Intervention de Julien Aubert

Séance en hémicycle du 14 janvier 2014 à 21h30
Accès au logement et urbanisme rénové — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJulien Aubert :

Votre approche du marché locatif est exactement la même que pour le marché de l’emploi : les locataires sont les salariés et les propriétaires sont les employeurs. En sanctuarisant la situation des locataires, comme vous le faites par exemple en étendant la trêve hivernale, on asséchera mécaniquement le nombre de biens disponibles. On ne crée pas la prospérité en dissuadant ceux qui créent de l’emploi ; de même, on ne crée pas du logement en euthanasiant ceux qui peuvent en proposer. L’encadrement des loyers est au marché locatif ce que l’encadrement des salaires est au marché de l’emploi.

Au lieu d’ajouter des règles, il faut, au contraire, libéraliser le marché en allégeant les contraintes administratives et en laissant l’État à sa juste place. Or, madame le ministre, votre projet fait tout l’inverse.

S’agissant tout d’abord de la garantie universelle obligatoire des loyers, celle-ci aurait eu pour conséquence – je parle au conditionnel, puisque cette mesure a été modifiée dans le texte qui nous est soumis en deuxième lecture – de fragiliser un marché locatif sous tension et de faire supporter par un fonds les loyers à payer, incitant ainsi certains locataires malveillants à ne pas remplir leurs obligations. C’est l’équivalent, sur le marché du travail, de la garantie de l’emploi à vie, sans sanction en cas de triche. Vous n’éviterez pas les phénomènes de passager clandestin.

Si l’on y ajoute les délais bien souvent très longs pour faire expulser un locataire mal intentionné, on risque de voir le marché de la location se comprimer. Regardez ce qui se passe sur le marché du travail, lorsqu’un patron ne peut pas se défaire d’un salarié, même si celui-ci nuit à l’entreprise, et que tout conflit se termine invariablement par une décision prud’homale défavorable à l’employeur ! Est-ce un hasard si, au cours des deux dernières années, un grand nombre de PME ayant licencié des salariés à cause de la crise hésitent à embaucher de nouveau ? Je me réjouis donc que la garantie universelle des loyers soit devenue facultative : c’est un moyen d’atténuer sa nocivité profonde.

S’agissant ensuite de l’impossibilité d’occuper un bien immobilier nouvellement acheté mais déjà loué avant la fin du renouvellement du bail en cours, qui fait l’objet du 4° du I de l’article 2, on ne peut que demeurer dubitatif. Comment, et surtout pourquoi acheter un bien déjà occupé ? Quelles conséquences pour le propriétaire, qui se retrouvera avec un bien dont il ne pourra pas disposer librement ? L’une d’entre elles sera la diminution mécanique du prix du bien. Lorsqu’on achète un bien pour investir, ce n’est pas pour effectuer une moins-value parce qu’il est occupé au moins jusqu’à la fin du renouvellement du bail en cours !

En réalité, le système que vous proposez consiste tout simplement en un viager revu et corrigé. Et de la même façon, lorsque le bien sera acheté pour y vivre, les nouveaux propriétaires seront dans l’obligation d’attendre avant de pouvoir emménager. Comment feront-ils ? Devront-ils aussi demeurer locataires le temps du bail ? Une fois le délai d’occupation légale dépassé, compte tenu des nombreux renforcements de normes en matière d’expulsion, le locataire présent sera en droit de rester dans l’appartement occupé, en attendant une hypothétique décision de justice d’expulsion et le recours à la force publique.

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