Intervention de Fanélie Carrey-Conte

Réunion du 11 décembre 2013 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFanélie Carrey-Conte, rapporteure :

Nous retrouvons aujourd'hui en deuxième lecture la proposition de loi visant à sécuriser le fonctionnement des réseaux de soins créés par les mutuelles et à préciser les modalités des conventions entre les organismes d'assurance maladie complémentaire d'une part, et les professionnels, services et établissements de santé d'autre part. Adopté en première lecture par l'Assemblée nationale il y a un peu plus d'un an, le texte a été voté par le Sénat le 24 juillet 2013.

À l'origine, la proposition de loi comportait un article unique, qui ouvrait aux mutuelles le droit de constituer des réseaux de soins. Il s'agissait de rétablir une égalité de traitement entre les mutuelles et les autres organismes complémentaires, et de mettre fin à l'insécurité juridique qui touche aujourd'hui les réseaux mutualistes déjà constitués. En effet, c'est sur la requête d'un adhérent contestant le niveau de remboursement qui lui était octroyé, que la Cour de cassation avait, dans un arrêt rendu en 2010, interdit à une mutuelle de pratiquer des modulations dans le niveau de prestations, selon que l'adhérent consulte ou non un praticien conventionné. Plusieurs mutuelles encourent encore aujourd'hui des condamnations pouvant intervenir à brève échéance. L'article 1er proposait donc de modifier le code de la mutualité afin de sécuriser juridiquement les réseaux de soins constitués par les mutuelles – sujet déjà abordé par une proposition de loi portée par Jean-Pierre Door et notre ancien collègue Yves Bur, ainsi que par la loi dite « Fourcade ».

Nos travaux en commission et en séance ont conduit à la création de deux articles supplémentaires. L'article 2 a fixé les principes que doit respecter tout conventionnement entre un organisme complémentaire de santé et un professionnel, un établissement ou un service de santé. En effet, les travaux préparatoires au passage en commission avaient révélé qu'il était utile de préciser le cadre juridique et les modalités de fonctionnement des réseaux de soins organisés par les trois types d'organismes complémentaires. À l'initiative de notre présidente de commission, nous avons notamment mieux défini le périmètre de ces réseaux, en décidant que les conventions avec les médecins ne pourraient porter de stipulations tarifaires sur les actes et prestations mentionnés dans les nomenclatures de l'assurance maladie ou dans les conventions nationales. L'article 3 a proposé d'établir une évaluation régulière de la pratique de ces réseaux, afin de pouvoir, si nécessaire, en réajuster le fonctionnement.

Le travail remarquable accompli ensuite par le Sénat, sur le rapport d'Yves Daudigny, a introduit plusieurs modifications. Si l'article 1er a été voté conforme, l'article 2 a au contraire fait l'objet d'une nouvelle rédaction globale. Tout en maintenant les principes posés par l'Assemblée – notamment la liberté de choix du patient et l'existence de critères objectifs, transparents et non discriminatoires de sélection des professionnels –, et sans dénaturer les objectifs initiaux du texte, elle permet de préciser plusieurs points importants.

Ainsi, les conventions conclues ne peuvent plus, désormais, porter atteinte aux principes d'égalité et de proximité dans l'accès aux soins. Par ailleurs, l'article précise que pour les professionnels de santé pour lesquels la dépense de l'assurance maladie est majoritaire, les conventions avec les organismes d'assurance maladie complémentaire ne pourront pas comporter de clauses tarifaires liées aux actes et prestations fixés par l'assurance maladie. Aux termes de cette disposition, les conventions comportant des clauses tarifaires ne concerneront donc que les chirurgiens-dentistes, les opticiens-lunetiers et les audioprothésistes. L'article précise également que pour les médecins, le niveau de remboursement par les organismes d'assurance maladie complémentaire ne pourra être modulé selon que le patient consulte au sein ou en dehors d'un réseau. Enfin, il limite la possibilité de mettre en oeuvre des réseaux fermés au seul secteur de l'optique, au vu des problématiques spécifiques – notamment du point de vue démographique – de cette profession.

La rédaction de l'article 3 a été simplifiée et modifiée afin de s'adapter à notre calendrier : le dépôt du rapport annuel doit désormais intervenir avant le 30 septembre et non plus avant le 30 juin. Le Sénat a par ailleurs élargi le champ du rapport en prévoyant une évaluation des conséquences des conventions conclues sur l'accès aux soins des patients.

Les sénateurs ont enfin modifié le titre du texte, maintenant nommé « proposition de loi relative aux modalités de mise en oeuvre des conventions conclues entre les organismes d'assurance maladie complémentaire et les professionnels, établissements et services de santé ». Ce nouveau titre rend compte de la globalité du travail législatif accompli jusqu'ici par les deux assemblées.

Les groupes Socialiste et apparentés, Écologiste, Union des démocrates et indépendants et une partie du groupe du Rassemblement démocratique et social européen ont voté pour l'adoption de ce texte au Sénat. Le groupe UMP a voté contre et le groupe Communiste, républicain et citoyen s'est abstenu.

Deux éléments me paraissent essentiels. D'abord, ce texte poursuit un objectif politique : celui de faciliter l'accès aux soins. En effet, le reste à charge des ménages – qui a connu une augmentation ininterrompue depuis dix ans, au fur et à mesure que se réduisait la part de la sécurité sociale dans la prise en charge des patients – demeure un obstacle majeur à l'accès aux soins pour un trop grand nombre de nos concitoyens contraints de renoncer à certains d'entre eux. Il faut impérativement inverser cette tendance, d'abord en renforçant l'assurance maladie obligatoire, à rebours des politiques menées ces dix dernières années, mais aussi en utilisant des outils tels que les réseaux de soins, objet de ce texte. En permettant une meilleure prise en charge et une meilleure information des patients, ces réseaux jouent un rôle régulateur et contribuent ainsi à faire diminuer le reste à charge, et donc à améliorer l'accès aux soins.

Ensuite, ce texte ne prétend pas, à lui seul, définir les contours d'une politique de santé dans sa globalité, ni apporter une réponse exhaustive aux inégalités d'accès aux soins, les réseaux de soins ne constituant qu'un outil parmi d'autres au service de cet objectif. Toutefois, il faut souligner que l'élaboration de ce nouveau cadre et les débats qu'il a pu susciter ont eu le mérite de faire émerger des questions essentielles, relatives aux objectifs de notre système de santé et à son organisation, notamment en matière de lien entre assurance maladie obligatoire et complémentaire. Une partie de ces questions, soulevées il y a un an, ont commencé à être traitées, notamment dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2014.

Alors que les organismes complémentaires pâtissaient d'une inégalité de traitement et que les réseaux de soins ne faisaient l'objet d'aucune régulation, les travaux législatifs de l'Assemblée et du Sénat ont permis d'aboutir à un texte qui met fin à l'insécurité des mutuelles tout en définissant un cadre juridique satisfaisant et équilibré pour le fonctionnement de l'ensemble des réseaux de soins, ainsi que pour leur évaluation. Au vu de ce bilan, je vous propose aujourd'hui d'adopter sans modification le texte transmis par le Sénat. Sans dénaturer l'objectif initial de la proposition de loi, ce dernier y a apporté des précisions importantes qui permettraient de voir les nouvelles dispositions appliquées dans les meilleurs délais et de favoriser substantiellement l'accès aux soins de nos concitoyens.

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