Nous observons cependant un relèvement par rapport aux prévisions que nous avions faites pour la loi de finances rectificative 2013, qui s'explique en partie par la cession de participations de l'État dans Safran.

Quant aux recettes non fiscales, elles sont en légère moins-value par rapport à la prévision de la loi de finances rectificative 2013, en raison de la baisse du volume des amendes prononcées par les autorités de la concurrence.

L'année 2013 a été caractérisée par une participation équitable et nécessaire des contribuables au redressement des finances publiques, ainsi que par un pilotage très maîtrisé de la dépense publique. Notre stratégie en matière de dépense se poursuivra. Nous tenons nos objectifs de dépenses et allons même au-delà. Nous poursuivrons et renforcerons nos efforts d'économies afin d'atteindre l'objectif, fixé par le Président de la République, de 50 milliards d'euros sur les années de 2015 à 2017. Le Premier ministre vient d'ailleurs d'adresser aux ministres une lettre de méthode fixant une nouvelle procédure budgétaire qui doit permettre de faire tendre l'ensemble des membres du Gouvernement vers cet objectif. Dès le mois d'avril seront envoyées à chaque ministre des lettres de cadrage individualisées fixant le volume d'économies à réaliser.

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