Intervention de Philippe Meunier

Séance en hémicycle du 26 novembre 2013 à 21h30
Loi de programmation militaire 2014-2019 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Meunier :

…alors que la Cour des comptes a démontré elle-même que ce ministère souffrait non pas d’un nombre trop faible d’enseignants mais d’une utilisation défaillante des moyens existants.

En raison de ce traitement inique, avec le Gouvernement et le Président de la République, vous cassez non seulement notre outil de défense mais aussi le moral de nos armées.

Après la suppression massive de leurs effectifs, avec votre LPM nos armées se verront également amputer de leur capacité en matériel.

L’armée de terre ne verra pas arriver ses premiers véhicules du programme Scorpion avant 2018-2019 puisque votre gouvernement a attendu dix-sept mois avant de signer le lancement du marché. Nos véhicules de l’avant blindés ne pourront pas tenir jusqu’à cette date sans un taux d’indisponibilité majeur, vous le savez très bien. Vous annoncez également dans votre LPM la baisse de 20 % de la capacité d’intervention de nos chars lourds puisque vous avez décidé d’en placer cinquante sous cocon. Quant aux premières rénovations que vous nous proposez, notamment pour améliorer leur capacité d’intervention en milieu urbain, elles n’interviendront pas avant 2020. Pour dire les choses simplement, que ce soit avec le programme Scorpion ou la rénovation de nos chars lourds, qui n’ont, je le rappelle, pas changé de standard depuis 2005, vous « refilez le bébé » à vos successeurs et à la prochaine LPM 2020-2025.

L’armée de l’air passera quant à elle de 275 avions à 225. Pour faire face à cette baisse massive du nombre de nos avions de combats, vous nous proposez de créer deux catégories : des pilotes de premier rang, capables d’entrer en premier au combat, qui bénéficieront des qualifications nécessaires, et des pilotes de second rang, qui n’auront plus les qualifications suffisantes pour le faire, faute d’entraînement. Cela ne s’est jamais vu dans aucune armée de l’air opérationnelle moderne et digne de ce nom. Avec ce type de décision, vous prenez la responsabilité d’affaiblir nos capacités de défense et d’attaques aériennes, sans parler du moral de nos pilotes.

Et que dire de notre parc d’avions ravitailleurs ? Vous attendez 2018 pour remplacer le premier de nos KC 135 alors que chacun sait que le parc actuel de 12 appareils ne pourra pas tenir techniquement jusqu’à cette date. Concrètement, cela signifie que, notre composante nucléaire aéroportée mise à part, notre armée de l’air devra se mettre sous la tutelle d’une puissance étrangère pour mener une opération de type Mali. Ce n’est pas acceptable !

La marine voit aussi remise en cause la livraison du nombre de ses unités avec les réductions de capacité les plus significatives. La diminution du nombre et le décalage des livraisons de nos patrouilleurs, de nos frégates et de nos sous-marins nucléaires d’attaque diminueront ainsi de facto la présence de notre marine pour défendre nos intérêts au sein de nos eaux territoriales et en haute mer.

La forte réduction du nombre de missiles et de munitions qui seront commandés dans le cadre de votre loi de programmation militaire fait aussi peser un risque grave sur les capacités d’engagement opérationnel important de notre marine. À quoi bon tenir de grands colloques sur la « maritimisation » si vous ne donnez pas à notre marine les moyens d’assurer sa mission sur tous les continents où nos eaux territoriales et nos intérêts vitaux sont menacés, Philippe Vitel le dira tout à l’heure.

Après les années calamiteuses de la gauche plurielle, de 1997 à 2001, il a fallu dix ans à Jacques Chirac et à Nicolas Sarkozy pour redonner à notre pays sa capacité d’intervenir efficacement sur les différents théâtres d’opérations extérieures. Décidément, de Lionel Jospin à François Hollande, la gauche, pour des raisons idéologiques et pour financer son clientélisme électoral, se sert toujours de la défense nationale comme variable d’ajustement budgétaire.

Vos efforts n’auront donc servi à rien, monsieur le ministre. Votre projet de loi de programmation militaire est passé sous les fourches caudines de Bercy et votre programmation budgétaire n’est pas sanctuarisée puisque les budgets 2014, 2015 et 2016 ne prendront pas en compte l’inflation.

Sur la totalité de la durée de votre LPM, nos armées perdront ainsi plus de 10 milliards d’euros de pouvoir d’achat. Quant aux recettes exceptionnelles de 6,5 milliards d’euros que vous attendez pour boucler votre programmation, personne n’y croit. Et ce n’est pas la décision de votre gouvernement d’amputer le budget 2013 de la défense de 650 millions d’euros, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, qui confère de la crédibilité à votre projet de loi de programmation militaire. Au nom de l’intérêt national, souhaitons que votre pari risqué sur les exportations soit tenu.

Je ne remets pas en cause votre patriotisme et vous savez que, lorsqu’il s’agit de l’intérêt national, vous pouvez compter sur nous. Nous le démontrerons encore au cours de nos débats lorsqu’il s’agira, par exemple, de protéger notre dissuasion nucléaire des attaques de vos propres alliés politiques.

Alors, ayez le courage de dire la vérité à nos compatriotes. Arrêtez de dissimuler les conséquences dramatiques de votre loi de programmation militaire sur nos capacités opérationnelles et notre tissu industriel. Arrêtez de dissimuler la liste des communes qui seront frappées jusqu’en 2019 par la fermeture des bases que vous avez décidée et que vous cachez aux Français.

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