Intervention de Alain Moyne-Bressand

Séance en hémicycle du 5 décembre 2013 à 15h00
Lutte contre l'ambroisie — Discussion d'une proposition de loi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Moyne-Bressand, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire :

Monsieur le président, madame déléguée chargée de la famille, mes chers collègues, je souhaiterais expliquer pourquoi il est devenu nécessaire de prendre des dispositions législatives contre la prolifération de l’ambroisie, mais aussi la raison pour laquelle, dans sa séance du mercredi 27 novembre, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a adopté la proposition de loi que j’ai présentée.

Quelques rappels tout d’abord. Le territoire français n’échappe pas au phénomène d’invasions biologiques, et de nombreux exemples rappellent l’importance des conséquences environnementales, sanitaires et économiques de ces invasions, qui ne doivent pas être sous-estimées. À ce titre, le texte que nous vous présentons concerne la santé publique ; il est d’intérêt général et constitue également une source d’économies pour la Sécurité sociale.

L’ambroisie à feuilles d’armoise est une espèce végétale envahissante, venue d’Amérique du Nord, présente sur notre sol depuis plus d’un siècle et en expansion sur notre territoire national. Elle est particulièrement bien implantée dans tous les départements de la région Rhône-Alpes et dans le bassin de la Loire et de l’Allier, mais elle est aussi présente dans d’autres régions françaises où elle se répand. Seuls neuf départements sur quatre-vingt-seize ne seraient pas touchés.

Les raisons de cette expansion sont multiples. Elles sont liées avant tout aux activités humaines : l’importance des surfaces laissées en friche ou en jachère, le développement des transports de matériaux et de matériels de construction, la multiplication des voies de communication ou encore l’augmentation des sites de construction en milieu urbain et périurbain. Ainsi, c’est surtout à la faveur des grands travaux d’aménagement du territoire que l’ambroisie est partie à la conquête des zones où le climat lui était favorable. Depuis vingt-cinq ans, elle peut être qualifiée d’envahissante.

L’impact de la prolifération de l’ambroisie à feuilles d’armoise est de trois ordres : agronomique – avec des pertes de rendement pouvant aller de 20 % dans les cultures de céréales à 70 % pour le tournesol et la betterave –, environnemental et surtout sanitaire.

Ses conséquences sur la santé publique sont très négatives en raison du pouvoir allergisant de son pollen, considéré comme l’un des plus puissants déclencheurs de rhumes des foins, de rhinites allergiques, de conjonctivites, voire de dermatites ou de crises d’asthme. De récentes études médicales ont estimé que 10 % à 20 % des patients européens présentant des allergies au pollen souffrent d’allergies à l’ambroisie. Dans la région Rhône-Alpes, 12 % de la population aurait des allergies liées à l’ambroisie dans la période de juin à octobre.

La prévention constitue le meilleur moyen de contrôler l’invasion d’une espèce végétale, car il devient beaucoup plus difficile de lutter lorsque les plantes envahissantes se sont propagées sur de larges territoires et dans des zones où la population est dense.

La propagation de l’ambroisie à feuilles d’armoise est telle, en France, que son éradication est malheureusement devenue impossible, mais il est impératif de contrer de nouvelles disséminations et de réduire son expansion actuelle. Toutes les stratégies de lutte sont fondées sur la prévention de la production de pollens et de graines. Différentes méthodes sont utilisées : fauchage, arrachage, couverture du sol par des plantes ou des bâches pour les carrières ou les chantiers, pâture par des moutons – c’est l’éco-pâturage – ou encore recours aux herbicides.

Bien entendu, les méthodes les moins nuisibles à l’environnement doivent être privilégiées, mais une approche combinant les différentes méthodes et l’intégration des acteurs concernés est nécessaire pour lutter efficacement contre la dissémination. Il convient ainsi de recourir à des solutions complémentaires et de les utiliser de façon permanente, dans la continuité des saisons.

Du point de vue juridique, la lutte contre les ambroisies a fait l’objet d’un encadrement réglementaire, rarement législatif. Comme je l’ai expliqué devant la commission du développement durable, dont je salue le président, cet encadrement vise à permettre à la France de respecter ses engagements européens et internationaux en matière de biodiversité. Les espèces invasives, qu’elles soient végétales ou animales, ont en effet été identifiées comme l’un des cinq facteurs aggravant l’érosion de la biodiversité.

Ainsi, outre qu’elle constitue un enjeu national en matière de lutte contre la perte de biodiversité, d’agriculture et de santé publique, la lutte contre l’ambroisie s’impose car elle permet à notre pays de respecter un certain nombre d’engagements européens et internationaux. Je citerai à cet égard la Convention sur la diversité biologique, adoptée lors du sommet de Rio en 1992 et ratifiée par la France en 1994, la Convention de Berne relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe et la Convention de Nagoya d’octobre 2010.

La réglementation française reste insuffisante. Pourtant, la lutte contre ce fléau participe de l’objectif, défini par la loi du 23 août 2009 – dite Grenelle 1 –, consistant à mettre un terme à la perte de biodiversité. Cet objectif comporte la possibilité d’interdire l’introduction des espèces exotiques envahissantes dans le milieu naturel.

La lutte contre les espèces invasives a également été intégrée dans la Stratégie nationale pour la biodiversité 2011-2020, afin d’identifier les espèces exotiques envahissantes.

Certes, un arrêté du ministre de l’agriculture, en date du 13 juillet 2010, a inscrit l’ambroisie sur la liste des espèces invasives, en définissant la nature du couvert végétal des bandes tampons autorisées entre parcelles cultivées.

Les pouvoirs publics ont également agi dans le domaine de la santé. Le ministère de la santé a notamment créé en 2011, avec l’INRA et sous l’autorité de la direction générale de la santé, l’Observatoire de l’ambroisie, qui a réalisé la première cartographie nationale de sa dissémination sur notre territoire en implantant des capteurs.

Il a par ailleurs intégré au plan national santé environnement II 2009-2013 la lutte contre l’ambroisie, au sein de l’action intitulée « Prévenir les allergies ». Pour répondre à une demande de certains membres de la commission du développement durable, cet aspect de l’action de l’État a été précisé dans mon rapport.

Mais, sur le plan opérationnel, la lutte contre l’ambroisie repose uniquement sur des arrêtés préfectoraux, pris dans une quinzaine de départements, et sur des arrêtés municipaux, comme celui que j’ai pris en tant que maire dans la commune de Crémieu.

La proposition de loi qui vous est soumise vise donc à améliorer l’encadrement normatif, en le rendant plus cohérent et plus efficace, de façon à l’adapter à l’urgence de la situation.

Sans détailler le contenu du texte adopté en commission, j’en rappellerai les principaux points : inscription de l’ambroisie sur la liste des organismes nuisibles ; obligation de destruction de la plante sur les parcelles contaminées, assortie d’une procédure d’exécution d’office en cas de manquement des personnes concernées par cette obligation ; rôle de coordination confié au représentant de l’État dans le département ; obligation de prendre des mesures préventives pour éviter la dissémination ; rôle de collecte des informations sur la dissémination et de coordination des actions de communication, d’alerte et d’information confié au ministre chargé de la santé.

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